Publié le 17-09-2010
Lire sa lettre ci-dessous.
"Suivant un projet colonial
Pour quelqu’un qui a travaillé durant quelque trente années en tant qu’enseignant et chercheur dans le domaine des études coloniales – sur la comparaison de situations coloniale, les histoires coloniales et les formes violentes et subtiles de gouvernement sur lesquelles s‘appuient les régimes coloniaux, il serait difficile de ne pas décrire comme colonialiste l’état israélien.
Il serait difficile de ne pas reconnaître les faits suivants comme une décimation conduite selon un projet colonial concerté et focalisé : la spoliation passée et présente de terres palestiniennes par Israël, le caractère raciste de tous les aspects de la vie quotidienne et la démolition morceau par morceau mais à grande échelle de maisons palestiniennes, la destruction des moyens d’existence, ainsi que les efforts pour détruire le tissu social et familial.
Ce sont là les pratiques bien affûtées des régimes que définit le colonialisme et qui ont fleuri tout à travers le monde impérial. Comme c’est le cas avec d’autres régimes coloniaux, l’état israélien décrète et redessine les frontières géographiques, suspend les droits civils des Palestiniens et transgresse arbitrairement ce qui, quand il s’agit d’Israéliens, est reconnu comme espace protégé et privé.
Israël est un cas particulier mais non unique. Ses techniques d’occupation sont basées sur l’utilisation abusive du système légal du droit israélien. Ce sont les pratiques d’un état colonial engagé dans le remplacement et le déplacement d’une population palestinienne, et résolu à sa propre expansion. Cette expansion est constante, à la fois subreptice et patente jour après jour : pièce par pièce dans la vieille ville de Jérusalem, maison par maison dans l’élargissement de communautés de colons, mètre par mètre lorsque l’emplacement du mur érigé au nom de la « sécurité » tranche dans le vif à travers les habitations et les champs et divise des voisinages, tandis qu’il viole toujours davantage des territoires légalement reconnus comme palestiniens. L’objectif est à la fois une confiscation de l’histoire et une confiscation des possibilités futures de ceux qui aujourd’hui voient leur literie jetée dans la rue au milieu de la nuit par des colons israéliens.
Si, comme le dit Hannah Arendt, la démocratie se définit par « le droit d’avoir des droits » pour une population entière dans le cadre de la juridiction d’un état, l’état israélien ne peut pas être considéré comme démocratique. Et une démocratie ne peut pas davantage être fondée sur le principe de l’expulsion et sur la création d’une population diasporique brutalement dépossédée de sa terre, de ses biens et de sa citoyenneté – un principe dont Israël s’est avidement saisi depuis 1948.
Pour ces raisons, je confirme mon soutien au boycott international BDS de ces institutions israéliennes qui, de manière active ou passive, acceptent un statu quo qui absout et étend l’occupation, qui viole le droit international, renforce le contrôle militaire et dénie aux Palestiniens de droit à l’auto-détermination."
Ann Laura Stoler
Professeur des Universités en Anthropologie et Etudes Historiques - Nouvel Institut de recherches sociologiques de New York
Traduit de l’anglais par Anne-Marie Perrin pour CAPJPO-EuroPalestine
CAPJPO-EuroPalestine