Les analystes s’accordent à dire que Gaza a trop souffert
pour accepter une simple trêve avec Israël. Mais ils craignent que cela
ne marque le début d’une « terrible tragédie » dans laquelle la
souffrance des Palestiniens sera décuplée.
Samah Sabawi : Auteur, analyste politique et avocate spécialisée dans les droits de l’homme
Pour l’opinion publique israélienne, un cessez-le signifie qu’ils
peuvent revenir à une vie normale et faire semblant que l’occupation et
le siège de Gaza n’existent pas. Pour les Palestiniens à Gaza, cela
signifie une vie à nouveau suspendue sur fond de misère.
Le temps est une arme de torture pour les Palestiniens dans la bande
de Gaza. Avec des centaines de milliers de déplacés, des infrastructures
civiles essentielles détruites et l’ensemble de la population de 1,8
million de personnes endurant les souffrances aiguës du manque
d’électrique, d’eau et de médicaments, qu’il y ait cessez-le-feu ou non,
chaque minute qui passe sous le blocus est un acte de guerre et une
agression brutale.
Il existe un large consensus parmi tous les Palestiniens aujourd’hui
pour dire que si le siège n’est pas levé, les groupes armés palestiniens
avec le soutien de la population retourneront à la résistance armée.
Israël insiste pour démilitariser les organisations palestiniennes.
Mais les Palestiniens sont convaincus qu’ils doivent être en mesure de
se protéger. Personne n’est intervenu quand Israël pilonnait Gaza avec
des chars, des canons et des F16. Les seuls qui se sont levés étaient
les groupes armés palestiniens qui ont réussi à repousser la quatrième
armée la plus puissante du monde.
Convaincre la résistance palestinienne de rendre leurs armes est non
seulement susceptible d’être rejeté par les groupes militants, mais
aussi par l’opinion publique palestinienne en général.
- Des parents des réfugiés palestiniens tués dans une frappe israélienne sur une école des Nations Unies à Beit Hanoun, le jeudi 24 juillet 2014, sont en pleurs à l’hôpital Kamal Adwan
Pour aller de l’avant et sortir de l’impasse, il aurait fallu que
l’Égypte revienne sur le devant de la scène et ouvre le passage de Rafah
et aussi que d’autres acteurs importants exigent qu’Israël respecte ses
obligations en vertu du droit humanitaire, sous peine de se voir
appliquer des sanctions internationales.
Si les négociateurs palestiniens reviennent du Caire sans avoir
imposé au minimum la fin du siège, alors le peuple de Palestine n’aura
plus qu’une seule option, et c’est un retour à la résistance armée qui
se traduira par une horrible tragédie qui va démultiplier ses
souffrances. Nous avons beaucoup entendu dans la bande de Gaza le mois
dernier, la répétition de la même phrase : « nous voulons vivre libre ou
mourir ici. »
Jonathan Cook, un journaliste britannique basé à Nazareth
depuis 2001, est l’auteur de trois livres sur le conflit
israélo-palestinien
Ce qui dominera dans l’attaque d’Israël sur Gaza, ce sont les
remarquables réalisations militaires du Hamas. Ses combattants ont
utilisé un réseau de tunnels afin de tendre des embuscades aux soldats
israéliens, tuant plus de 60 d’entre eux - la moitié du nombre de morts
infligés à Israël au Liban en 2006 par le Hezbollah, une force beaucoup
mieux équipée. Le Hamas a même lancé un raid audacieux sur un poste
militaire à l’intérieur d’Israël, tuant cinq soldats.
Il a également continué à tirer des roquettes sur les villes
israéliennes durant les combats, réussissant même brièvement faire
cesser de fonctionner le seul aéroport international d’Israël. Les
dommages causés à l’économie d’Israël sont estimé à 4,5 milliards de
dollars à ce jour.
Face à une forte résistance du Hamas, Israël a été effectivement
battu par le temps. Les États américains et européens ne peuvent rester
trop longtemps aveugles face aux massacres infligés par Israël aux
civils de Gaza. Benjamin Netanyahu a également eu peur de lancer une
invasion terrestre en profondeur, étant sûr que le coût en vies humaines
augmenterait pour les soldats [israéliens].
Le Hamas a trop poussé son avantage et la bande de Gaza a payé un
prix trop élevé, pour ne pas exiger l’application d’une demande qui unit
tout le monde dans l’enclave : la fin du blocus étouffant d’Israël.
Mais l’humiliation militaire d’Israël signifie qu’il ne peut pas se
permettre de laisser le Hamas se regrouper et parfaire ses compétences.
Le nouveau mot d’ordre d’Israël pour Gaza est « démilitarisation »,
privant Gaza de tous les matériaux qui pourraient aider le Hamas dans la
prochaine confrontation.
Les négociations actuelles ou futures devront trouver un moyen de
sortir de cette impasse. La tentation pour les deux parties sera
d’utiliser des armes à longue portée - des roquettes du Hamas, des
bombardements et des frappes aériennes pour Israël - intensifiant la
pression sur l’autre camp pour un accord, comme nous l’avons vu se
produire dès que la trêve a expiré ce matin.
Ironiquement, la solution pour Netanyahu peut être fournie par
l’accord récent du Hamas pour une réconciliation avec le Fatah de
Mahmoud Abbas. C’était le gouvernement d’unité que Netanyahu a essayé de
démanteler avec ses attaques contre le Hamas en Cisjordanie et à Gaza.
Israël peut convenir d’un assouplissement du blocus, donnant ainsi au
Hamas une victoire partielle, mais seulement à condition que le Fatah
et Abbas reviennent faire la police de Gaza. Puis Netanyahu pourra
serrer la vis à Abbas jusqu’à ce que celui-ci démilitarise la bande de
Gaza pour le compte d’Israël.
Sam Bahour, un consultant américano-palestinien en développement d’affaires et commentateur politique, basé à Ramallah
L’utilisation même du mot « cessez le feu » est insultante. Elle
représente une symétrie artificielle que les Palestiniens auraient
imposée, même si la réalité sur le terrain est tout à fait contraire.
Pour une fragile et non représentative délégation de l’unité
palestinienne, être engagée dans des négociations »« de cessez-le-feu »
avec leur occupant militaire (qu’importe que ce soit directement ou par
des intermédiaires) signifie que les Palestiniens repartent pour une
période dans le style d’Oslo, où - quoi qu’il ait été convenu - la
partie palestinienne abandonnera officiellement des droits dont elle
aura été dépouillée auparavant par Israël depuis des décennies.
Ces droits, au premier rang desquels se trouve celui d’être protégé,
doivent être garantis par des États tiers en vertu de leurs obligations à
l’égard de la quatrième Convention de Genève, sans qu’il soit besoin
d’une « résistance » ou de « pourparlers de cessez-le-feu ».
Un « cessez-le-feu » renforce simplement la fausse impression qu’il y
a une certaine symétrie entre la Palestine et Israël. Il n’y en a pas !
En outre, la conduite de ces négociations de « cessez-le-feu » dans la
capitale d’un pays qui participe au siège de la bande de Gaza, devrait
être une source d’embarras pour chaque membre de l’équipe de négociation
palestinienne, au premier rang desquels figure le Hamas.
Ramzy Baroud, auteur palestinien et rédacteur en chef de Middle-East Eye
8 août 2014 - Middle East Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
https://www.middleeastmonitor.com/n...
Traduction : Info-Palestine.eu
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Traduction : Info-Palestine.eu