« Personne ne savait où
j’étais, personne… J’avais simplement disparu » : le récit d’Andrea
Pesce, qui après avoir goûté aux pratiques mafieuses d’El Al à
l’aéroport de Venise, s’est retrouvé dans de sales draps à Ben
Gourion...
Andrea Pesce, 44 ans,
italien, employé dans une agence de voyage, avait déjà séjourné en
Israël et en Palestine à plusieurs reprises sans problème.
Le 18 mars dernier, il s’apprêtait à faire une nouvelle expérience :
offrir un mois de bénévolat à l’ONG Tent of Nations (Tente des Nations),
basée à Bethléem et peu suspecte de « radicalisme ».
Première erreur, Andrea achète un billet d’avion Venise/Tel Aviv auprès de la compagnie aérienne israélienne El Al.
Du coup, un « traitement de faveur » va lui être réservé :
"Le 18 mars dernier, jour de mon départ, j’ arrive à l’aéroport de
Venise à 11h du matin, trois heures avant le départ. Pour ce type de
vol, il y a une équipe de sécurité israélienne qui interroge les
passagers, du fait d’un accord passé entre les gouvernements italien et
israélien. On me fait néanmoins attendre une heure, car l’équipe
israélienne se permet de faire passer les voyageurs israéliens devant
tous les Italiens qui attendent.
Puis une femme arrive et commence à me poser des questions bizarres comme :
- « Vous allez passer un mois loin de chez vous, est-ce que cela n’attriste pas votre famille ? »
Ne voyant pas le rapport avec la sécurité, je lui rétorque :
- « Quel rapport avec la sécurité ? Pourquoi me posez-vous des questions comme ça ? C’est personnel ».
Elle n’a rien dit , mais on m’a ensuite dit
que mon sac à dos devait être fouillé et que je ne pouvais pas
emporter ma caméra (un vieux modèle) avec moi, qu’elle devait aller
dans la soute. Ils ont tout fouillé, et j’ai même eu droit à une
fouille au corps.
Finalement ils m’ont dit que mon bagage pourrait peut-être ne pas
arriver par le même vol que moi à Tel Aviv. J’ai protesté, fait
remarquer que j’attendais depuis deux heures. J’ai finalement
embarqué.
Jamais je n’aurais pu imaginer ce qui m’attendait à l’aéroport Ben Gourion..
Une fois arrivé au contrôle des passeports, on m’a dit d’attendre
dans un coin du hall, à côté du « Bureau du contrôle des passeports ».
Il y avait déjà plusieurs personnes.
J’ai attendu presque une heure, puis a commencé mon premier « dialogue »
centré sur ce que j’allais faire en Israël pendant un mois, et j’ai dit
« rien de spécial, je vais circuler ». O.K. et j’ai attendu encore une
demie heure et une seconde personne m’a interrogé sur mon travail et
ce que j’allais faire pendant un mois en Israël et j’ai répété une fois
encore les mêmes réponses.
Puis j’ai encore attendu une demie heure, et j’ai eu droit à un
troisième interrogatoire avec quelqu’un d’autre qui me posait les mêmes
questions, mais d’une manière plus musclée, pour m’intimider et tenter
de m’effrayer.
Après, on m’a dit que j’étais un menteur parce que je n’avais pas dit
que quelqu’un m’attendait à Bethleem et que ceux qui mentent à la
frontière ne sont pas autorisés à entrer dans le pays.
A ce moment là, après presque douze heures de voyage, j’avais les
idées embrouillées, j’étais fatigué et un peu effrayé. Mais je n’avais
rien à cacher et j’ai dit « Vérifiez ce que vous voulez, je suis
quelqu’un de normal, faites ce que vous avez à faire ». Et à ce stade,
il était devenu parfaitement clair pour moi qu’ils avaient lu mes mails
et qu’ils me posaient des questions alors qu’ils avaient les réponses.
Finalement, vers 11h30, d’autres personnes m’ont interrogé, (ils
m’ont dit qu’ils appartenaient au Ministère des Affaires Intérieures)
et m’ont dit qu’on me refusait l’entrée sur le territoire parce que
j’étais un « menteur ».
Me voyant effondré, ils se sont mis à rigoler.
