vendredi 27 mai 2011

L’affrontement, selon Benyamin Nétanyahou

publié le jeudi 26 mai 2011
Agnès Gruda

 
Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a prononcé hier un discours décevant et belliqueux, dépourvu de la moindre prise à laquelle s’accrocher pour relancer les plus minimales négociations de paix [1].
Son ton était solennel, ses mots choisis avec précaution, les blagues complices alternant avec les envolées dramatiques. Même sa cravate, d’un bleu démocrate, semblait afficher sa volonté de réconciliation. Mais, sous ce glaçage diplomatique, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a prononcé hier un discours décevant et belliqueux, dépourvu de la moindre prise à laquelle s’accrocher pour relancer les plus minimales négociations de paix.
Jeudi, dans sa longue déclaration sur le Proche-Orient, le président Obama avait tracé ses propres conditions pour trouver enfin une solution au conflit israélo-palestinien. Il y a prôné un règlement fondé sur « les frontières de 1967 » - c’est-à-dire les limites territoriales antérieures à la guerre des Six Jours, à l’issue de laquelle Israël a étendu son emprise à la Cisjordanie, à Jérusalem-Est et à la bande de Gaza.
Ce principe n’est pas nouveau. De nombreuses tentatives de négociations prônaient déjà un retour aux frontières de 1967, sauf pour quelques importantes implantations juives en Cisjordanie, dont l’annexion à Israël devrait faire l’objet d’une compensation territoriale.
Le caractère historique du discours d’Obama ne tenait donc pas tant à son contenu qu’à son contenant : pour la première fois, ce modèle de règlement territorial était énoncé publiquement par le président américain en personne.
C’était assez pour jeter un grand coup de froid entre le président des États-Unis et le leader de la droite israélienne. Celui-ci a pu aussi être incommodé par une référence à « l’occupation » israélienne en Cisjordanie, terme tabou aux yeux de l’État hébreu. Benyamin Nétanyahou a pris la peine d’y répondre, hier, en soulignant que le peuple juif ne peut pas être considéré comme un occupant en « Judée et en Samarie » - noms bibliques de ce qui constitue l’actuelle Cisjordanie - et que la présence de colons juifs n’a rien à voir avec celle des Belges au Congo [2].
Cela dit, il s’est montré ouvert à de douloureux compromis territoriaux et à évacuer certaines colonies juives en Cisjordanie, tout en gardant les plus importantes et les plus stratégiques. Mais son élan pacifiste s’est arrêté là : à cette timide acceptation d’un règlement territorial que tous savent incontournable.
Puis le premier ministre Nétanyahou a énuméré ses conditions à la reprise de pourparlers. Rejet de toute demande relative au droit de retour des réfugiés palestiniens. Maintien d’une présence militaire israélienne dans la vallée du Jourdain, à la frontière de la Jordanie. Rejet de toute prétention palestinienne sur Jérusalem-Est. Rejet, également, de tout dialogue avec le Hamas, le mouvement islamiste qui contrôle la bande de Gaza et qu’il a comparé à Al-Qaïda. Enfin, reconnaissance inconditionnelle de l’État juif par les Palestiniens.
Benyamin Nétanyahou n’est pas né de la dernière pluie. Il sait très bien que ces exigences ne peuvent pas être posées comme préalables à des négociations. C’est comme si un employeur se disait disposé à négocier avec un syndicat, mais uniquement si celui-ci accepte d’abandonner son droit de grève. Une demande inacceptable, que l’on ait envie de faire la grève ou non.
Contrairement à ce qu’avaient laissé entendre de proches collaborateurs de Nétanyahou, le discours d’hier n’offrait aucune ouverture au processus de paix. Mais plutôt des tas de prétextes pour que le conflit perdure. Nétanyahou s’est-il cantonné dans cette attitude par défi contre Obama ? Par aveuglement ? Ou par stratégie ? Si oui, laquelle ?
Un article paru hier dans le journal Haaretz avance une hypothèse à ce sujet. « La vérité est simple et concrète : Nétanyahou n’est prêt à aucun accord, à aucun compromis ni à aucun retrait territorial », écrit Nehemia Shtrasler.
Lorsqu’il a été élu premier ministre pour la première fois, en 1996, Benyamin Nétanyahou a tout fait pour torpiller les fameux « accords d’Oslo », conclus sous les auspices de Bill Clinton. Quand il a été réélu, en 2009, plusieurs pensaient que le temps lui aurait fait gagner en modération. C’était une illusion, selon Nehemia Shtrasler. Selon lui, « Nétanyahou est exactement le même qu’en 1996 ». Il mise sur le temps, croyant que celui-ci joue en sa faveur. Que les révolutions qui agitent le monde arabe finiront par produire une crise majeure qui détournera l’attention de Washington du conflit israélo-palestinien. Ce qui lui permettra de gérer le conflit avec les Palestiniens selon la seule manière qu’il semble connaître : l’affrontement.
Obama se laissera-t-il embobiner par Nétanyahou, à qui, chose troublante, le Congrès a même réservé une longue ovation ? Ou tiendra-t-il bon face à ce chef au discours mielleux, implacable ? À suivre.
La Presse
publié par Cyberpresse
ajout de notes : CL, Afps