AFPS 34
« Les impacts sur l’environnement et la santé de la zone industrielle israélienne à Tulkarem »
Lors de sa mission en Palestine, du 15 au 25 octobre 2010, l’AFPS34 s’est rendue à Tulkarem – Cisjordanie.
Elle a rencontré, outre le Gouverneur de la région, la  Municipalité, les représentants des Universités, le Docteur Hanoun du  Ministère de la Santé - Directeur Régional, Tulkarem.
Tous nos interlocuteurs ont mis l’accent sur les ravages produits par la pollution des usines israéliennes, particulièrement l’usine GESHURI, implantées à Tulkarem.
Ces usines se trouvaient auparavant en Israël. Des plaintes ont été déposées par les voisins israéliens de l’usine Geshuri, laquelle s’est « délocalisée » en Palestine,  et plus précisément à Tulkarem où elle est présente depuis 1987. Ce fut  la première à venir dans cette « zone industrielle » que les israéliens  appellent, cyniquement, « Nitzanei Shalom » ce qui signifie les graines de la paix !
Voici donc un article d’Odile Kadoura (AFPS 34) suivi d’une série de rapports que nos interlocuteurs nous ont remis. Le premier est celui du docteur R. Hanoun, les autres  des rapports présentés lors du colloque organisé  en décembre 2009 par  l’Université Kadoorie de Tulkarem sur le thème « Les impacts sur  l’environnement et la santé de la zone industrielle israélienne à  Tulkarem ». Ils se passent de commentaires [1].
"IMPACTS DES USINES CHIMIQUES ISRAELIENNES SUR LA POPULATION DE TULKAREM (Cisjordanie)"
La population de Tulkarem n’est pas seulement affectée  par l’érection du mur de l’apartheid, elle subi une autre forme  d’agression tout aussi scandaleuse et pourtant ignorée : l’implantation  illégale d’usines chimiques israéliennes sur son territoire.
Saisie de ce dossier lors d’une visite officielle à  Tulkarem, la mission AFPS34 a estimé qu’au regard de la gravité des  faits, il lui incombait de les porter à la connaissance de l’opinion  française, en se basant sur  les différentes sources d’informations  fournies par les institutions rencontrées sur place : sources  académiques (Université Kadoorie, Université Al Qods Open) et sources  relevant de l’Autorité Palestiniennes  (Gouvernorat, Direction de la  Santé, Direction de l’Agriculture).
Ces données ont été complétées par des informations de  nature économique, obtenues auprès (de la Coalition des Femmes ) d’une  association israélienne qui alimente le site « who profits.com » [2] . La délocalisation d’entreprises israéliennes polluantes sur un territoire  palestinien : la ville de Tulkarem
A partir de 1987, la société GESHURI (production de  pesticides et désherbants), voulant se soustraire aux règlementations  relatives à la préservation de l’environnement et à la protection de la  santé des travailleurs, a installé ses unités de production en  territoire palestinien, au-delà de la ligne verte. Elle a été rejointe   par plusieurs  entreprises chimiques israéliennes. Une zone industrielle  s’est ainsi constituée et se situe aujourd’hui de l’autre coté du mur  et à proximité immédiate des habitations palestiniennes.
« Une usine de pesticide : cette usine [Geshuri], qui était installée à Kfar Saba  (ville israélienne) et produit de dangereux  polluants, a été déménagée  dans une zone proche de Tulkarem. Les eaux usées émanant de cette usine ont endommagé les citronniers et pollué les sols de la zone et menace les nappes phréatiques.
L’usine DIXON GAS : cette usine, qui était située à  Netanya (ville israélienne) a été également déménagée dans la zone de  Tulkarem. Les déchets générés par cette usine sont brûlés à l’air libre. Autres usines : production d’aluminium, teinture du cuir, teinture   textiles, batteries, fibres de verre, plastics et autres produits de  synthèse.
Les déchets générés par ces industries contiennent des  éléments toxiques comme l’aluminium, le chrome, le plomb, le zinc et le  nickel. Par exemple, l’industrie d’aluminium, qui est également présente  dans nombreuses colonies, produit des déchets aluminium et acides. La galvanoplastie  produit du nickel, du chrome et des déchets acides.  L’industrie de batteries rejette du plomb dans ses eaux usées. Toutes ces substances inertes sont considérées comme dangereuses pour la  santé lorsqu’elles sont accumulées dans le corps humain, ainsi que pour  l’environnement.
Les plus nombreux polluant produits par les  industries  citées ci-dessus sont des polluants gazeux qui contiennent  les éléments  suivants : Dioxyde (SO2), Monoxyde de carbone (CO), Oxydes de nitrogène  (NO, NO2), Hydrocarbone ».
L’entreprise GESHURI avait été condamnée par la justice  israélienne à la suite d’une plainte des riverains. Le jugement  constatait explicitement les effets dangereux de son activité. C’est  donc en toute connaissance de cause que cette société est partie polluer  en territoire palestinien. Le nuage de pollution émanant de cette usine  est entrainé par les vents dominants en direction de la ville de  Tulkarem. Un engagement a été pris par l’entreprise Geshuri pour  interrompre son activité lorsque le vent dominant change de sens et  pousse les particules polluantes en direction d’Israël !
