Taoufiq Tahani, mercredi 16 avril 2014
L’inégal rapport de force entre occupant et occupé fait que rien
ne peut sortir des « négociations » bilatérales en cours sans une
implication déterminée de la communauté internationale pour faire
prévaloir le droit sur la force.
Le film des derniers jours en apporte une illustration
caricaturale.
On a vu dans un premier temps Benjamin Netanyahou charger le
« médiateur » américain Martin Indyk d’informer Mahmoud Abbas du refus
israélien de libérer le quatrième groupe de prisonniers politiques
« d’avant Oslo ». Cela, en violation de ses engagements et
simultanément à la relance d’un appel d’offre pour la construction de 708 logements dans les colonies de Jérusalem-Est.
La partie palestinienne a choisi d’y répondre sur le plan du droit
en annonçant par la voix de Mahmoud Abbas sa décision de signer et faire
siennes 15 conventions ou traités
internationaux. Autrement dit de s’engager à respecter ces
conventions, avec parmi elles, celle sur les droits de l’enfant, les
droits des femmes, la protection consulaire ou la 4ème Convention de Genève sur la protection des populations civiles en temps de guerre.
La réponse israélienne n’a pas tardé : les Palestiniens ont
franchi la ligne rouge et devront payer le prix de leur audace.
Premières mesures de rétorsion : blocage de la 3G,
toujours pas déployée en Cisjordanie (on se souvient du message des
jeunes palestiniens à Obama lors de sa visite : « M. le Président
inutile de venir avec votre smartphone : nous n’avons pas de
réseau !… »), et refus de permettre à un opérateur présent en
Cisjordanie d’étendre son réseau à Gaza… Pourtant, Israël avait donné
son accord pour laisser les équipements arriver à destination après
trois années de blocage. Ces agissements portent un nom :
punition collective.
A ce stade, on est en droit se poser une question. En quoi la
signature de ces conventions représente-t-elle une menace pour la
sécurité d’Israël ? Que diable la « seule démocratie du
Moyen-Orient » aurait-elle à craindre par exemple à voir la
Palestine s’engager au respect des droits de l’enfant ? A l’évidence ce
qu’elle refuse, c’est que la Palestine se comporte comme un Etat normal
au sein de la communauté des nations. A noter que cette convention
a été signée par tous les pays à l’exception des nouveaux admis à l’ONU (Soudan Sud et Palestine) et parmi les signataires, seuls les Etats-Unis et la Somalie ne l’on pas encore ratifiée.
La partie israélienne dispose de la force, poursuit ses faits
accomplis sur le terrain et estime pouvoir tout s’autoriser dès lors
qu’on lui résiste.
Elle n’hésite pas à travestir les faits comme vient de le faire le
ministre Libermann qui a dénoncé la « démarche unilatérale » de
Mahmoud Abbas en direction des Nations Unies … à quelques heures de
l’établissement par Israël de la liste des prisonniers à libérer !
Mensonge et enfumage avec une pitoyable tentative d’inversion de
la chronologie.
A ses premières mesures de rétorsion elle a notamment ajouté le
blocage, lui aussi parfaitement illégal, des taxes prélevées pour le
compte de l’Autorité palestinienne (environ 100
millions de dollars par mois), essentiel pour payer les
fonctionnaires en Cisjordanie comme à Gaza… ainsi que la
« légalisation » de la colonie de Netiv Ha’avot construite sur des
terres privées palestiniennes accompagnée de l’appropriation comme
« terres d’état » d’un km2 alentour.
Cela interrogera-t-il notre gouvernement qui salue les efforts de
John Kerry, en appelle aux négociations et aux « arrangements
mutuellement consentis » comme si on avait affaire à deux partenaires
égaux et de bonne foi ?
Les dernières semaines de « négociations » nous promettent sans
doute d’autres surprises. La seule à même de faire bouger les lignes
serait que la France et l’UE osent enfin dire
non aux provocations israéliennes et sanctionnent ces violations
permanentes du droit érigées en méthode de gouvernement.
Oui, M. Hollande, vous pouvez le faire : la ligne rouge est franchie
depuis longtemps.
Il faut par contre accepter de regarder la réalité, cesser d’amadouer
l’occupant et tenir une position cohérente. C’est vous qui aviez
insisté sur le respect du Droit international en affirmant que « C’est
la meilleure garantie pour respecter les frontières, pour régler les
différends et pour faire prévaloir la sécurité collective ».
C’était le mardi 27 Août 2012 lors de votre allocution à l’occasion de la Conférence des Ambassadeurs…