mercredi 5 janvier 2011

Deux ans après, les familles de Gaza se souviennent de l’horreur de l’attaque israélienne

mardi 4 janvier 2011 - 08h:44
Rami Almeghari - E.I
« C’était la première guerre dont j’ai jamais été témoin dans ma vie. Tout ce que ma famille et moi pouvions faire pendant l’invasion israélienne du quartier de Tal al-Hawa, c’était rester dans le sous-sol et dire la shahada [déclaration de la foi], que tout musulman doit réciter lorsqu’il fait face à la mort. »
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Gaza : une maman palestinienne et ses deux enfants - Photo : Eman Mohammed/MaanImages
Ahmad Mansour se souvient de la façon dont il a - avec le reste des 1,5 million d’habitants de Gaza - enduré la plus grande attaque jamais lancée en 40 ans par Israël sur l’enclave côtière et qui a débuté il y a juste deux ans d’aujourd’hui.
Entre le 27 décembre 2008 et le 18 janvier 2009, Israël a utilisé son formidable arsenal militaire — tanks, hélicoptères, avions de chasse, avions sans pilote, bateaux de guerre et troupes terrestres — pour lancer une guerre totale contre un territoire dont la population misérable se compose en grande partie de réfugiés. Plus de 1400 personnes ont été tuées, dont quatre cents enfants, et des milliers d’autres personnes ont été blessées.
« Je me rappelle très bien que lorsque les tanks israéliens ont attaqué notre quartier, ils ont totalement détruit le parc de jeu Barcelone juste quelques mètres à côté de notre immeuble d’habitation, » raconte Mansour, un père de cinq enfants, dans une entrevue avec The Electronic Intifada dans son appartement. « Les habitants de l’immeuble sont restés pendant presque 12 heures dans le sous-sol, attendant à la mort à tout moment. Un de ces tanks a même enfoncé l’entrée principale du sous-sol, et tout le monde a alors récité la shahada. »
Interrogé pour savoir s’il s’attendait à une autre attaque d’Israël, vu les tensions et les menaces qui ne cessent d’augmenter, Mansour a répondu : « Je peux dire que nous autres Palestiniens n’avons aucun choix si ce n’est faire face à n’importe quelle attaque israélienne avec nos poitrines nues. Nous sommes simplement sans moyens et toutes leurs affirmations selon quoi Gaza est un endroit de stockage pour des armes ou des fusées sont fausses. »
Mansour se référait aux affirmations israéliennes que l’attaque sur Gaza était censée faire cesser les attaques par missiles vers Israël. En fait, les groupes de la résistance palestinienne avaient pratiquement cessé d’envoyer des fusées en direction d’Israël après qu’un cessez-le-feu en juin 2008 ait été convenu avec Israël. Mais le cessez-le-feu a volé en éclat après qu’Israël ait attaqué Gaza, assassinant six personnes quelques semaines avant de mener son plus large assaut.
Rawan, la fille âgée de 12 ans de Mansour, a le souvenir très vif d’avoir été assise dans la cuisine de la famille durant une accalmie dans l’attaque. « Nous avons allumé une bougie, et l’avons dissimulée derrière un des rayonnages de la cuisine pour que l’armée israélienne ne réalise pas qu’il y avait des gens dans l’appartement. » Et souvent, quand elle entend les fréquentes explosions qui secouent Gaza, Rawan « pense que les Israéliens reviennent à nouveau. »
Récemment, les chefs de l’armée israélienne et certains politiciens ont mis en avant des prétextes pour qu’Israël lance une autre attaque à grande échelle sur Gaza, prétendant que les groupes de la résistance se sont fournis en nouveaux missiles plus performants, ou que Gaza est devenue une base pour al-Qaida.
Dans une autre maison du quartier de Tal al-Hawa, le Dr. Asad Abu Sharekh, professeur de littérature anglaise à l’université al-Azhar de Gaza, son épouse Umm Abdelaziz, et leur fils Abdelaziz aujourd’hui âgé de 9 ans, se souviennent de comment ils ont décidé de rester dans leur appartement pendant l’attaque israélienne plutôt que de chercher refuge ailleurs.
