Alors que des camions de nourriture et d’autres marchandises entrent dans Gaza, les matériaux necéssaires à la reconstruction et promis dans l’accord de cessez-le-feu restent inaccessibles.
- Des Palestiniens retournent vers ce qui était leurs maisons dans le quartier de Shejaiya après la déclaration d’un cessez-le feu entre les organisations de la résistance palestinienne et l’occupant israélien, dans la ville de Gaza - Photo : AA
Peu après, des camions chargés avec des marchandises et de l’aide humanitaire entraient dans la bande de Gaza déchirée par la guerre. Mais al-Ghalban attend toujours les matériaux de construction dont ont désespérément besoin les habitants du territoire assiégé, et il n’y a aucun signe indiquant qu’ils arriveront de sitôt.
Des chaises en plastique, des boissons gazeuses, des bonbons, des boîtes de conserve, des chaussures et du papier toilette : al-Ghalban décompte tous les produits attendus à travers le passage de Rafah, mais ce ne sont pas les seules choses dont les habitants de Gaza ont besoin, dit-il.
Des Gazaouis comme Abou Khaled al-Jammal attendent aussi des sacs de ciment.
Il y a plusieurs années, al-Jammal a perdu sa maison, détruite par des missiles israéliens. Avec le financement de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies (UNRWA), il a emménagé dans une autre maison il y a deux ans.
Ce mois-ci, cette seconde maison a subi quelques dommages à cause des obus de chars israéliens.
Et maintenant, au lieu d’attendre l’aide des organisations internationales et des gouvernements, al-Jammal explique qu’il veut du ciment pour réparer les dégâts de sa propre maison, ainsi que ceux des maisons de ses amis et de sa famille.
« Si nous attendons l’aide de la communauté internationale, mes enfants devront subir les 10 prochains hivers, » dit-il. « Oui, le cessez-le-feu est une bonne chose, il stoppe les massacres, mais nous voulons reconstruire nos maisons. Je ne peux pas regarder mes enfants devoir geler en hiver ».
Après sept semaines des attaques les plus meurtrières sur la bande de Gaza, il a appris par les nouvelles que les matériaux de construction devaient arriver. Depuis mardi, jour où le cessez-le-feu a été déclaré, il attend que al-Ghalban annonce l’arrivée de ces matériaux.
A la frontière de Kerem Shalom, Abou Ahmed Siam, un chauffeur de camion, attend dans un endroit plein de poussière et rempli de camions. La situation au poste est devenu « un peu plus facile » depuis le cessez-le feu, dit-il, et certains articles réglementés par les Israéliens ont été autorisés à nouveau.
« Nous avons des camions d’aide de la Cisjordanie, du PAM (Programme alimentaire mondial), et de l’UNRWA (Office de secours des Nations Unies et de travaux), » explique-t-il, alors que l’un de ses collègues lui fait signe pour un nouveau camion qui entre avec des fruits pour les commerçants de Gaza .
Siam dit que les fournitures scolaires, aussi, ont été autorisées, mais le moment était amer : les écoles de Gaza devaient ouvrir la semaine dernière, mais cela a été reporté pour deux semaines de plus jusqu’à ce que l’UNRWA et les écoles publiques soient en mesure de trouver un abri pour les familles de sans-abri qui vivent à l’intérieur des salles de classe et des salles de sport.
Il y a sept semaines, seul du carburant et de l’aide humanitaire ont pu passer. Maintenant que des marchandises entrent pour la première fois, de nombreux produits nécessaires au quotidien comme le lait, le fromage et les couches pour bébé sont à nouveau présent dans les magasins. Mais il n’y a aucun ciment.
« Rien n’est entré ici qui concerne de près ou de loin des matériaux de construction », a déclaré Siam à Middle East Eye (MEE).
Les matériaux de construction et les matières premières ont été sur la liste des produits interdits par Israël depuis 2006, comme le ciment, l’acier et le béton. Israël a toujours pris le prétexte que ces articles pourraient être utilisés par des groupes de la résistance dans Gaza pour construire des constructions à vocation militaire.
Pendant des années, la bande de Gaza a compté sur les tunnels pour se procurer les matériaux de construction. Maintenant la majorité des tunnels ont été scellés par l’armée égyptienne, dans sa tentative d’écraser le Hamas, un allié des Frères musulmans. En décembre dernier, après le coup d’État qui a renversé le président Mohamed Morsi de l’organisation des Frères musulmans, l’Égypte a déclaré le Hamas organisation terroriste.
