L’Egypte, accusée d’habitude de subir des pressions pour convaincre les Palestiniens de négocier, est celle qui, cette fois-ci en particulier, fait pression pour la sécurité de la région et sa propre sécurité.
A chaque fois que la question palestinienne, et surtout en ce qui concerne les négociations, est soulevée, tous les regards se dirigent vers l’Egypte. Une série de questions vient alors s’imposer sur la scène s’interrogeant sur le rôle qu’elle joue : qu’a fait l’Egypte ? Que peut-elle faire pour sauver la Palestine ? Agit-elle sous pression ou pas ? Dans certains cas, nombreux se portent volontaires pour dire que l’Egypte n’a rien fait et pour d’autres, Le Caire est l’axe principal de ces négociations. Mais de toute manière, personne ne peut nier que l’Egypte a longtemps été l’escale obligée pour toute initiative visant à trouver une solution au conflit qui oppose Israéliens et Palestiniens.
Et voilà que de nouveau, et avec la relance des négociations directes organisée sous l’égide de Barack Obama, que le rôle égyptien réapparaît sur la scène politique. Les efforts égyptiens ne sont pas moins important que ceux des autres. En effet, l’Egypte déploie depuis des mois des efforts intenses pour inciter Israéliens et Palestiniens à se retrouver de nouveau sur la table des négociations. C’est d’ailleurs sur quoi a insisté Soliman Awad, porte-parole de la présidence égyptienne, en affirmant que l’Egypte s’est intéressée depuis plusieurs mois à préparer le terrain pour la reprise des négociations directes. En effet, non pas seulement le président égyptien Hosni Moubarak avait rencontré Netanyahu à de nombreuses reprises avant cette réunion en guise de préparation à ce premier sommet. Mais le président Moubarak a fait aussi escale à Paris en route pour les Etats-Unis avant d’aller participer à la reprise des discussions de paix entre Abou-Mazen et Netanyahu à Washington. Objectif : examiner avec Nicolas Sarkozy ces négociations avec la volonté de faire inclure la France et l’UE (Union Européenne) au processus. « Je souhaite que toutes les parties puissent saisir cette occasion alors que nous sommes à un tournant important », avait déclaré le président Moubarak lors de cette rencontre.
La mission égyptienne est donc bien précise. Le président Moubarak a appelé le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, à tenir son engagement de paix, affirmant que les Israéliens doivent saisir « la chance » qui se présente et arrêter la colonisation des territoires palestiniens. Le chef d’Etat égyptien a aussi affirmé, lors d’un discours à la Maison Blanche, qu’il souhaitait que le premier ministre concrétise ses déclarations en faveur d’une « paix longtemps attendue » par les Israéliens. Il a aussi dit qu’Israël « devrait totalement arrêter toute activité de colonisation, jusqu’à ce que le processus de paix parvienne à sa conclusion ». S’exprimant aux côtés de Netanyahu, du président américain Barack Obama, du roi Abdallah II de Jordanie et du président palestinien Mahmoud Abbass, Moubarak a aussi appelé les Israéliens à « saisir la chance de paix » et à ne « pas la laisser filer entre vos doigts ».
Pression ou pas ?
Pour le politologue Saïd Okacha, l’Egypte est un pays qui a des relations profondes avec tous ces pays et a signé un accord de paix avec Israël pour garantir la paix dans la région. « Même si la chance de réussite de ces négociations est très faible, il faut qu’on les soutienne. Car une solution alternative pourra menacer la cause palestinienne ainsi que la sécurité de l’Egypte », explique le politologue.
Sans aucun doute, c’est uniquement dans l’intérêt des Palestiniens et de la sécurité dans la région que l’Egypte agit. Moubarak a même évoqué quelques conditions fondamentales qui garantiraient le succès de ces négociations. Notamment, il a évoqué la nécessité du gel complet de la colonisation juive en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. « Un gel complet de la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est est crucial pour le succès des négociations, à commencer par la prorogation du moratoire d’Israël sur la construction (...) qui expire ce mois », avait-il affirmé. Il a aussi par ailleurs rappelé l’importance d’une réconciliation interpalestinienne : le Fatah et le Hamas qui sont à couteaux tirés depuis la prise de pouvoir par la force de la bande de Gaza par ce dernier mouvement, en juin 2007. « Les Palestiniens ne peuvent pas parvenir à la paix si leur propre maison est divisée. Si Gaza est exclue d’un accord de paix, elle restera une source de conflit », a-t-il averti. Peut-on encore parler de pressions ? Sûrement pas. Ce n’est pas question de pression subie, bien au contraire, cette fois-ci c’est l’Egypte qui fait pression. Si dans un certain temps l’Egypte a été accusée d’agir dans cette affaire sous pression américaine, les rôles se sont aujourd’hui échangés. C’est l’Egypte qui fait pression. En effet, le président Moubarak a pressé son homologue américain, Barack Obama, pour intervenir directement dans le dialogue qui se reprend entre Israéliens et Palestiniens, a rapporté Soliman Awad, qui affirme que le message principal de Moubarak à la Maison Blanche était « que les Etats-Unis interviennent, demeurent concentrés et engagés et tendent la main aux deux parties pour aider à rapprocher les positions et résoudre les désaccords ».
Le porte-parole a rappelé le rôle éminent de l’ancien président Jimmy Carter pour conclure la paix entre Israël et l’Egypte en 1978, aboutissant aux accords de Camp David. « Le président Moubarak a dit au président Obama », a-t-il dit, « que si (le président égyptien) Sadate et (le premier ministre israélien) Menahem Begin avaient été laissés seuls à Camp David, ils n’auraient jamais atteint un accord de paix ». « Cette fois encore, les deux parties ne doivent pas être laissées seules, autrement il y aura de grands obstacles », a-t-il poursuivi.
Des tentatives de réconciliation qui se suivent, l’une après l’autre, afin de parvenir à un résultat positif qui pourra aider les Palestiniens.
Pour Okacha, il est normal qu’avec toutes les tentatives de négociations qui ont échoué, l’opinion publique éprouve un certain pessimisme et une sorte de perte de confiance. « Les gens s’ennuient puisque les rencontres ne réalisent pas grand-chose, c’est justement d’ici que les accusations viennent se jeter sur les épaules de l’Egypte qui joue le rôle de médiation dans cette affaire. Puisque les négociations ne mènent à rien c’est que l’Egypte a échoué », explique le politologue.
L’Egypte est tout à fait consciente qu’elle ne possède pas de baguette magique pour résoudre les problèmes. Cependant, elle possède une volonté sérieuse d’instaurer la paix dans la région. L’essentiel est que toutes les parties soient prêtes à accepter une paix réelle. Un grand effort se présente dans cette reprise de négociations directes. Jusque-là, un programme de négociation a été établi. La prochaine rencontre entre les deux hommes doit se tenir les 14 et 15 septembre à Charm Al-Cheikh en Egypte. Ils doivent ensuite se retrouver tous les 15 jours. Cela dit, toute la présence égyptienne tout au long de l’itinéraire des négociations israélo-palestiniennes ne fait que confirmer une nouvelle fois que le rôle égyptien ne peut en aucun cas être considéré comme un simple rôle intermédiaire. Le rôle égyptien est principal et indispensable.
Chaimaa Abdel-Hamid