De plus grand camp de concentration du monde, Gaza est devenu le plus grand cimetière au monde.
- Des Palestiniens emmènent le corps d’une fillette de 8 ans retiré des décombres d’une maison bombardée par l’aviation israélienne dans le camp de Shati à Gaza Ville le 4 août 2014. Cette frappe a également blessé 30 personnes, quelques minutes après qu’Israël eut déclaré une trêve, disent les soignants - Photo : AFP/GETTY/Marco Longari
« Un terroriste comme ceux qui ont enlevé les garçons et les ont
tués, la seule chose qui le dissuadera, c’est de savoir que sa sœur ou
sa mère seront violées s’il est attrapé » a dit Mordechai Kedar, maître
de conférence à l’Université Bar-Ilan.
Comment peut on décrire le massacre actuel à Gaza avec un langage qui
s’est révélé dangereux depuis longtemps. Où commencer et où en finir si
on veut une analyse sémiologique des dramatiques images d’enfants
saignant à mort en dépit des tentatives d’Israël pour nous persuader que
ces enfants n’étaient pas des cibles, mais étaient des militants ?
Massacre à l’aube
S’il y a des questions qu’il faut poser, elle concernent la nature
d’une idéologie hégémonique moderne qui déshumanise des petits enfants
et incite des soldats à tirer sur des femmes, à bombarder des hôpitaux
et des écoles servant d’abris à ceux qui sont devenus des sans-abri.
Mais ce n’est vraiment pas le moment pour poser de telles questions
philosophiques aussi grandioses. Qu’est donc censé faire le Palestinien
- ou la Palestinienne – qui vit une réalité politique aussi grossière ?
Le présent article ne prétend pas être une analyse politique
raisonnable du « conflit de Gaza » et des « affrontements violents » qui
ont éclaté dans la bande de Gaza. Il ne se veut pas davantage une
analyse qui investigue le contexte et l’issue prévue de ce que beaucoup
de Palestiniens considèrent comme la fin d’Oslo. Il ne
faudrait donc pas tomber dans la dichotomie bourgeoise corps-esprit. A
un carrefour historique comme celui-ci, on ne peut pas faire l’impasse
sur les émotions.
- Un Palestinien blessé lors d’un bombardement du camp de réfugiés de Shati est traité à l’hôpital al-Shifa à Gaza Ville, le 4 août 2014 - Photo : AFP/GETTY/Mohammed Abed)
Considérons ceci : tandis que j’écris cet article, une douzaine de
civils palestiniens se font tuer. En ce 24ème jour de massacre, plus de
de 1.300 civils palestiniens ont été tués. Selon les groupes de
défense des droits, 80 % des morts sont des civils. Et les attaques
israéliennes semblent augmenter. La question (bien compréhensible) que
posent les Palestiniens, et leur réponse, c’est : « Comment un
gouvernement qui se prétend engagé pour la paix avec son ’partenaire’
palestinien ordonne-t-il à ses soldats de faire feu et de tuer sans
discrimination ? ».
L’importance de l’image dans « l’âge de la reproduction mécanique »
réside dans sa capacité de convoyer un message instantané. Pour beaucoup
de gens, la seule source d’information est ce qu’ils voient sur leur
écran de télévision. Les séquences de bébés décapités sont dès lors
devenues le message direct que les Palestiniens veulent faire passer :
« Voici notre réalité quotidienne. Voilà où nous en sommes 20 années
après avoir signé les Accords d’Oslo ». Tant pis pour le processus de
paix et pour la solution des deux états.
Toutefois les médias dominants ont systématiquement aseptisé les
images qui sortaient de Gaza pour présenter un tableau plus
« acceptable » de la violence.
Pour faire écho à Edward Saïd et à Noam Chomsky, comment les médias
internationaux – pour ne pas dire occidentaux – peuvent-ils être
objectifs alors qu’ils sont contrôlés par cinq corporations
transnationales, qui toutes ont des relations intimes avec l’industrie
de la défense étatsunienne ?
