Salah al-Naami - Al Ahram
Une grève de la faim entamée par les Palestiniens dans les
prisons israéliennes, souligne les conditions barbares auxquelles ils
sont soumis, écrit Saleh Al-Naami.
Les
médias dominants font une impasse totale sur la grève de la faim suivie
par un grand nombre de prisonniers palestiniens en Israël, se faisant
ainsi les complices directs de la politique criminelle de l’Etat
sioniste. Ici une manifestation de soutien aux prisonniers devant le
siège de la Croix-Rouge à Ramallah
Au milieu d’un silence de mort, le bruit de la chute de
Jamal Hassan sur le plancher de sa cellule de la prison de Shatta en
Israël a été particulièrement fort ce vendredi soir. Lorsque les gardes
ont ouvert la porte de sa cellule, ils l’ont trouvé saignant de la tête
et il avait perdu conscience. Il a été transféré vers un hôpital
israélien proche.
Hassan, âgé de 31 ans, est l’un parmi les centaines de
détenus palestiniens dans les prisons israéliennes qui ont entamé il y a
18 jours une grève de la faim illimitée pour protester contre les
brutales conditions d’incarcération auxquels ils sont soumis.
Ces conditions comprennent une longue série de
procédures décidées par le cabinet de Benyamin Netanyahou pour tenter
d’exercer une pression sur le mouvement Hamas afin d’accélérer
l’opération d’échange de prisonniers et faire en sorte que [le Hamas]
revienne sur ses conditions préalables à la libération du soldat
israélien Gilad Shalit.
Hassan, qui purge une peine de prison à vie, a succombé à
la faim, à la soif et à l’isolement et a fini par s’écrouler. Les
autorités israéliennes ne communiquent aucune information sur son état
de santé, tandis que des sources palestiniennes affirment que les
Israéliens dissimulent le fait - de crainte que ces nouvelles ne
déclenchent une réaction de colère parmi les Palestiniens - qu’ils ont
transféré un grand nombre de prisonniers palestiniens vers les hôpitaux.
Les mesures punitives contre les prisonniers incluent le
placement de tous leurs dirigeants en isolement, dans lequel le
prisonnier est détenu dans une cellule qui fait 1m sur 1m05, y compris
les toilettes, et où il dort et mange. Les Israéliens ont également
limité les types de repas servis aux détenus, les empêchent de quitter
leurs cellules, augmentent le nombre et la fréquence des appels, ainsi
que des fouilles au corps où les prisonniers sont forcés d’enlever tous
leurs vêtements sous le prétexte de rechercher des objets tranchants.
Les prisonniers sont aussi souvent victimes d’abus violents par des
escouades spéciales dont la tâche est de blesser et de tourmenter les
prisonniers.
Des sources ont déclaré à Al-Ahram Weekly
qu’Israël utilisait la politique de la carotte et du bâton avec les
dirigeants des prisonniers, multipliant les mauvais traitements tout en
ouvrant des canaux de communication avec ces dirigeants et en leur
demandant de faire pression sur le Hamas pour que celui-ci soit plus
souple dans les conditions qu’il pose à la libération de Shalit, le tout
en échange d’un meilleur traitement en prison.
Les dirigeants des prisonniers palestiniens en Israël
ont affirmé que le personnel politique et sécuritaire israélien est
particulièrement brutal avec les détenus, parce que leurs dirigeants non
seulement n’ont pas répondu à l’offre des autorités pénitentiaires,
mais ont même demandé au Hamas de ne transiger sur aucune de ses
exigences. Les exigences en question comprennent la libération de tous
les prisonniers purgeant des peines à perpétuité, ainsi que des femmes,
des enfants et des malades.
Les actions des responsables des prisons consistent à
multiplier les agressions contre les prisonniers. Ceux qui sont en grève
de la faim ne mangeaient que du sel dissous dans l’eau afin que leurs
estomacs ne restent dans le meilleur état possible, mais les autorités
pénitentiaires ont vite interdit le sel dans les prisons. Pour les
presser psychologiquement, les prisonniers se voient interdire tout
changement de vêtements, de sorte qu’ils restent dans les mêmes tenues.
En riposte, les prisonniers et leurs dirigeants ont pris
des mesures comme refuser de porter les uniformes imposés dans les
prisons israéliennes et de se lever lorsque les gardes font un appel
nominal, et comme refuser de coopérer avec l’administration
pénitentiaire ou interagir avec elle. Les prisonniers palestiniens
appellent leur lutte contre ces mesures oppressives, « la guerre des
ventres vides ».
Les dirigeants en prison disent qu’ils vont s’opposer
aux politiques répressives en endurant la faim, la soif et l’isolement.
Ils ont dit qu’ils avaient fait leur choix et que si les autorités
carcérales israéliennes ne mettaient pas un terme à ses mesures
brutales, ils continueront leur grève jusqu’à en mourir.
Des sources ont déclaré au Weekly
que les dirigeants [palestiniens] dans les prisons ont au premier abord
hésité à annoncer une grève de la faim illimitée, car elle allait
coïncider avec le projet de l’autorité palestinienne [de Ramallah] de
demander en septembre une reconnaissance internationale de l’État de
Palestine. Ils craignaient que leur grève ait une incidence négative sur
cette initiative. Des sources proches des prisonniers ont déclaré que
les mesures oppressives sans précédent appliquées par les autorités
pénitentiaires contre les dirigeants palestiniens emprisonnés et la
décision de renforcer leur isolement, avaient convaincu les détenus de
commencer le jeûne.
