Les colonies, principal obstacle à la paix, font partie de tout un système de pensée qui est le véritable mythe fondateur d’Israël.
Le grand test sera le 26 septembre, celui de la fin du moratoire accordé pour le gel des colonies. En fait, si la colonisation est le principal obstacle à un règlement, cela est inhérent à la nature même d’Israël et à son idéologie sioniste fondée sur la colonisation. L’historien Bernard Ravenel rappelle par exemple que le mouvement sioniste, lors de son installation en Palestine, s’accompagne d’un processus de colonisation de peuplement. En même temps, l’influence grandissante du courant sioniste ouvrier — qui deviendra majoritaire dans le mouvement sioniste au début des années 1930 — va donner à cette colonisation un caractère très particulier fondé sur un rejet des autochtones, les ayants droit, ce qui se poursuit jusqu’à présent. L’historien, dans son article qui date de 2005, précise ainsi « qu’il s’agit donc de créer non seulement un Etat juif mais surtout une société purement juive disposant notamment de sa propre base ouvrière. Par là, la colonisation sioniste diffère radicalement du schéma colonial classique. Il n’est plus question d’exploiter les indigènes mais bien de les remplacer. Distinction fondamentale en effet, mais non au point d’ôter au sionisme son caractère colonial ». Il s’agit essentiellement de spolier les Arabes. Ce qui est pire. Ainsi, les analystes relèvent que l’élargissement des implantations juives sera donc une priorité stratégique d’Israël jusqu’à aujourd’hui. De plus, le sionisme religieux de l’après-1967 devient plus puissant, plus militant, plus à droite. Il passe en 1977 d’une alliance avec les Travaillistes à une alliance avec le Likoud. Quel que soit le courant, l’idée de rendre la terre d’Israël aux Arabes passe mal dans la population, que ce soit de gauche ou de droite. Et une fois la gauche au gouvernement, elle a créé des implantations juives dans les territoires occupés dès 1968. Après 1977 et son arrivée au pouvoir, la droite se lance dans un programme beaucoup plus ambitieux : 50 000 colons en 1987, avant la première Intifada, 100 000 colons en 1993, avant les accords d’Oslo, 200 000 colons en 2000, avant la seconde Intifada, 245 000 fin 2005. Les zones fortement peuplées de Palestiniens sont également visées, pas seulement les zones vides. Les terres palestiniennes sont largement confisquées, pour construire des colonies, des routes, des postes militaires, ou simplement pour éviter les constructions arabes.
Cette idée de rejeter l’autre est donc courante. Un des derniers exemples vient de Jérusalem-est : des vigiles armés rétribués par le ministère israélien de l’Intérieur agissent à l’instar d’une milice privée des colons juifs qui a de plus en plus recours à la force et à la violence contre les Palestiniens. « Ceux portant plainte contre les colons juifs se retrouvent en position de suspects et arrêtés, et les dossiers sur des actes de violence perpétrés par des juifs sont clos, faute de preuves ».
Le rapport élaboré par une organisation israélienne des droits de l’homme fait également état d’interrogatoires par la police de mineurs palestiniens, « parfois âgés de moins de 12 ans », et de la présence de caméras de surveillance dirigées vers l’intérieur des maisons privées dans les quartiers arabes de Jérusalem-Est. De quoi confirmer cet esprit qui, comme le souligne Saïd Okacha, du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, est lié à une question de culture et de conviction juives. Un obstacle pas très facile à lever.
Ahmed Loutfi