Les centaines d’enfants tués à Gaza ne seraient-ils que de « regrettables » dommages collatéraux ?
Les centaines d’enfants tués à Gaza ne seraient-ils que de « regrettables » dommages collatéraux ?
Et ces 28 familles complètement décimées pendant qu’elle prenaient leur petit-déjeuner ?
Et les enfants de Chejaya qui ont perdu leur sang et agonisé pendant des heures sous les yeux de leurs parents, parce que les soldats israéliens refusaient de laisser approcher une ambulance de la zone ?
Et la famille entière Abu Jamei assassinée quand une habitation de quatre étages a été ciblée par un avion de chasse israélien ?
Et les enfants de Chejaya qui ont perdu leur sang et agonisé pendant des heures sous les yeux de leurs parents, parce que les soldats israéliens refusaient de laisser approcher une ambulance de la zone ?
Et la famille entière Abu Jamei assassinée quand une habitation de quatre étages a été ciblée par un avion de chasse israélien ?
Combien sont des « dommages collatéraux acceptables » pour les médias occidentaux ?
Les Hamad à Beit Hanoun ?
Les Hajj à Khan Younis ?
Les Syam à Rafah ?
Les Zaanin ?
Kanan et Saji Al-Hallaque, massacrés en même temps que leur père, leur mère enceinte, leur grand-mère et leur tante pendant que la famille rompait le jeûne à l’iftar ? Et leur grand-père, mon collègue le professeur Akram Hallaque, doit vivre à présent avec la souffrance d’avoir perdu sa famille – son épouse, sa fille (mon étudiante), deux petits-enfants, et sa belle-fille enceinte. Son fils est en soins intensifs depuis plusieurs jours.
Les Hamad à Beit Hanoun ?
Les Hajj à Khan Younis ?
Les Syam à Rafah ?
Les Zaanin ?
Kanan et Saji Al-Hallaque, massacrés en même temps que leur père, leur mère enceinte, leur grand-mère et leur tante pendant que la famille rompait le jeûne à l’iftar ? Et leur grand-père, mon collègue le professeur Akram Hallaque, doit vivre à présent avec la souffrance d’avoir perdu sa famille – son épouse, sa fille (mon étudiante), deux petits-enfants, et sa belle-fille enceinte. Son fils est en soins intensifs depuis plusieurs jours.
Qui va leur rendre justice ?
Qui va payer pour la perte de ces familles ?
Des négociations menées par Obama et Kerry en faveur des Israéliens ?
Le criminel de guerre Tony Blair ?
Sont-ils censés voir un état non souverain de Cisjordanie et Gaza comme un accord « équitable » pour les vies des proches qu’elles ont perdus ?
Qui va payer pour la perte de ces familles ?
Des négociations menées par Obama et Kerry en faveur des Israéliens ?
Le criminel de guerre Tony Blair ?
Sont-ils censés voir un état non souverain de Cisjordanie et Gaza comme un accord « équitable » pour les vies des proches qu’elles ont perdus ?
Ceux qui ont été tués avaient vécu des vies si brèves, tout
entières dans la bande de Gaza – des vies vécues et perdues comme
réfugiés sous une occupation brutale. C’est notre destin : mourir dans
la guerre de 2006, sinon, dans la guerre de 2008-2009. Et si vous avez
survécu, alors on tente un autre coup en 2012, et si vous êtes toujours
vivant, alors ils vous achèveront en 2014, ou bien la prochaine fois, en
2015, 2016, 2017 ?
Mais est-ce que cela ne leur suffit pas ? Non !
Pour le régime israélien, Gaza est un défi parce que les deux
tiers de la population sont des réfugiés à qui la Résolution 194 des
Nations Unies a reconnu le droit au retour.
