Par Rasha Abou Jalal
Malgré l'harmonie globale entre le Hamas et le Jihad islamique sur les
positions politiques relatives au conflit israélo-palestinien, un
rivalité existe en coulisses. Les deux mouvements sont en compétition
pour attirer les appuis islamistes et apparaître, aux yeux de l'opinion
publique, comme le groupe le mieux à même de réaliser les aspirations et
les espoirs du peuple palestinien.
Les supporter du Jihad islamique prennent part à une manifestation de protestation contre les pourparlers de paix parrainés par les Etats-Unis entre Israël et les Palestiniens, à Gaza-ville, le 10 janvier 2014 (photo REUTERS/Suhaib Salem)
Ces mouvements islamistes utilisent diverses méthodes pour obtenir ce
soutien, comme les mobilisations de masse, les distributions de
nourriture et d'argent aux pauvres, le prosélytisme et l'insistance sur
les constantes palestiniennes telles que l'importance de Jérusalem et le droit au retour des réfugiés. En général, ils visent à satisfaire les souhaits de la population.
Bien que le Hamas soit plus populaire que le Jihad islamique, un sondage récent du Watan Center for Studies and Research dans la Bande de Gaza suggère un accroissement du soutien au mouvement du Jihad islamique, au milieu de rapports sur la baisse de popularité du Hamas. Parmi les Gazaouis,
23,3% ont exprimé leur confiance au Hamas, tandis que 13,5% préféraient
le Jihad islamique. Le Fatah était cependant plus populaire que les
mouvements islamistes pris individuellement, avec le soutien de 32,9%
des sondés. Le Front populaire de Libération de la Palestine obtenait 4,2% de suffrages et le Front démocratique pour la Libération de la Palestine 1,5%. 24,6% des sondés n'avaient pas d'opinion.
Le Jihad islamique n'ayant pas participé aux élections, il est difficile
de déterminer sa popularité à cet égard. Ce dernier sondage suggère une
hausse de la popularité du groupe par rapport aux résultats des
sondages précédents réalisés par les centres de recherche locaux au
cours des dernières années. Dans un sondage de 2010 par exemple, le
Jihad islamique n'enregistrait que 1% en termes de popularité par
rapport aux autres factions palestiniennes.
L'enquête du Centre Watan comprenait des entretiens avec 467 personnes des deux sexes et a été menée dans toute la Bande de Gaza, du 9 au 17 février. Les résultats ont été repris par différents médias fin mars.
Le sondage a également révélé que l'opinion publique appuie largement la
résistance armée pour obtenir les droits des Palestiniens. Parmi les
personnes interrogées, 60,3% pensent que la résistance armée est le
moyen le plus approprié pour faire respecter les droits du peuple
palestinien si les négociations échouent, alors que 6,5% approuvent la
poursuite des négociations.
La charge de la gouvernance a coûté sa popularité sur le terrain au Hamas, qui lutte pour gouverner Gaza
dans des conditions catastrophiques liées au siège israélo-égyptien et
une série de crises économiques et politiques. L'analyste politique Iyad
Atallah a expliqué, "le Hamas souffre d'une baisse de popularité de
la base en raison du mécontentement croissant causé par son échec à
résoudre les crises de subsistance des citoyens, comme la fourniture
d'électricité et de carburant, et la résolution le problème du passage
de Rafah." Il a également expliqué à Al-Monitor, "le Hamas est arrivé au pouvoir dans la Bande de Gaza
et a commencé à gérer les affaires civiles des citoyens. Ce qui l'a
distrait, à plusieurs occasions, d'une confrontation militaire avec Israël,
laissant ainsi la résistance armée au Jihad islamique, qui continue de
mener des représailles organisées contre les attaques israéliennes."
Le 12 mars, les Brigades Al-Quds, la branche militaire du Jihad islamique, a lancé 130 roquettes de fabrication locale sur Israël dans le cadre de l'opération militaire "Briser le silence". L'attaque était une réponse à l'assassinat de trois combattants du Jihad islamique. Le groupe avait averti que la réponse "serait de la même ampleur que les violations sionistes si elles continuaient."
Khader Habib, responsable au Jihad, a dit à Al-Monitor que le
mouvement a gagné en popularité parce qu'il a adhéré à la résistance
armée, n'a pas accordé de légitimité à l'existence d'Israël
sur le moindre morceau de sol palestinien et est resté à l'écart de la
gouvernance et de la participation à l'Autorité palestinienne, qui est
une émanation des Accords d'Oslo de 1993. "Nous sommes un mouvement qui refuse de laisser Israël
impuni lorsqu'il attaque notre peuple, et nous croyons que faire partie
de l'autorité gouvernante serait catastrophique. C'est le secret de
l'accroissement du soutien de la population," a affirmé Habib.
Les résultats des résultats du Centre Watan sont dans la ligne d'une étude de l'université iranienne Alam wa Sinaa, qui impliquait 1.263 Gazaouis après les affrontements de mars 2012 entre le Jihad islamique et Israël. Le sondage iranien montrait un changement clair dans les attitudes des habitants de Gaza
en révélant une hausse de popularité du Jihad islamique au détriment du
Hamas, parce que le premier adhère à l'option de la résistance à
l'occupation.
Habib a déclaré que son mouvement a suivi de près les sondages d'opinion
sur le soutien de la rue palestinienne et a affirmé qu'il renforce la
conviction des dirigeants que la lutte armée est la seule façon
d'obtenir pleinement les droits palestiniens.
L'analyste Atallah a expliqué la situation du Hamas, déclarant, "comparé au Jihad islamique, le Hamas a plus d'éléments et plus de matériel, mais il ne veut pas un conflit continu avec Israël," a-t-il dit. "Une
nouvelle confrontation militaire provoquerait des pertes matérielles,
allant jusqu'aux maisons des citoyens et peut-être des usines et des
ateliers mécaniques, ce qui entraînerait davantage de chômeurs et de
sans logis, et alourdirait le fardeau du Hamas."
L'analyste politique Hassan Abdo a dit que la décision du Jihad
islamique de coller à la résistance armée et de répondre immédiatement
aux attaques de l'occupation sont les raisons principales de la montée
de son soutien.
Abdo a aussi fait remarquer que le Jihad Islamique est resté fidèle à
ses principes politiques, malgré les changements locaux et régionaux qui
sont survenus autour de lui. Le groupe a maintenu ses liens avec ses
alliés en Syrie et en Iran malgré les crises récentes. Abdo pense que
ceci ajoute à l'impression des Palestiniens que le Jihad islamique,
comparé au Hamas, est plus cohérent dans ses positions.
Selon Atallah, l'alliance ininterrompue du Jihad islamique avec la Syrie
et l'Iran oblige le mouvement à réagir face aux attaques israéliennes. "Le
maintien du Jihad islamique dans l'axe Syrie-Iran est une source de
force pour lui, surtout en l'absence de ressources financières arabes,"
a-t-il dit. D'un autre côté, a-t-il noté, l'alliance du Hamas avec le
Qatar n'a pas été accueilli chaleureusement par les locaux. "Les
Palestiniens ne veulent pas d'une alliance Qatar-Hamas... Les
Palestiniens respectent le Qatar pour son aide et ses fonds, mais ils se
méfient de son rôle politique à cause de ses bonnes relations avec
l'Amérique et avec Israël."
Rasha Abou Jalal est écrivain et journaliste indépendante de Gaza, spécialisée dans les informations politiques et les dossiers humanitaires et sociaux liés aux événements en cours.
Source : Al Monitor
Traduction : MR pour ISM
http://www.ism-france.org
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