« La situation était extrêmement difficile, » raconte Umm Abdelaziz. Les « bruits et les flashs lumineux des avions de guerre remplissaient l’appartement, ainsi que l’odeur écœurante de la fumée, apparemment du phosphore blanc. Nous sommes restés dans notre appartement prêt à faire face à la mort, plutôt que de brandir des drapeaux blancs ou de nous sauver comme d’autres le faisaient. Mon mari nous a dit que que son père avait abandonné al-Majdal [maintenant Ashkelon en Israël] en 1948, et ‘que maintenant je ne suis pas prêt à abandonner mon appartement excepté pour ma tombe ou pour une de leurs prisons’. »
Dans al-Zaytoun, juste au sud de la ville de Gaza, les membres de la famille al-Samouni ont récemment procédé à une reconstruction partielle de leurs maisons dévastées par la guerre. Environ 20 des maisons de leur clan avaient été complètement détruites dans l’attaque israélienne il y a deux ans.
« Sans parler du déplacement que j’ai enduré, je suis passé par des moments très amers, » a rappelé Ziyad al-Samouni, âgé de 34 ans, alors qu’il se tient devant une maison nouvellement construite de 95 mètres carrés, où lui et sa famille de huit personnes vivaient avant la guerre. « J’ai un neveu qui a perdu son père pendant la guerre, qui m’appelle maintenant ‘papa’. Au cours des deux dernières années, je me suis déplacé de location en location. Une fois nous avons même vécu dans une petite pièce qui avait été employée pour de l’élevage de volaille. »
Rania al-Samouni - veuve et mère de cinq enfants dont le mari a été tué dans l’attaque israélienne - a vu récemment aussi la reconstruction de sa maison.
« Pendant la période passée, mes enfants et moi avons vécu dans une chambre de la maison de mes parents, » nous raconte Rania al-Samouni. « La vie sans mon mari est très difficile. C’est trop difficile d’aller d’une institution à l’autre, demandant de l’aide. Il est vrai qu’ils ont reconstruit notre maison, mais je ne ressens pourtant toujours aucune joie parce que mon mari n’est plus là. » Et elle répète, « il n’est plus là. »
Au milieu de l’attaque il y a deux ans, le Dr. Asad Abu Sharekh, qui est également un analyste politique, s’était exprimé devant The Electronic Intifada. Deux ans après, nous lui avons demandé s’il estimait qu’Israël avait réussi à imposer sa volonté aux Palestiniens après avoir lancé son attaque. Abu Sharekh a répondu après réflexion :
« Israël ne pourra jamais gagner sa guerre contre le peuple palestinien. C’est notre terre, notre histoire, notre géographie et notre identité, et nous sommes prêts à nous sacrifier pour notre patrie. Les récentes menaces israéliennes contre Gaza sont seulement un des éléments de la guerre psychologique israélienne contre le peuple de Palestine. Israël souffre de beaucoup de crises au niveau interne ou international, particulièrement après la publication du rapport Goldstone sur les crimes israéliens commis contre les Palestiniens pendant la dernière guerre contre Gaza. De plus, le refus israélien de geler la construction de colonies dans les territoires palestiniens occupés a soulevé des critiques du monde entier, au point que quelques pays ont récemment reconnu un état palestinien dans les frontières de 1967 [frontières de facto du cessez-le-feu de 1949 - N.d.T]. »
Abu Sharekh a également mentionné la campagne internationale de plus en plus forte pour le boycott, le désinvestissement et les sanctions (BDS) contre Israël. Tout ceci, estime-t-il, a commencé à exercer une contrainte sur Israël : « Les menaces israéliennes [contre Gaza] pourraient se concrétiser d’une manière différente. Israël effectuera probablement des attaques ponctuelles ici et là, mais pas une guerre à grande échelle semblable à celle d’il y a deux ans. »
« Mon père m’a toujours recommandé de ne pas craindre les Israéliens, » nous dit Abdelaziz, le jeune fils d’Abu Sharekh, alors qu’il revient d’avoir joué au football à côté de la maison. « Je ne les crains plus. Et comme mon père me l’a toujours enseigné, je préfère mourir dans ma maison plutôt qu’être tué dans la rue. »
* Rami Almeghari est journaliste et conférencier universitaire vivant dans la bande de Gaza.
Vous pouvez le contacter à : rami_almeghari@hotmail.com.
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction : Naguib
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