Le président de l’Autorité palestinienne ne sait plus sur quel pied danser. Il est pris en tenailles entre pressions américaines et contestation palestinienne.
« Je vous invite à signaler votre soutien vigoureux au président Abbass en ce moment difficile », c’est ainsi que Ban Ki-moon a appelé les dirigeants arabes, lors du sommet de Syrte, à soutenir Mahmoud Abbass.
Certes, Abbass passe par les moments les plus difficiles, non seulement en voyant l’échec des négociations et presque le retour à la case départ, mais aussi en voyant sa légitimité, voire sa popularité auprès des Palestiniens, mise en cause. Sur la scène intérieure, il devient un leader très contesté accusé de suivre une politique de concession sans fin. Ses décisions d’aller dans un premier temps aux négociations indirectes, et ensuite aux négociations directes, sont prises à chaque fois au rythme des cris palestiniens de toutes les factions qui s’élèvent l’exhortant de rester en dehors des pourparlers, quel qu’en soit le coût.
Cependant, le Fatah, le parti de Abbass, ainsi que le comité exécutif de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), théoriquement l’organe de décision le plus élevé pour les Palestiniens, ont réitéré leur soutien à la position de Abbass. Mais pour eux, la reprise des pourparlers avec Israël doit être fondée sur une reconnaissance claire de la ligne d’armistice de 1967 qui doit devenir la future frontière entre Israël et un futur Etat palestinien. Yasser Abd-Rabbo, lui-même un des proches de Abbass, a déclaré que « sans ces garanties, les négociations pourraient échouer avant même de commencer ».
Mais les pressions américaines qui ont lieu en coulisses sont les plus fortes. Pour le pousser vers les négociations directes, le président Obama a adressé une lettre à Abbass, pour lui dire que l’Autorité Palestinienne (AP) aurait à participer à des négociations de paix directes avec Israël ou à en subir les conséquences. Le mot « conséquences » est largement considéré comme une allusion au retrait de l’aide financière versée par Washington, sans laquelle il est douteux que l’Autorité palestinienne puisse survivre longtemps. Les Etats-Unis versent des centaines de millions de dollars par an à l’AP, principalement pour payer les salaires de plus de 100 000 cadres militaires et fonctionnaires. Le versement de ces salaires constitue la fonction principale, sinon la raison d’être du régime de l’AP.
Abbass, alors chef de l’Autorité palestinienne, ne veut pas perdre ce soutien.
L’argument que Abbass avance c’est que « les négociations qui se sont ouvertes sont une occasion historique pour les peuples palestinien et israélien. Si nous laissons passer cette occasion, je ne sais pas quand elle se représentera ».
Selon Ossama Mégahed, politologue, Abbass ne voit qu’une seule solution, c’est le règlement pacifique à travers les négociations à l’encontre du Hamas, qui voit que la résistance armée est l’issue. « Abbass est connu pour être l’architecte du processus de règlement d’Oslo, impossible alors de changer de stratégie »
Mais démissionner, ce mot se répète beaucoup ces jours-ci plus qu’auparavant. Soit par Abbass même qui, un jour avant le sommet, a laissé entendre qu’il démissionnerait si les pourparlers capotaient du fait de ce différend persistant sur les colonies. Soit par beaucoup de Palestiniens qui réclament fortement cette démission. Nader Nabulsi, 44 ans, un commerçant palestinien, voit qu’« une démocratie ne se réduit pas à Abbass qui prend les décisions tout seul. C’est aux Palestiniens qu’il appartient de décider des questions de ce genre, pas à Abbass. Nous rejetons ces négociations, c’est du bidon et cela ne mène nulle part ».
En fait, 6 ans sont passés et le bilan de Abbass est très négatif. Rien n’est apporté pour le processus de paix, en plus, les différends interpalestiniens battent leur plein. Abbass est considéré aussi aujourd’hui sans mandat présidentiel depuis fin 2008. Pourtant, il participe aux négociations de paix pour le Proche-Orient. Car s’il est en perte de crédibilité auprès des Palestiniens, il reste un acteur incontournable sur la scène internationale.
Plusieurs Palestiniens le contestent, en affirmant que Abbass est le président que voulaient les Israéliens et qui gagne la sympathie américaine.
Benyamin Netanyahu lui a dit un jour : « Vous êtes mon partenaire pour la paix. Il dépend de nous de vivre l’un à côté de l’autre et l’un avec l’autre ».
Finalement, la réalité est que tout porte à croire que les Américains et les Israéliens ont besoin de lui pour faire croire à l’existence d’un processus de paix, mais qu’ils ne font rien pour faire la paix avec lui.
Un mois c’est le délai durant lequel Abbass doit prendre sa décision. La question qui se pose alors : Quel chemin va-t-il prendre cette fois-ci ? Celui que lui dicte Washington ou celui qui satisfera les aspirations du peuple palestinien ? Plusieurs d’entre eux attendent d’entendre qu’il dise « Basta ».
Aliaa Al-Korachi