La maison du martyr Ibrahim Akkari ne sera pas démolie. C’est ce qu’affirment les jeunes Palestiniens du camp de She’fat, situé à l’intérieur de la zone élargie par l’occupant de la ville d’al-Quds. Depuis plusieurs jours, la population palestinienne du camp (qui rassemble des réfugiés originaires des territoires occupés en 48 et de la place Sharaf dans la vieille ville, entièrement détruite en 1967, ou des Maqdissis à la recherche de logements bon marché), est en état d’alerte : elle ne permettra pas la démolition de la maison du martyr. D’ailleurs, les policiers de l’occupation n’ont même pas pu remettre l’ordre de démolition à la famille, ayant été empêchés par les jeunes, et la famille n’a même pas déménagé ses affaires, elle continue à vivre dans sa maison, protégée à présent par la population du camp en entier qui a pris la décision d’affronter l’occupant : les barrages sont installés, des rondes nocturnes assurent la sécurité des ruelles, et les entrées du camp sont surveillés. A la moindre alerte, les jeunes mobilisés de jour et de nuit passent à l’attaque pour empêcher toute infiltration, de l’armée, de la police ou même des « musta’ribines » (les sionistes déguisés), bref, de l’ennemi.
Il y a quelques jours, ces jeunes ont réussi à chasser les forces armées de l’occupation installées au principal barrage devant le camp, en lançant sur ses membres les bouteilles incendiaires, les explosifs et les pierres. 70 membres du barrage ont pris la fuite. Ils sont revenus, mais n’osent entrer dans le camp. Le ministre sioniste de l’Intérieur n’a pu y faire sa tournée, il fut immédiatement chassé. Devant les caméras de la chaîne « Falastine al-Yom », les jeunes et moins jeunes, qu’ils aient les visages cachés par les kouffiehs ou non, ont expliqué qu’ils ne permettraient pas la démolition de la maison Akkari. Pour ce faire, les soldats devraient passer sur leurs cadavres. Ils ont l’intention de résister jusqu’au bout. Ils ont affirmé prendre exemple sur la bataille de Jénine en 2002, où la résistance héroïque de sa population et de ses combattants ont marqué l’histoire de la résistance palestinienne en indiquant le chemin du défi et du sacrifice, après la catastrophe des accords d’Oslo.
Les jeunes du camp de She’fat renouent avec l’histoire héroïque du peuple palestinien, en balayant les résidus entassés dans la conscience depuis que les responsables de l’OLP ont engagé le peuple dans une voie sans issue : celle des négociations et de la reconnaissance de l’Etat de l’occupation. Si la Nabka de 1948 puis la « Naksa » de 1967 furent des catastrophes militaires et sociales, elles n’ont cependant pas entamé ni détruit la conscience palestinienne. La volonté de résister et de se sacrifier pour la libération du pays est restée intacte, contrairement à la période suivante qui a assisté à la bureaucratisation, au vieillissement et la sclérose des formations palestiniennes qui ont accepté, moyennant les pétrodollars et les mirages d’un « Etat palestinien », d’abandonner la résistance et une partie de la terre palestinienne, par « réalisme » ou défaitisme.
Les accords catastrophiques d’Oslo couronnent cette phase « réaliste » de l’histoire palestinienne : ils ont progressivement effacé de la conscience le fait que la Palestine est le centre de la patrie arabo-islamique, que sa libération est nécessaire pour que les peuples puissent jouir de leur liberté, indépendance et souveraineté, et que la lutte contre l’Etat colonial sioniste est en même temps une lutte contre l’impérialisme et toute forme de soumission, politique, économique et culturelle. Les accords d’Oslo ont instauré le mirage de la « coexistence » avec l’occupant, suscité de faux espoirs et travesti la réalité du conflit, ce qui a permis l’émergence d’une nouvelle catégorie « d’activistes », issus ou non d’ONGs, dont les références s’éloignent autant que possible de l’histoire de la patrie arabo-islamique pour se fixer sur les « luttes internationales », où il devient plus aisé de parler d’apartheid plutôt que d’occupation coloniale et de « colonie de peuplement », et de droits de l’homme plutôt que du devoir de lutte et de sacrifice.
Les jeunes du camp de She’fat, en refusant la démolition de la maison du martyr Ibrahim Akkari, brisent le cercle vicieux dans lequel l’occupant a installé les Palestiniens, notamment en Cisjordanie et dans la ville d’al-Quds. On n’attend plus le passage des bulldozers, on ne sort pas les affaires familiales avant la démolition, on ne se lamente plus devant les caméras, on ne dresse plus de statistiques à envoyer aux ONGs et organismes internationaux, on n’a pas recours aux tribunaux de l’occupation pour retarder ou stopper, moyennant finances, la démolition. On n’accepte plus de démolir soi-même sa propre maison, pour ne pas avoir à payer les frais de la démolition qu’imposent l’occupant, on ne demande plus l’intervention de l’ONU, de l’Union européenne, du CICR ou autres organismes qui soutiennent l’occupant. Tout simplement, on refuse et on défie l’occupant d’entrer dans le camp et de démolir. Par ce refus et ce défi, les jeunes du camp de She’fat renvoient à l’occupant sa vraie image, que les accords d’Oslo et toutes les « luttes pacifiques » ont voulu masquer : le sioniste, religieux ou laïc, de gauche ou de droite, n’est qu’un colon qui a envahi la terre de Palestine et qui l’a volée par la force des armes et de la terreur.
A la question du journaliste leur demandant comment ils comptent s’opposer, sans armes, aux chars et à l’aviation de l’occupant, les jeunes du camp de She’fat ont répondu : « Nous avons la volonté, la détermination de résister, nous avons la foi en la justesse de notre cause, nous avons Dieu ». Le réalisme ne consiste pas à s’adapter au rapport de forces, mais à le construire par la lutte sur le terrain, en ciblant le colon et son entité. C’est ce qui a permis le déclenchement de toutes les révoltes et révolutions palestiniennes, depuis l’occupation britannique et l’invasion sioniste, au début du XXème siècle. C’est ce qui a maintenu en vie et empêché la disparition du peuple palestinien. C’est ce qui a progressivement dévoilé la vraie nature de l’Etat colonial sioniste.