Vers 1h du matin on m’a amené dans une autre pièce de l’aéroport où mon
sac à dos a de nouveau été fouillé et où j’ai subi une deuxième fouille
au corps. Alors ils ont pris mon sac à dos, l’ont vidé, soi disant, pour
raison de sécurité. Ils m’ont donné un grand sac en plastique pour
mettre mes affaires.
Ils m’ont ramené dans le même hall, où on m’a dit de ne pas
m’éloigner. Je devais rester près de leur bureau, sans boire ni manger.
Tout ce que j’ai pu demander – avoir un peu d’eau, téléphoner à mon
ambassade ou simplement alerter mon hôtel à Jérusalem pour dire que je
ne pouvais pas venir – m’a été refusé. Pour la première fois de ma vie,
j’ai réellement ressenti ce qu’est le racisme.
Comme ils avaient décidé de me renvoyer en Italie, il s’agissait de
savoir comment et quand : Il n’y a qu’un vol hebdomadaire pour Venise
et on m’a annoncé que je devrai rester en isolement jusqu’au prochain
départ.
La salle d’isolement « salle de migration » comme ils disent, est
en réalité une sorte de prison. A cinq minutes de voiture de Ben
Gourion, j’ai été transféré dans cette baraque entourée de barbelés,
avec des barreaux aux fenêtres. On m’a dit de laisser toutes mes
affaires dans une pièce, y compris mon mobile. C’est étrange, mais en
définitive je n’ai compris que j’étais en état d’arrestation que
lorsqu’on m’a dit que ne je pouvais pas emporter mon stylo bille avec
moi dans ma « chambre ». En réalité ce n’était pas une chambre, mais une
cellule. Ma première expérience de prison de ma vie !
Cette prison avait des portes insonorisées, pour nous empêcher de
réclamer quoi que ce soit, ou même de crier. On ne peut que frapper
contre la porte jusqu’à ce que quelqu’un, peut-être, veuille bien vous
écouter.
Mais déjà, on se sent totalement en danger et on a peur, même de poser
des questions, parce qu’on sait qu’ils peuvent vous faire n’importe
quoi, et faire de vous ce qu’ils veulent, puisque personne ne sait où
vous êtes.
Vers 7h du matin, j’étais démoli, je ne pensais plus qu’à rentrer
chez moi et ils m’ont fait savoir que je serai embarqué dans un vol pour
Milan le soir à 18 H.
A 9h du matin, on m’a autorisé à appeler mon ambassade : une
responsable italienne m’a dit « Dès lors que vous êtes dans ce lieu,
nous ne pouvons rien faire, vous n’existez tout simplement pas pour
nous, si vous êtes dans ce lieu ». Elle m’a dit aussi toute sa sympathie
pour l’épreuve que je traversais, mais le fait que j’allais partir dans
l’après-midi concluait l’affaire, selon elle. Elle a aussi appelé ma
femme en Italie, puisque je n’avais pas l’autorisation de le faire
directement.
Alors l’attente du départ à commencé : on m’a mis seul dans une autre
prison, avec la porte ouverte. Mais je ne pouvais pas sortir.
Je ne m’étendrai pas sur le surplus de fatigue que ce vol pour Milan
m’a coûté, à chercher un hôtel pour la nuit et à attraper un train pour
Venise le lendemain (20 mars).
Personne , jamais, au cours de ces 24 heures, ne m’a donné son
identité ni éclairé sur son rôle. Au final il n’y a pas de preuve écrite
de ce qu’ils m’ont fait, pas même la raison de mon expulsion et de ma
détention. Rien, rien du tout. Juste un tampon sur mon passeport
indiquant « interdiction d’entrée ».
Les leçons à tirer de cet épisode se résument, pour moi, à deux questions :
- Pourquoi vous voulez que je vous déteste ?
- Si vous me faites cela à moi, qu’êtes vous capables de faire aux Palestiniens ?
(Traduit par Carole SANDREL pour CAPJPO-EuroPalestine)
A signaler par ailleurs qu’une délégation de parlementaires européens
venus ce mois de mars pour visiter des prisons israéliennes en a été
empêchée. Et est-il besoin d’ajouter que sa demande de se rendre à Gaza a
été également refusée ?
Seul le gouvernement tunisien, qui a récemment refusé l’entrée à 20
touristes israéliens en croisière, semble avoir compris la leçon.