Haidar Eid - Al Jazeera
Si la demande d’adhésion aux Nations Unis est acceptée, il y
aura davantage de contrôle par les Israéliens, et pas une vraie
indépendance.
Israël a construit jusqu’à 573 barrières et check-points ainsi que 69 check-points volants
L’euphorie provoquée qui caractérise les discussions des
grands médias autour de la future déclaration d’une Palestine
indépendante en septembre ignore la réalité sur le terrain et les
avertissements des critiques. Montrer une telle déclaration comme une
avancée, et un défi au processus de paix défunt et au gouvernement de
droite israélien, sert à obscurcir le refus d’Israël de respecter les
droits des Palestiniens tandis qu’est renforcé le soutien implicite de
la communauté internationale d’un état d’apartheid au Moyen Orient.
La campagne pour une reconnaissance est menée par Salam
Fayyad, premier ministre désigné de l’Autorité Palestinienne (AP) située
à Ramallah. Elle est basée sur une décision prise pendant les années 70
par l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) d’adopter le
programme plus souple d’une « solution à deux Etats ».
Ce programme maintient que la question Palestinienne,
l’essence même du conflit israélo-arabe, peut être résolue avec
l’établissement d’un « Etat Indépendant » comprenant la Cisjordanie et
la Bande de Gaza, avec pour capitale Jérusalem Est. Avec ce programme
les réfugiés Palestiniens rentreront au nouvel état de Palestine mais
pas chez eux en Israël, qui se définit en tant que « Etat Juif ».
Cependant « l’indépendance » ne tient pas compte de cette question, et
ne prend pas en charge les appels lancés par les 1,2 million de citoyens
Palestiniens d’Israël à transformer la lutte en mouvement
anti-apartheid, vu qu’ils sont traités comme des citoyens de troisième
catégorie.
Tout ceci est sensé être implémenté après le retrait
des forces Israéliennes de la Cisjordanie et de Gaza. Ou serait-il
simplement un redéploiement des forces comme on l’a constaté pendant la
période d’Oslo ? En revanche les adeptes de cette stratégie prétendent
que l’indépendance va garantir qu’Israël va considérer les Palestiniens
de Gaza et de Cisjordanie comme un seul peuple, et que la question de la
Palestine peut être résolue en accord avec la loi internationale et que
cela va ainsi satisfaire un minimum de droits politiques et nationaux
au peuple Palestinien.
Oublions le fait qu’Israël a érigé jusqu’à 573 barrières
et check-points permanents à travers la Cisjordanie occupée, auxquels
il faut ajouter 69 check-points volants ; et vous voudrez peut-être
également ignorer le fait que les colonies exclusivement juives ont
annexé plus de 54% de la Cisjordanie.
Pendant la conférence de Madrid, l’ancien Premier
Ministre Yitzhak Shamir et son gouvernement « pro-guerre » n’a même pas
accepté le « droit » à une autonomie administrative. Cependant, avec
l’arrivée du gouvernement « plus modéré » Meretz/Travailliste, conduit
par Yitzhak Rabin et Shimon Peres, les dirigeants de l’OLP se sont
enfuis en Norvège pour des négociations derrière des portes closes. En
signant les accords d’Oslo, Israël était libéré du lourd poids que
respéresnet l’administration de Gaza et des sept villes surpeuplées de
la Cisjordanie. La première Intifada s’est terminée par une décision
officielle - et secrète - de l’OLP sans réaliser les projets nationaux
intermédiaires, principalement « la liberté et l’indépendance », et sans
le consentement du peuple que l’organisation prétend représenter.
Cette même idée « d’indépendance » était autrefois
rejetée par l’OLP, parce qu’elle n’intègre pas les droits légitimes
minimums des Palestiniens et parce que c’est l’antithèse de la lutte
palestinienne pour la libération. Ce qui est proposé à la place de ces
droits est un Etat uniquement par le nom. Autrement dit, les
Palestiniens doivent accepter une autonomie complète sur seulement une
partie de leur territoire, et oublier la souveraineté ou le contrôle des
frontières, des réserves d’eau, et plus important, le retour des
réfugiés. C’est cela l’accord d’Oslo et c’est aussi la « Déclaration
d’Indépendance » voulue. Pas étonnant, donc, que le Premier Ministre
Binyamin Netanyahu ait fait comprendre qu’il va peut-être donner son
accord pour un état Palestinien « à partir de négociations ».
