L’impasse se confirme bien que les Arabes aient accordé à Israël, lors de la réunion de la Ligue arabe, un délai d’un mois pour le gel des colonies. Ils donnent l’impression de ne pas avoir beaucoup de choix.
Les pays arabes ont fait preuve d’un maximum de patience. C’est ce que relèvent de nombreux analystes, tentant d’expliquer leur prise de position. En effet, s’ils ont apporté un soutien ferme au président palestinien Mahmoud Abbass qui refuse de négocier avec Israël à l’ombre de la colonisation, ils ont décidé de donner un délai d’un mois à Israël pour prolonger le moratoire sur la construction de colonies dans les territoires palestiniens occupés. Ils tentent d’éviter une faillite d’un processus de paix dont les perspectives de survie deviennent de plus en plus faibles, une position saluée par le médiateur américain. En fait, les Arabes, du moins les pays dits modérés comme l’Egypte, la Jordanie et l’Arabie saoudite, veulent donner toutes les chances à leur allié américain qui tente à tout prix de faire preuve d’une volonté de parvenir à la paix sans toutefois porter atteinte aux intérêts d’un Israël récalcitrant et dont on connaît peu les réelles intentions. L’Etat hébreu, on le voit, adopte, de son côté, une attitude de plus en plus agressive, se sentant sûr de lui-même. Il s’arme idéologiquement d’une vision très maximaliste du sionisme et on a vu ainsi le premier ministre, Benyamin Netanyahu, adopter le projet de nouveau serment pour les candidats à la citoyenneté israélienne qui devront prêter un serment d’allégeance à « Israël, Etat juif et démocratique, en vertu d’un projet d’amendement à la loi sur la citoyenneté de 1950 » (lire page 5) à l’heure où les différentes tractations pour sauver le processus de paix se trouvaient dans un véritable goulet d’étranglement. De quoi représenter un vrai défi. Et même lorsque les Arabes ont fait preuve de retenue en reportant d’un mois leur décision, il n’a même pas fait de commentaire. Que veut donc Israël ? Selon le chercher Gomaa Khamis, directeur de rédaction du journal Al-Qods, « il est évident qu’Israël veut parvenir à la paix mais selon sa propre formule. Il veut en même temps maintenir ses activités de colonisation tout en restant à la table des négociations avec les Palestiniens. D’une part, il s’ancre dans la terre à travers les colonies et d’autre part, il tente d’améliorer l’image de marque d’un Israël qui œuvre pour la paix ». Netanyahu, en effet, veut démontrer que c’est lui qui veut et qui insiste que les négociations se poursuivent pour maintenir l’image d’un homme qui veut la paix. « Les deux dernières années, Israël a consacré 500 millions de dollars pour améliorer son image de marque », a ajouté Khamis.
De toute façon, Tel-Aviv semblait être sûr que les Arabes n’allaient pas faire marche arrière en dépit des déclarations du président palestinien Mahmoud Abbass. Du moins ils ne prendront pas de position contre Israël, si ce n’est pour ménager les Etats-Unis.
D’ailleurs, un proche du premier ministre Benyamin Netanyahu, cité par la radio israélienne, s’est félicité que la porte des négociations n’avait pas été fermée définitivement, estimant que « le pragmatisme l’a emporté ».
Le Département d’Etat a dit apprécier le soutien arabe aux « efforts (américains) visant à créer les conditions qui permettront des discussions directes pour aller de l’avant ». « Nous continuerons à œuvrer (...) pour faire progresser les négociations afin de parvenir à la solution de deux Etats ».
La position arabe refléterait la réalité de ce monde. « Les Arabes n’ont pas d’alternative, ce qui les oblige à adopter ce genre d’attitude. Ce n’est pas une question d’un mois, de quatre ou même de dix ». Ainsi, on a vu que les Arabes, tout en apportant leur soutien à la position de Abbass, ont compté sur les efforts américains pour parvenir à un compromis qui permettrait une relance des négociations de paix. Mais tout porte à croire que Tel-Aviv est la partie forte. D’ailleurs, les Etats-Unis ont offert des « incitations » à Israël en échange d’un gel de la colonisation, selon l’ambassadeur d’Israël à Washington. Donc aller mollo. C’est ce que les Arabes peuvent faire. Il n’y a pas d’alternative. « On dirait qu’ils mendient la paix, tandis que l’autre partie ne veut arriver à rien. Si les négociations s’arrêtent, que feront les Arabes ? Rien », estime Khamis. Il faut une attitude et une prestation politique différente et plus énergique. Mais c’est le jeu des intérêts et du pragmatisme qui règne. Aucun Etat arabe ne voudra assumer la responsabilité d’une telle décision. « A titre d’exemple le fait que les Palestiniens négocient seuls sauve la Jordanie d’être une patrie de remplacement », poursuit-il. Ces négociations, dès le départ et telles que proposées par l’Amérique, ont alterné entre échec et solution transitoire à long terme. Mais l’ombre de l’échec est celle qui plane le plus.
