De violents heurts opposaient dimanche des centaines de Palestiniens à la police israélienne déployée en nombre à Jérusalem-Est au terme d'une journée sous haute tension qui doit se finir avec les funérailles d'un Palestinien accusé d'avoir mené un attentat.
La police, lourdement équipée, a fermement repoussé à coup de lacrymogènes des centaines de Palestiniens venus célébrer les «funérailles symboliques» d'Abdelrahmane Shalodi. Ce Palestinien de 21 ans a été abattu mercredi par la police après avoir, délibérément selon les autorités israéliennes, jeté sa voiture sur un arrêt du tramway, tuant un bébé et une Équatorienne de 22 ans qui a succombé dimanche à ses blessures.
Depuis, sa dépouille, aux mains de la médecine légale israélienne, n'a toujours pas été remise à sa famille. La justice israélienne a décidé qu'elle ne serait rendue aux Shalodi qu'à la porte du cimetière où ils devront procéder à un enterrement rapide au milieu de la nuit, en présence d'une liste réduite de participants soumise auparavant à la police.
La famille a refusé ces conditions et l'enterrement, prévu ce soir, pourrait être repoussé une nouvelle fois -il était initialement prévu samedi- si la justice décide d'en réexaminer la tenue.
«Funérailles symboliques»
Privée d'une cérémonie qu'elle voulait importante, la famille Shalodi avait appelé à des «funérailles symboliques» en fin d'après-midi devant sa maison de Silwan, quartier populaire palestinien ultra-sensible proche du vieux Jérusalem.
Des centaines de Palestiniens ont ainsi répondu présents et participé à la prière du défunt avant de tenter de rallier l'esplanade des Mosquées, épicentre de toutes les tensions dans la Ville sainte, a constaté un journaliste de l'AFP.
Accompagnant un cercueil vide enveloppé dans un drapeau palestinien, la foule avait à peine parcouru quelques dizaines de mètres que la police israélienne chargeait, sous des rafales de tirs de grenades lacrymogènes auxquels répondaient des jets de pierres, de pétards et de cocktails Molotov. Au moins quatre Palestiniens ont été arrêtés, tandis que les forces israéliennes perquisitionnaient les maisons alentour, a constaté le journaliste.
Selon le Croissant-Rouge, ces heurts ont fait au moins 21 blessés, asphyxiés par le gaz lacrymogène ou touchés par des balles en caoutchouc. Cinq d'entre eux ont été admis à l'hôpital après avoir été touchés notamment aux yeux, a précisé un porte-parole à l'AFP.
Des heurts ont également éclaté en d'autres points de la partie palestinienne annexée et occupée par Israël de Jérusalem, notamment dans les quartiers de Rass al-Amoud et de Issawiya.
Dans l'après-midi, devant les membres de son gouvernement, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou avait promis d'utiliser «toute la force nécessaire pour qu'échoue» le plan «des extrémistes musulmans qui s'emploient à l'embrasement» de Jérusalem, qu'il a désigné comme «la capitale d'Israël».
L'annexion et l'occupation de Jérusalem-Est sont illégales aux yeux de la communauté internationale et l'un des principaux obstacles au processus de paix, les Palestiniens réclamant d'en faire la capitale de l'État auquel ils aspirent.
Cinq jours de violence
Les forces de sécurité de Jérusalem ont reçu ces derniers jours des milliers de renforts, selon une porte-parole de la police. Depuis mercredi, les violences secouent Jérusalem-Est jour et nuit sans discontinuer. La nuit dernière, au moins cinq Palestiniens ont encore été arrêtés, selon la police israélienne.
À chaque fois, ce sont les mêmes scènes de jeunes Palestiniens, souvent masqués, brûlant des pneus et lançant pierres, pétards ou engins incendiaires face aux policiers armés. Les pierres visent aussi le tramway qui circule désormais sous escorte policière, et tout ce qui symbolise l'autorité ou la présence israéliennes.
Les policiers répondent par des tirs de gaz lacrymogènes ou de projectiles en caoutchouc. Des policiers en uniforme ou en tenue civile, aidés par les ballons d'observation lâchés au-dessus de la ville, arrêtent les émeutiers.
Jérusalem-Est est en proie depuis l'été à des tensions grandissantes qui font craindre un embrasement généralisé. La décision de la municipalité de Tel-Aviv de reporter un voyage scolaire prévu dans certains quartiers de Jérusalem en butte aux violences trahit l'inquiétude. Elle a visiblement mis en émoi la municipalité de Jérusalem, haut lieu de tourisme et de pèlerinage, qui a dit «ne pas recommander les annulations», assurant que la ville était «sûre et ouverte».
Sur fond d'enlisement des efforts de paix, les tensions ont été exacerbées depuis l'été par une série d'événements: assassinat d'un jeune Palestinien par des extrémistes juifs en juillet après l'assassinat de trois adolescents juifs, arrestations de centaines de Palestiniens, guerre à Gaza, visites de juifs perçues comme des provocations sur l'esplanade des Mosquées, poursuite de la colonisation et appropriations de maisons palestiniennes par des colons, à Silwan par exemple.