Au Caire, les négociateurs israéliens ont convenu d’assouplir les restrictions à la frontière et d’autoriser les matériaux pour la reconstruction de Gaza. Al-Ghalban avait l’impression que ce serait immédiat. Mais cela n’a pas été le cas.
« Maintenant, tout le monde attend de matériaux de construction, » dit-il. « C’est un besoin immédiat dans Gaza. »
Al-Ghalban explique que pendant la guerre, Israël a autorisé l’entrée de 200 camions, mais en réalité et vu que c’est l’endroit le plus densément peuplé du monde, Gaza a besoin de 600 camions par jour.
Selon l’association israélienne Gisha, de juin 2007 à juin 2010, une moyenne de 2400 camions par mois est entré à Gaza en provenance d’Israël, contre 10 400 camions par mois qui entraient dans la bande de Gaza en 2005.
Kerem Shalom est censé être utilisé pour l’exportation des produits agricoles et des produits manufacturés. Selon Gisha, depuis mars 2012 à peine 55 camions de marchandises ont quitté Gaza pour la Cisjordanie et Israël : 49 camions chargés de caisses de dattes pour un projet du Programme alimentaire mondial et quatre camions chargés de bancs d’école et de chaises commandés par l’Autorité palestinienne en Cisjordanie, ainsi que deux camions de feuilles de palmier pour Israël.
« Pendant les mois de janvier à juin 2014, une moyenne de 10 camions de marchandises quittait la bande de Gaza chaque mois, soit moins d’un pour cent de ce qui sortait mensuellement avant 2007 », a écrit Gisha dans le Gaza Cheat Sheet, le 19 août.
Kerem Shalom est situé à côté du passage de Rafah, où des centaines de voyageurs attendent de quitter Gaza. Mais l’Égypte n’accorde pas de permission à ceux qui tentent de quitter le territoire sous blocus. Au cours des sept dernières semaines de guerre, l’Égypte a verrouillé le passage, faisant juste une exception pour ceux qui détiennent des passeports étrangers et égyptiens, pour quelques dizaines de blessés graves et pour ceux qui détiennent un permis de résidence.
Le passage de Rafah ne fait pas partie de l’accord de cessez-le-feu signé au Caire la semaine dernière. Les responsables égyptiens ont refusé de négocier la question avec les organisations palestiniennes dans le cadre de pourparlers avec les Israéliens, prétendant qu’il s’agissait d’une affaire égypto-palestinienne.
Les salles d’arrivée et de départ à Rafah sont cependant restées ouvertes, en dépit des frappes aériennes israéliennes sur le poste-frontière la semaine dernière. Le responsable du passage frontalier, Maher Abou Sabha, a déclaré : « Nous voulons défier [le Premier ministre israélien Benjamin] Netanyahu en gardant le passage ouvert, malgré les dégâts. »
Parmi la foule en attente se trouvaient des étudiants dont les universités à l’étranger ont commencé leurs cours, alors qu’ils sont piégés dans la bande de Gaza. D’autres ont besoin de suivre des traitements médicaux, mais ils attendaient aussi.
« C’est un passage censé être pour les Palestiniens, et ils (les Égyptiens) n’autorisent le passage que pour les étrangers », a déclaré Amjad Yousef, 21 ans, qui attendait sous le soleil d’été. Yousef est venu à Gaza après deux ans d’absence pour suivre des études au Maroc. Il avait prévu de rester pendant un mois, mais la guerre l’a bloqué dans la bande de Gaza depuis deux mois.
« Je ne veux pas entrer en Égypte. Je veux juste aller prendre mon vol du Caire vers le Maroc », dit-il.
Derrière Yousef, une patiente atteinte de cancer est debout. Elle dispose de tous les documents nécessaires pour passer la frontière, y compris un certificat du ministère de la Santé palestinien expliquant qu’elle ne peut plus être traitée dans l’un des hôpitaux de la zone qui ont largement endommagés dans les lourds bombardement du mois passé.
Yousef fait savoir sa déception à propos de l’accord de cessez-le-feu : « Nous espérions que la façon dont nous étions traités allait changer et qu’il en serait fini de l’humiliation aux passages à la frontière. »
« C’est pourquoi, je vais soutenir les demandes de la résistance palestinienne pour que nous obtenions notre propre aéroport. »
* Mohammed Omer est un journaliste palestino-néerlandais renommé, basé à Gaza.