Toutes ces entreprises déversent des déchets solides et  liquides et gazeux sans traitement ni conditionnement préalable. Elles  négligent les règles de sécurité et de surveillance, ce qui occasionne  de fréquents incendies et accidents. Elles ignorent enfin les règles les  plus élémentaires de protection des travailleurs, palestiniens.
Mobilisation des institutions palestiniennes.
Bien que l’apparition de certaines pathologies soit en  relation directe avec la présence des industries polluantes, les  institutions responsables de la santé publique et les  enseignants  chercheurs ont mobilisé leurs moyens pour établir scientifiquement une  corrélation qui mette en accusation des entreprises israéliennes, et  pour assurer la protection des populations.
Etudes et recherches académiques conduites par les universités  L’Université Palestine  Technical University Kadoorie (PTUK) a mobilisé les enseignants de  différentes disciplines (chimie, environnement, agronomie) pour analyser  la nature des pollutions et mesurer leur impact sur l’environnement  (nappes phréatiques, air, sols) et sur la santé. Elle a organisé un  colloque international en décembre 2009 et a présenté les résultats de  ses recherches à l’Autorité Palestinienne. Son Centre de recherches techniques et appliquées (Département  d’ingénierie environnementale) a prévu  la création d’un laboratoire  d’analyse. Le local est déjà prêt, le personnel qualifié également.  Reste à trouver urgemment le financement de l’équipement et matériels  nécessaires.
L’Université Al Qods Open a analysé l’impact économique,  social et environnemental des industries chimique sur la population.  Son étude sur les  conditions de travail des ouvriers palestiniens  salariés de ces entreprises met en évidence l’absence totale de respect  de normes de sécurité et le niveau d’exploitation de cette main d’œuvre  sur le plan de la rémunération et du respect de la personne  humaine.
Le soutien attendu : dénoncer l’impunité de ces  industries, aider à la création d’emplois  comme alternative pour les  salariés palestiniens employés dans ces usines.
Etudes épidémiologiques conduites par la Direction de la  Santé Cette direction responsable de l’hygiène publique (équivalent d’une  DDASS) n’a aucun pouvoir pour contrôler ces usines qui sont des  « installations classées ».
La Direction de la Santé a cependant engagé des études  épidémiologiques dont les résultats font apparaître la corrélation entre  les rejets des usines et les pathologies sur-représentées chez les  populations proches de ces installations : affections respiratoires,  affections de la peau, allergies, cancer du sang.
Actions juridiques
Tulkarm est victime d’entreprises privées qui, comme  beaucoup d’autres dans le monde, s’installent et se délocalisent au gré  de leurs intérêts, faisant montre du cynisme qui prévaut dans le système  économique libéral. Mais Tulkarem est également une ville  palestinienne, et l’on ne peut imaginer que ces entreprises ont pu  s’installer illégalement sans l’aval – sinon l’incitation- de l’état  israélien.
En effet, ces industries polluantes portent directement  atteinte à l’activité vitale de la région - agriculture maraîchère et  arboricole - et participent insidieusement à la tentative d’éviction des  populations palestiniennes de leurs territoires.
Elles sont une preuve supplémentaire de l’impunité dont  bénéficie Israël, qui ne respecte aucune de ses obligations en tant que  puissance occupante.
Enfin, le cas de Tulkarem incite à faire la lumière sur  les  conséquences des activités industrielles  des colonies sur  l’environnement et sur la santé des populations palestiniennes en  Cisjordanie.
Il serait temps que la communauté internationale s’insurge et condamne."
Odile Kadoura
[1] Ils feront l’objet d’une prochaine publication
[2] 
Annexe
Résumé du document de « whoprofits » / Coalition des Femmes pour la Paix (ONG israélienne)
Zone industrielle de Nitzanei Shalom
Liste des entreprises présentes sur le site :
1. Geshuri Industries : Keshet Prima. C’est la première usine à s’être installée sur le site. Produits chimiques.
2. Solor Group : Solor Gas Industries, Solmoran,  Dixxon Gas Industries, Solopaz, Solor Hasharon Metal, Solmoran and  Hatehof. Métallurgie, production de citernes pour pétrole et gaz.
3. Tal El Collection and Recycling. Collecte, transport et stockage de déchets papier, cartons, plastiques … ET Nizanei Shalom Paper Industries (inactive ?). Papiers et plastiques pour agroalimentaire et restauration.
4. Lotar. Textiles
5. Yamit E.L.I. Filtration and Water Treatment. Equipements de filtration et traitement de l’eau et des eaux uses.
6. Rational Systems : de Dakrim et Yizrael-Tamuz group. Production de polyuréthane et composants en plastique  (moulages et revêtements) principalement pour les équipements  électroniques et médicaux. Et Dakrim : métallurgie de précision pour les  équipements médicaux et hi tech.
7. Shai Key Metal Trade. Collecte, tri et vente de métaux.
8. Atzei Shitim. Bois, fabrication et recyclage.
 
 
