mercredi 13 octobre 2010

Netanyahu cajole les durs de sa majorité, mais cache son jeu

13/10/2010
Lundi, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a proposé un nouveau gel de la colonisation en échange de la reconnaissance d'Israël comme « État du peuple juif », un marché aussitôt rejeté par les Palestiniens. La veille, son gouvernement avait approuvé un projet d'amendement obligeant les candidats non juifs à la citoyenneté israélienne à prêter allégeance à « l'État juif et démocratique d'Israël ». Le cabinet s'est aussi prononcé en faveur d'un référendum avant tout retrait territorial, rendant plus difficile la conclusion d'un accord de paix avec les Palestiniens.
Des décisions qui ont poussé l'Union européenne à réagir hier. L'UE soutient la solution de « deux États démocratiques vivant côte à côte dans la paix et la sécurité », a souligné Maja Kocijancik, la porte-parole de la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton. Ces États « devront garantir pleinement l'égalité de tous leurs citoyens », a-t-elle ajouté, précisant : « Dans le cas d'Israël, cela veut dire qu'ils soient juifs ou pas. » Le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, Yigal Palmor, a réagi à la déclaration de l'UE en assurant qu'il n'avait « jamais été question pour le gouvernement d'Israël de remettre en cause l'égalité des droits de tous les citoyens d'Israël, garantis par la Déclaration d'indépendance et par les lois constitutionnelles ». « Lancer un avertissement contre un danger fantôme ne contribue ni à apaiser les esprits ni à faire avancer le débat », a-t-il affirmé à l'AFP.
M. Netanyahu reprend ainsi à son compte les thèses de son ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, chef du parti ultranationaliste Israël Beiteinou, dont les 15 députés sont un appui vital pour la majorité actuelle. M. Lieberman, en pleine ascension dans les sondages, est hostile à une reprise des négociations directes avec les Palestiniens en échange de concessions, et convaincu de l'échec du processus en cours.
Selon le Yediot Aharonot, le quotidien le plus vendu en Israël, ce coup de barre à droite de M. Netanyahu est une « manœuvre » afin de présenter les Palestiniens comme responsables d'un échec des négociations. « Les négociations avec les Américains sont dans l'impasse, si bien que Netanyahu se présente avec une proposition pour montrer qu'il veut bien continuer les discussions tout en sachant que les Palestiniens ne l'accepteront pas », a confié au journal un cadre anonyme du Likoud (droite), le parti de M. Netanyahu. Une analyse partagée par Hanan Cristal, commentateur politique de la radio publique : « Netanyahu veut gagner du temps et attendre les résultats des élections de mi-mandat au Congrès américain du début novembre », explique-t-il à l'AFP. « Netanyahu espère qu'il va pouvoir repousser toute initiative du président américain avec l'aide des amis d'Israël à la Chambre des représentants, qui pourrait se retrouver avec une majorité républicaine opposée à Obama », commente l'analyste Shimon Shiffer, toujours dans le Yediot Aharonot.
La chef de l'opposition centriste Tzippi Livni a regretté lundi que M. Netanyahu préfère « un affrontement avec les États-Unis à un affrontement avec les partenaires de la coalition » au Parlement. La radio militaire dresse un tableau plus nuancé en citant des déclarations du Premier ministre durant une réunion du Likoud. « Nous vivons dans un monde compliqué (...). Construire (dans les colonies) constitue un besoin vital, mais il faut trouver un équilibre avec d'autres intérêts », a noté M. Netanyahu sans préciser à quels « intérêts » il faisait allusion. Lors de son entretien dimanche avec M. Netanyahu, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a trouvé ces propos « encourageants », assurant qu'il « cherche toujours (...) une présentation qui puisse satisfaire à la fois les Palestiniens et le peuple israélien ». Selon la commentatrice de la radio militaire, des responsables du Likoud redoutent que, malgré les apparences, le Premier ministre prépare le terrain à un nouveau gel de la construction dans les colonies de Cisjordanie occupée en cajolant les durs de sa majorité.