Sam Bahour, Charles Shamas
A l’invitation d’Israël, la 86è session du Comité du Tourisme de l’OCDE se tiendra dans Jérusalem, les 20 et 21 octobre [alors que] tous les pays membres de l’OCDE ont refusé de reconnaître l’annexion illégale de Jérusalem-Est par Israël
Que dire de l’état du droit international quand des organisations comme l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) se trouvent incapables d’empêcher un pays membre de mêler ses pratiques illicites à la vie de l’organisation elle-même ? Dans de telles situations, comment les pays membres, respectueux du droit, peuvent-ils éviter de se laisser aller à l’accepter ?
A la fin de ce mois, ces questions vont trouver leurs réponses, quand Israël recevra la réunion de l’OCDE, dans Jérusalem, pour discuter du tourisme mondial.
L’OCDE est une organisation économique internationale composée de 33 pays avec, récemment, le rajout controversé d’Israël à ce club. L’OCDE explique que sa mission est de fournir « un cadre dans lequel les gouvernements peuvent comparer leurs expériences politiques, rechercher des solutions à leurs problèmes communs, identifier les bonnes pratiques et coordonner des politiques nationales et internationales. » Au minimum, on peut s’attendre à ce que la coordination de ces « politiques internationales » se tienne à l’intérieur des limites du droit international.
A l’invitation d’Israël, la 86è session du Comité du Tourisme de l’OCDE se tiendra dans Jérusalem, les 20 et 21 octobre, pour discuter du soutien à cette industrie du tourisme, viable et concurrentielle, au profit des économies des pays membres. A cette session sont attendus des membres de premier plan des gouvernements des pays de l’OCDE et des principales économies émergentes. C’est la deuxième fois seulement que la réunion se tient ailleurs qu’à Paris.
Israël se comportera à la fois comme l’hôte et comme membre de l’OCDE, mais un membre qui se fonde sur l’extension unilatérale et illégale de la compétence de son propre ministère du Tourisme, y incluant Jérusalem-Est et le plateau du Golan occupés, ainsi que les sites touristiques et affairistes de ces territoires de la Cisjordanie qu’il réserve aux colonies israéliennes.
Le site web du ministère du Tourisme d’Israël liste les sites touristiques des territoires occupés, tels que le Dôme du Rocher et l’église du Saint-Sépulcre, en tant que sites israéliens. Les sites web du ministère attirent également l’attention sur les services touristiques existant dans les colonies, autorisés et aidés financièrement par le ministère. On peut voir des cartes représentant l’ensemble du territoire de la Palestine historique à l’ouest du Jourdain, avec le Golan syrien par exemple, comme faisant partie d’Israël et tombant sous la responsabilité nationale d’Israël pour le tourisme et le patrimoine culturel.
Malgré les efforts de l’OCDE qui s’y opposait, des photographies de ces sites touristiques des territoires occupés ont été incorporées sur un site web qu’Israël a créé sous la tutelle de l’OCDE [1].
Le mois dernier, la campagne pour le Droit d’entrée – campagne populaire pour la liberté de déplacements vers, depuis, et à l’intérieur des territoires palestiniens occupés, à laquelle nous participons – a écrit à chaque membre de l’OCDE pour lui expliquer la situation et le mal qui serait fait s’ils autorisaient qu’une telle tradition de violations du droit par Israël se pratique sous l’égide de l’OCDE, et s’ils cédaient devant l’insistance d’Israël à baser sa participation à l’OCDE sur des actions illégales d’annexion et de colonisation des territoires occupés.
Tous les pays membres de l’OCDE ont refusé de reconnaître l’annexion illégale de Jérusalem-Est par Israël, et ils insistent, par conséquent, sur le fait que leurs ambassades sont à Tel Aviv et non dans la capitale « unifiée » autoproclamée d’Israël. Ils ne veulent ainsi probablement pas être entraînés dans des actes ou des omissions qui conduiraient à penser que la pratique israélienne découlant de ces annexions et colonisations, qu’ils condamnent car contraires au droit international, serait considérée comme légitimée sous le patronage de l’OCDE.
Il reste à voir comment ils vont réussir à éviter de tels faux pas. Il n’est guère encourageant de constater que durant la dernière ligne droite avant la réunion sur le tourisme, des pages web portant l’emblème de l’OCDE continuent d’annoncer les sites touristiques et de patrimoine culturel, dans les territoires palestiniens occupés, comme étant des lieux israéliens.
Il est difficile de ne pas voir qu’en réalité, Israël a été autorisé à assumer ses obligations et à conduire sa participation aux activités à l’OCDE à partir de sa propre politique de colonisation et d’annexion, nonobstant le devoir de l’OCDE et de ses pays membres de ne pas reconnaître ces pratiques israéliennes comme légales, ni de leur donner effet au sein de l’OCDE.
Les pays dont la participation est prévue : Espagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Chili, République tchèque, Danemark, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Islande, Irlande, Italie, Japon, Luxembourg, Mexique, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Norvège, Pologne, Portugal, Slovaquie, Slovénie, Corée du Sud, Suède, Suisse, Turquie et Etats-Unis [2].
Pour ces pays qui vont décider de leur participation, ça va se nicher dans les détails. La compétence de leur délégué à identifier et à empêcher l’intrusion des violations israéliennes du droit international au sein de la conférence et de son environnement va être mise à rude épreuve.
Cela n’aurait aucun sens pour les dirigeants du monde de se laisser entraîner progressivement à approuver les violations graves et constantes israéliennes du droit international, tout en continuant d’exiger que les Palestiniens respectent et placent leur confiance dans ce même droit international, après 62 ans de dépossession et 43 ans d’occupation militaire.
Pourtant, Israël est devenu un violateur coutumier, et hautement compétent pour attirer à lui les autres Etats. Si on ne peut compter sur l’OCDE et ses pays membres pour résister efficacement à cette influence, alors sur qui faudra-t-il compter pour tenir la ligne ? Qui restera pour défendre les fondements normatifs d’un ordre mondial, juste et pacifique, à la promotion duquel les Etats et les organisations internationales, telle que l’OCDE, proclament régulièrement leur détermination ?
Sam Bahour est consultant indépendant en entreprise et membre de Board of Trustees, à l’université de Birzeit (Cisjordanie). Il est également directeur de la Banque arabe islamique et de la fondation communautaire, l’Association Dalia.
Charles Shamas est un partenaire averti du groupe Mattin. Son travail en matière des droits humains s’est spécialisé dans les problèmes du droit international humanitaire et le renforcement des droits humains, et dans la responsabilité des Etats.
publié par Electronic Intifada
traduction : JPP pour l’AFPS
ajout de notes, intro et choix de photo de Une : CL, Afps