Des sources ont déclaré au Weekly
que les premiers à avoir entamé une grève de la faim ont été Ahmed
Saadat, le secrétaire général du Front Populaire pour la Libération de
la Palestine (FPLP), et Jamal Abu Al-Heja, une figure de proue du Hamas,
qui sont tous les deux condamnés à la perpétuité. Ils ont été placés en
cellule spéciale il y a presque trois ans, et ils n’ont aucun contact
avec le monde extérieur. Les mêmes sources ont indiqué que Saadat et
Al-Heja avaient réussi à envoyer un message ce jeudi soulignant la
nécessité de poursuivre la grève de la faim jusqu’à ce que les forces
d’occupation israéliennes répondent à toutes les demandes de prisonniers
palestiniens, y compris de mettre fin à l’isolement complet.
Une source a ajouté que les autorités carcérales ont
décidé d’isoler tout détenu qui se déclarait en grève de la faim, puis
de former un groupe chargé de négocier avec lui les modalités pour qu’il
mette fin à la grève. Les autorités israéliennes auraient été surprises
de constater que tous les prisonniers palestiniens dans leurs prisons
avaient les mêmes revendications. Addameer, l’association de soutien aux
prisonniers et qui défend leurs droits, a déclaré que les autorités
pénitentiaires ont déplacé un grand nombre de prisonniers, les font
passer à tabac et les terrorisent, essayant ainsi de briser leur
volonté.
Eissa Qaraqa, ministre palestinien des Prisonniers, a
déclaré que « la guerre des ventres vides » vise les extrémistes de
droite du gouvernement Netanyahu, ainsi que l’Administration
pénitentiaire israélienne. Qaraqa a déclaré que la bataille continuerait
jusqu’à ce que toutes les demandes prisonniers soient remplies. « Si
les forces d’occupation n’arrêtent pas leurs mesures punitives, la lutte
contre l’occupation ne va pas rester confinée à l’intérieur des murs de
la prison », a-t-il averti. « Elle va se déployer dans la rue
palestinienne. »
En effet, les Palestiniens ont organisé des dizaines de
manifestations en solidarité avec les membres de leur famille derrière
les barreaux, et de nombreux Palestiniens ont aussi commencé une grève
de la faim pour soutenir les prisonniers. Pendant ce temps, des
représentants de toutes les organisations palestiniennes ont érigé des
tentes devant les bureaux de la Croix-Rouge pour exprimer leur
solidarité avec les prisonniers.
Sherine Iraqi, avocate pour le ministère palestinien des
Prisonniers, a déclaré que les détenus qu’elle avait rencontrés étaient
menottés et portaient des bracelets aux chevilles, et que dans la
prison de Shatta les prisonniers étaient fouillés entièrement nus
lorsqu’ils étaient transportés d’un endroit à l’autre. Iraqi a ajouté
que l’état de santé de plusieurs des grévistes de la faim était devenu
critique.
Le Hamas a appelé les organisations de la résistance à
renforcer leurs actions contre l’occupation israélienne en réponse à ce
qu’il décrit comme « des crimes contre les prisonniers ». « Au milieu du
silence de la communauté mondiale, et de la faiblesse arabe et
islamique, nous défendrons nos prisonniers et résisterons partout à
l’occupation », a déclaré Khalil Al Hayya, une figure de proue du Hamas
lors d’une grande marche organisée par son organisation ce vendredi soir
à Gaza en solidarité avec les prisonniers. « Nous n’aurons de cesse que
nous n’ayons libéré tous les prisonniers des prisons de l’occupation. »
Al-Hayya a noté qu’une résistance totale dans toutes ses
formes est le seul moyen de libérer les prisonniers, de préserver leur
dignité et de défendre chaque individu que l’occupation israélienne a
violé dans sa dignité, dans sa vie et dans ce qu’il possède. « En
réponse à l’arrogance de l’occupation qui viole les droits de nos
prisonniers, nous allons amplifier notre résistance et poursuivre ses
dirigeants comme criminels de guerre. Ils paieront pour leurs actes tôt
ou tard », a-t-il ajouté.
Les dirigeants du Hamas tiennent Israël pour responsable
de la vie des 7000 prisonniers qui suivent la grève de la faim dans
cette « guerre des ventres vides », appelant le peuple palestinien à
resserrer les rangs et à s’unir derrière les prisonniers. Al-Hayya a
également appelé les peuples libres du monde et les citoyens arabes à
agir sur la question des prisonniers et de le faire en toute priorité,
et à faire savoir ainsi à Israël que les prisonniers ne sont pas seuls.
Avec leurs ventres vides, des milliers de prisonniers
palestiniens s’opposent à la machine oppressive israélienne. Ils
comptent sur le peuple palestinien en Cisjordanie, à Gaza et dans la
Diaspora pour ne pas être abandonnés à leur sort. Ils espèrent également
que la conscience du monde se réveillera et prêtera attention à leur
terrible souffrance.