Recours à l’Onu
Et même les Nations-Unies et le Conseil de sécurité ne servent plus de cartes pour les Arabes. Lorsqu’ils ont présenté une demande au Conseil de sécurité pour le gel des colonies, ils n’ont pas pu réussir. Ce que Israël sait. S’il avait le moindre doute qu’une résolution pareille serait votée, « il n’aurait pas fait preuve de tant d’abus », dit le spécialiste. D’ailleurs, Le Caire en est conscient. Ainsi, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmad Aboul-Gheit, a précisé qu’un recours au Conseil de sécurité pour demander la proclamation d’un Etat palestinien n’était « pas à l’ordre du jour ». « Ce qui est envisagé actuellement, c’est de permettre aux Etats-Unis de poursuivre leurs efforts pour parvenir à un gel total de la colonisation », a-t-il dit. Si dans un mois, la situation est toujours bloquée, le comité arabe « se réunira de nouveau et M. Abbass exposera les alternatives (...) ».
Mais de plus en plus, il semble que la solution de rechange pour les Palestiniens est celle unilatérale. Les Palestiniens envisagent de plus en plus sérieusement des solutions unilatérales comme alternatives à un processus de paix avec Israël qui, en près de vingt ans, ne les a guère rapprochés de leur rêve d’obtenir un Etat, selon des spécialistes. Le dirigeant palestinien Mahmoud Abbass a évoqué dans un discours vendredi, lors de la réunion arabe à Syrte (Libye), des alternatives aux négociations, bloquées par le différend sur la poursuite de la colonisation juive en Cisjordanie occupée. Ainsi, le président palestinien a exposé plusieurs options : demander à Washington de reconnaître un Etat palestinien dans les frontières de 1967, recourir à cette fin au Conseil de sécurité de l’Onu, ou proposer à l’Assemblée générale de l’Onu le placement des territoires occupés sous tutelle internationale. « Après plus de 19 ans, depuis la conférence de paix de Madrid en 1991, les pourparlers avec Israël n’ont abouti à rien », a déclaré à l’AFP un des négociateurs palestiniens, Mohamad Chtayyeh. « Cela n’a pas de sens pour les Palestiniens de continuer à attendre la conjonction d’un gouvernement israélien qui veut la paix et d’une administration américaine qui soit capable de faire pression sur Israël. L’expérience montre que cela ne se produira pas », a affirmé M. Chtayyeh. « Cela n’a pas de sens non plus de laisser à l’occupant (israélien) le soin de mettre fin à l’occupation », a-t-il ajouté.
Au début des actuels pourparlers en septembre, le principal négociateur palestinien, Saëb Erakat, en avait également dramatisé l’enjeu, prévenant que l’Autorité risquait de disparaître au profit des islamistes radicaux du Hamas en cas de nouvel échec.
D’ailleurs, l’Europe soutient un tel recours à l’Onu.
Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a affirmé que « Paris n’excluait pas un examen par le Conseil de sécurité de la création d’un Etat palestinien, en cas d’impasse prolongée », dans une interview publiée dimanche.
« La création d’un Etat palestinien est le gage d’un avenir de paix. Il doit procéder des négociations bilatérales », a déclaré M. Kouchner au quotidien palestinien Al-Ayam, alors que le chef de la diplomatie française est attendu avec son homologue espagnol, Miguel Angel Moratinos, en Israël et dans les territoires palestiniens.
En conséquence, est-ce à l’Amérique de jouer ? A d’autres puissances comme l’Europe d’y contribuer ? Les véritables acteurs sur la scène se trouvent dans une position d’inégalité. L’arbitre américain, peut-on craindre qu’il ne soit pas très équitable dans la majorité des cas et l’Onu pourra-t-elle être efficace ?.
Ahmed Loutfi
Chaïmaa Abdel-Hamid
Chaïmaa Abdel-Hamid