Cette déclaration ne promet pas non plus d’être en
accord avec le plan de partition de 1947, qui ne laissait que 47% de la
Palestine historique bien que ceux-ci comprennent plus des deux tiers de
la population. Une fois déclaré, le futur état « indépendant » de
Palestine occuperait moins de 20% de la Palestine historique. En créant
un Bantoustan et en l’appelant un « Etat viable », Israël va se
débarrasser du fardeau de 3,5 million de Palestiniens. L’AP va régner
sur un maximum de Palestiniens avec un minimum de fragments de
territoire - fragments que nous pouvons appeler « l’Etat de Palestine ».
Cet « Etat » va être reconnu par des dizaines de pays - les chefs de
tribus des infâmes Bantoustans de l’Afrique du Sud seront très envieux !
Nous pouvons seulement présumer que l’indépendance
largement discutée et fêtée va simplement renforcer le même rôle joué
par l’AP sous les accords d’Oslo. Principalement le maintien de l’ordre
et les mesures de sécurité destinées à désarmer les groupes de la
résistance palestinienne. Ce sont les premières exigences présentées aux
Palestiniens à Oslo en 1993, Camp David en 2000, Anapolis en 2007 et à
Washington l’année dernière. Entre temps, dans le cadre des négociations
et demandes, aucun engagement ni obligation ne sont imposés à Israël.
Tout comme les Accords d’Oslo ont signifié la fin d’une
résistance populaire non-violente de la première Intifada, cette
déclaration d’indépendance à un but similaire, principalement de stopper
le soutien international croissant pour la cause des Palestiniens
depuis l’assaut israélien de l’hiver 2008-2009 contre Gaza et l’attaque
contre la Flottille de la Liberté en mai dernier. Néanmoins il n’est pas
à la hauteur pour ce qui est de garantir aux Palestiniens une
protection minimum et une sécurité face aux futures attaques ou
atrocités venant d’Israël.
L’invasion et le siège de Gaza étaient un produit
d’Oslo. Avant que les Accords d’Oslo aient été signés, Israël n’avait
jamais utilisé la totalité de son arsenal de F-16, bombes au phosphore,
et munitions DIME pour attaquer les camps de réfugiés à Gaza et en
Cisjordanie. Plus de 1200 Palestiniens ont été tués de 1987 à 1993
pendant la première Intifada. Israël a dépassé ce chiffre pendant son
invasion en 2009 ; il a réussi à tuer brutalement plus de 1443 personnes
rien que dans Gaza. Ceci n’inclut pas les victimes du siège depuis
2006, qui a été marqué par des bouclages et des attaques répétés
d’Israël avant l’invasion de Gaza et depuis lors.
En fin de compte, ce que cette « déclaration
d’indépendance » proposée au peuple palestinien est un mirage, une
« patrie indépendante » qui est un Bantoustan déguisé. Bien que soutenue
par un grand nombre de pays sympathisants, elle n’est pas à la hauteur
de fournir aux Palestiniens la liberté et la libération. Un débat
critique - plutôt que biaisé et démagogique - requiert une étude des
distorsions de l’histoire à travers les déformations idéologiques.
Ce qui à besoin d’être abordé, c’est une vision
historique et humaine des questions palestinienne et juive, une vision
qui ne nie jamais les droits d’un peuple, qui garantisse une égalité
complète, et qui abolisse l’Apartheid - au lieu de reconnaître un
nouveau Bantoustan 17 ans après la chute de l’Apartheid en Afrique du
Sud.
* Dr. Haidar Eid est un
professeur associé aux Etudes Culturelles à l’université gazaouie
d’Al-Aqsa et au conseil d’administration de la Campagne Palestinienne
pour le Boycott Académique et Culturel d’Israël.
13 octobre 2011 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/indept...Traduction de l’anglais : ForAGoodCause