mardi 19 octobre 2010

Adieu Palestine...

publié le lundi 18 octobre 2010
Roula Khalaf et Tobias Buck. F.T. et J.A.*

 
OPINION :
La politique israélienne du fait accompli, notamment en matière de colonisation, rend désormais impossible la création d’un État palestinien viable.
Cela fait maintenant plus de soixante ans que la recherche infructueuse d’une paix israélo-arabe mine la stabilité du Moyen-Orient, sous l’œil aussi atterré qu’impuissant de la communauté internationale.
Aujourd’hui, le président des États-Unis, Barack Obama, s’est courageusement saisi du dossier en relançant, au début de septembre, à Washington, un nouveau cycle de pourparlers entre le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, et le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Ci-dessous, les cinq points du « statut final » qui devront être résolus si l’on veut parvenir à la création d’un État palestinien.
Le caractère ultrasensible de ces questions, l’histoire chaotique du processus de paix et la dure réalité du terrain – comme la construction de colonies juives en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, et la barrière de sécurité érigée par l’État hébreu – sont pour nombre d’observateurs autant de motifs de découragement.
Les négociations antérieures avaient conduit à l’émergence d’un consensus – qui va grandissant – au sein de la communauté internationale sur les contours d’un accord de paix « acceptable »  : création d’un État palestinien suivant des frontières proches de la ligne verte de 1967, avec des ajustements résultant de l’annexion par Israël de blocs de colonies et compensés par des échanges de terres, et résolution du problème des réfugiés à travers un mécanisme de dédommagements plutôt que sur la base du droit au retour. Pour le moment, le gouvernement israélien de droite et une direction palestinienne divisée ne semblent pas près d’approuver un tel accord.
La confiance entre Israéliens et Palestiniens s’érode un peu plus à chaque nouvelle vague de violence, tandis que, comme le montrent les cartes de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, la croissance des colonies juives semble avoir ruiné toute chance de créer un État palestinien viable et doté d’une contiguïté territoriale.
Frontières. Les Palestiniens veulent créer un État indépendant en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, avec Jérusalem-Est pour capitale. Cela suppose un retrait d’Israël derrière les frontières de 1967.
La droite israélienne, pour qui l’ensemble des territoires s’étendant de la Méditerranée au Jourdain sont juifs, rejette un tel retrait. Même les Israéliens modérés veulent modifier les frontières de 1967 de manière à englober dans l’État hébreu quelques-unes des colonies qui ont proliféré en Cisjordanie au cours des quarante dernières années. Mais aussi pour conserver le contrôle de zones considérées comme stratégiques, car elles surplombent des centres de population juive.
Les Palestiniens ont accepté l’idée d’une légère modification du tracé de 1967, mais ils réclament en compensation un surcroît de terres équivalent – par exemple l’extension de la surpeuplée bande de Gaza.
Les négociateurs les plus chevronnés sont enclins à considérer la question des frontières comme la plus facile à résoudre. C’est pourquoi elle figure souvent au cœur des discussions lors des premières étapes des négociations de paix.
Sécurité. Israël n’acceptera la création d’un État palestinien que s’il obtient l’assurance que celui-ci ne représentera pas une menace pour sa sécurité. Le risque de voir la Cisjordanie passer sous le contrôle du Hamas préoccupe tout particulièrement l’État hébreu.
Après le retrait israélien de la bande de Gaza [et une tentative de putsch du Fatah], le mouvement islamiste a pris le contrôle de ce territoire, d’où il lancera des attaques à la roquette contre des villes israéliennes voisines. Pour éviter que ne se reproduise ce scénario en Cisjordanie et pour prévenir le trafic d’armes, Israël veut conserver le contrôle de la frontière avec la Jordanie. Tel-Aviv exige également que l’État palestinien soit démilitarisé, que son espace aérien soit sous son contrôle et que les leaders palestiniens s’interdisent de nouer des alliances avec ses ennemis.
Pour les Palestiniens, des contraintes aussi draconiennes vont à l’encontre de l’idée même d’un État souverain et indépendant. Certains diplomates estiment que l’installation d’une force internationale au sein du futur État palestinien pourrait être le meilleur moyen de répondre aux préoccupations israéliennes.
Jérusalem. Les forces israéliennes se sont emparées de Jérusalem-Est lors de la guerre israélo-arabe de 1967, mettant un terme à près de vingt ans de souveraineté jordanienne sur les quartiers arabes, y compris la Vieille Ville. Contrairement au reste de la Cisjordanie occupée la même année, Jérusalem-Est a été officiellement annexée par l’État hébreu. Revendiquée par les Palestiniens comme la capitale de leur futur État, Jérusalem-Est est considérée par les Israéliens comme faisant partie intégrante de leur propre capitale.
Le passage des quartiers arabes sous contrôle palestinien et celui des quartiers juifs sous contrôle israélien auraient pu constituer un compromis. Mais la construction d’implantations juives dans Jérusalem-Est, où résident désormais 200 000 colons, a singulièrement compliqué la situation, rendant virtuellement impossible une partition nette de la ville.
Autre site sensible, la Vieille Ville, qui abrite des lieux saints tout autant vénérés par les juifs, les musulmans et les chrétiens. Une souveraineté partagée ou une tutelle internationale ont été mises à l’étude, mais, pour les « durs » des deux bords, de telles solutions sont inconcevables.
Réfugiés. Plus de 700 000 Palestiniens expulsés de leurs foyers ou ayant fui l’avancée israélienne durant la guerre de 1948 se sont dispersés dans des camps de réfugiés – en Jordanie, au Liban, en Syrie, en Cisjordanie et à Gaza –, où une agence de l’ONU continue de leur fournir le minimum vital en matière d’éducation, de santé et de soutien financier.
Le nombre de réfugiés, toutes générations confondues, est estimé aujourd’hui à 4,8 millions, dont 1,4 million vivent encore dans des camps.
Les dirigeants palestiniens ont longtemps réclamé la reconnaissance du principe du droit au retour des réfugiés et de leurs descendants dans leurs anciens foyers, dans l’actuel Israël, comme l’un des volets d’un accord de paix. Une telle demande a été jugée inacceptable par les Israéliens car elle remettrait en question le caractère juif de l’État hébreu et saperait sa légitimité. Lors de négociations antérieures, un accord avait été trouvé prévoyant le retour d’un nombre symbolique de réfugiés et le versement de compensations aux autres.
Colonies. Environ 500 000 colons juifs vivent en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est. Leur présence et la croissance continue de leurs implantations constituent, aux yeux de la communauté internationale, l’un des principaux obstacles à la signature d’un accord de paix.
La mise en place d’un État palestinien viable suppose le démantèlement d’un grand nombre de ces colonies, une décision politique difficile à prendre pour n’importe quel gouvernement israélien et qui, d’aucuns le redoutent, pourrait plonger le pays dans une crise grave.
Les diplomates distinguent trois types de colonies  : celles de Jérusalem-Est, celles qui sont proches des frontières de 1967 et celles qui sont très avancées à l’intérieur de la Cisjordanie. Cette dernière catégorie est celle qui pose le plus de problèmes, car ces implantations éloignées rendent impossible la contiguïté territoriale palestinienne et abritent les colons les plus radicaux.
* Financial Times et Jeune Afrique