Cela pourrait-il être la vraie raison pour laquelle Israël commet un
génocide à Gaza de manière répétée ? « Exterminez toutes ces brutes » et
après, vous vivrez heureux pour toujours ?!
Gaza est devenue une zone de guerre permanente, le plus grand camp de
concentration sur terre est devenu un champ de mort – un cimetière
plein de bruit. Le corps palestinien est devenu la cible ultime des
balles israéliennes – plus il est jeune, mieux c’est ! Le corps
palestinien, en d’autres mots, est devenu le site même de l’injustice :
éliminez le corps et il laissera un vide qui peut être occupé – un pays
sans peuple pour un peuple sans pays.
- Des enfants palestiniens blessés par les bombardements sur le camp de réfugiés de Shati sont soignés à l’hôpital al-Shifa, le 4 août 2014 - Photo : AFP/GETTYMohammed Abed
Le peuple palestinien a compris depuis longtemps que le prétendu
« processus de paix » ne menace ni ne modifie le vieux statu quo, et
qu’il ne leur permettra aucunement d’exercer leurs droits nationaux et
politiques.
A droite ou à gauche, la position israélienne est claire comme de
l’eau de roche : pas de retour aux frontières du 4 juin 1967. Pas de
démantèlement des colonies juives. Pas de retour de réfugiés
palestiniens, pas de reculade sur Jérusalem comme capitale indivisible,
éternelle d’Israël, et pas d’état palestinien souverain indépendant avec
sa propre armée sur la rive occidentale du Jourdain.
Le meilleure offre est celle d’un bantoustan palestinien, un
réservoir d’autochtones indésirables. Quant aux gens de Gaza, ils ne
méritent même pas cette solution indigne : il vaut mieux se débarrasser
d’eux tous par une solution finale via le génocide avec le soutien du
président des Etats-Unis, des pays européens, de la Ligue Arabe voire de
certains Palestiniens de naissance !
Entendre ces puissants instigateurs et partisans du génocide bramer
pour un cessez-le-feu 24 jours après un tel massacre ajoute l’insulte à
l’injure !
Les Palestiniens de Gaza sont blâmés de se faire abattre et bombarder parce qu’ils ne se sont pas enfuis.
On les blâme de se trouver dans la même habitation que celle où ils ont vécu toute leur brève et cruelle vie.
On les blâme de ne pas être capables de décamper en 57 secondes.
On les blâme de laisser jouer leurs enfants sur la plage.
Et on les blâme de refuser de ne pas se laisser coloniser.
L’occupant, l’oppresseur, le meurtrier et ses alliés les dépossèdent et déshonorent leurs morts avec leur paroles mensongères, leurs chaînes et leurs médias partiaux, leur feinte empathie et leur inutile navette diplomatique qui n’a pas l’intention de donner aux Palestiniens les droits que prévoient les conventions internationales.
Donc, la barbarie sans précédent continue !
On les blâme de se trouver dans la même habitation que celle où ils ont vécu toute leur brève et cruelle vie.
On les blâme de ne pas être capables de décamper en 57 secondes.
On les blâme de laisser jouer leurs enfants sur la plage.
Et on les blâme de refuser de ne pas se laisser coloniser.
L’occupant, l’oppresseur, le meurtrier et ses alliés les dépossèdent et déshonorent leurs morts avec leur paroles mensongères, leurs chaînes et leurs médias partiaux, leur feinte empathie et leur inutile navette diplomatique qui n’a pas l’intention de donner aux Palestiniens les droits que prévoient les conventions internationales.
Donc, la barbarie sans précédent continue !
* Haiddar EID est écrivain et professeur de
littérature postcoloniale à l’université Al-Aqsa à Gaza, après avoir
enseigné dans plusieurs universités à l’étranger. Vétéran dans le
mouvement des droits nationaux palestiniens, c’est un commentateur
politique indépendant, auteur de nombreux articles sur la situation en
Palestine.
Traduction : Info-Palestine.eu - AMM