jeudi 28 octobre 2010

À l’intérieur des ghettos de Lod

Palestine Monitor
publié le mercredi 27 octobre 2010.
http://www.palestinemonitor.org/spi...
Traduction M.C.
24 octobre 2010
Lod est la première ville que voient la plupart des gens qui visitent Israël quand ils sortent de l’aéroport Ben Gurion International. Ce qu’ils ne voient pas, c’est le nettoyage ethnique discret qui y est en cours, les mesures discriminatoires approuvées par l’état qui sont en train de détruire les conditions de vie de la population arabe de la ville. Le nouveau serment d’allégeance étant sur le point d’approfondir la fracture, Sophie Crowe s’est rendue dans des communautés auxquelles on rappelle déjà quotidiennement leur statut de seconde classe.
"Les Arabes ne sont pas du tout en sécurité ici", dit Omar Azbarka, président d’une organisation arabe de jeunes au Collège Sapir de Lod, dans un quartier totalement ségrégué de la population juive. Gabi, un habitant de Lod qui travaille pour l’Office des citoyens arabes et le parti arabe Tajamoa à la Knesset, estime que sa famille ne vit pas dans la sécurité à Lod.
On a laissé la délinquance se développer dans les quartiers arabes sans que la police s’en mêle. Le premier ministre Benjamin Netanyahu est venu à Lod la semaine dernière et a affirmé qu’il voulait y désarmer les gangs, mais ce genre de déclaration est rarement suivi d’actes. Les autorités israéliennes se sont fait un plaisir de laisser les communautés se détériorer en marge.
Dans le cadre d’une politique de confinement, on refuse aux Arabes le permis de construire sur leurs propres terres, et, si la police décide qu’elles sont illégales, on détruit systématiquement leurs maisons. Al-Mahata a essentiellement été une banlieue bédouine de Lod jusqu’à ce que l’état déclare que les maisons étaient vétustes et devaient être démolies. Ce quartier a été ensuite transformé en appartements neufs et attribué à des Juifs. Les habitants bédouins ont reçu un peu d’argent et ont été transférés vers le quartier délabré de Nevej Shalom. Le gouvernement local a entouré leurs propriétés de gros rochers pour être sûr qu’ils ne puissent pas agrandir et construire davantage de maisons.
Transférer les Arabes loin de chez eux et loin des zones juives fait partie du projet de judaïsation des autorités, pour lesquelles la minorité arabe est un obstacle. La présence de communautés arabes dissuadant beaucoup de Juifs de venir s’y installer, l’état a décidé de mesures pour les inciter à migrer vers Lod, dans des logements neufs et bon marché. Un mur de séparation de trois mètres de haut a été construit pour assurer la ségrégation des habitants arabes de Shanir, autre ghetto arabe, par rapport à la ville juive voisine. Des organisations comme le Fonds National Juif et l’Agence Juive, dont le but est de s’approprier et d’aménager des terres en Israël au profit des seuls Juifs, participent officiellement un rôle à l’urbanisme et à l’aménagement israéliens. Leur position n’est rien d’autre que de la discrimination approuvée par l’état.
On peut constater les effets de leur politique à Al Sikkeh, banlieue arabe qui est l’un des ghettos de Lod les plus déshérités et négligés. Al Sikkeh se voit refuser les services municipaux les plus élémentaires comme la collecte des ordures, l’électricité et l’éclairage urbain. Les eaux usées s’y écoulent dans les rues, à ciel ouvert.
Les quartiers Juifs voisins sont neufs et confortables : les routes sont bordées d’arbres, les habitants ont droit à de bonnes écoles et à des centres communautaires. Les Arabes ne sont pas autorisés par la municipalité à acheter des appartements dans ces quartiers. Quand le frère de Gabi a voulu emménager dans l’un de ces quartiers, il lui a fallu aller en justice à Jérusalem. Une fois gagné le droit d’y vivre, il a eu sa maison caillassée par ses voisins juifs. Gabi a le sentiment que "la discrimination ethnique exacerbe les souffrances arabes" au moyen de la politique de l’état envers les minorités.
Maha El Nakib Shaqledy travaille pour un parti arabe de la Knesset et participe à la vie militante de Lod. Elle affirme que, de peur de perdre leurs clients juifs, les hommes d’affaires et les commerçants ne peuvent pas manifester leur désapprobation quand il y a des périodes de tension entre Israël et les Palestiniens des Territoires Occupés comme l’attaque sur la bande de Gaza en 2009. Il est rare que les Juifs embauchent des Arabes, et il est difficile pour les Arabes d’acheter des propriétés où installer un(e) entreprise/commerce, ce qui réduit leurs chances de [développement] économique. Maha affirme que la municipalité opprime activement les Arabes en faisant tout pour les écraser par des méthodes économiques et sociales. L’état a déplacé le centre financier de Lod, qui était dans un quartier arabe, le laissant ainsi pratiquement sans aucun service.
Buthaina travaille pour Shatil, groupe de défense des droits des minorités. "Lod est un microcosme de la situation des Arabes en Israël", dit-elle. Officiellement, les Arabes israéliens sont citoyens à part entière, même si dans la pratique, ils sont objets de discrimination aussi bien au niveau de l’état que de la société. Quand les Arabes protestent auprès de la municipalité, on leur assène qu’étant donné que la plupart des maisons arabes est considérée comme illégale, "ils ne peuvent prétendre aux services municipaux".. Les partis arabes de la Knesset essaient d’aider à améliorer la situation des Arabes de Lod et d’ailleurs en intensifiant [leur campagne de] sensibilisation, mais en fin de compte, dit Buthaina, ils n’ont pas de pouvoir dans "une Knesset fasciste".
Tout en haut, on promulgue des lois qui tiennent à genoux les communautés comme celle de Lod. Il doit sembler amèrement ironique aux Arabes israéliens qu’alors même qu’on leur demande de prêter allégeance à l’état, celui-ci les pousse de force dans le caniveau.
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