José Goulão - Esquerda.net
Les ainsi nommés pourparlers directs pour la paix sont à la fois une opération de propagande d’Obama, une victoire du gouvernement israélien, et une capitulation de Mahmoud Abbas et du Fatah, écrit José Goulão.
Scène de checkpoint en Palestine occupée... L’avenir tel qu’il est tracé par Netanyahu et Obama
La nouvelle initiative de l’administration Obama pour le Moyen-Orient n’est pour l’instant guère capable de soulever une grande euphorie pour ce qui est de résoudre la question israélo-palestinienne. Il s’agit plus d’une initiative motivée par les nécessités particulières de la Maison Blanche, avec entre autres la volonté d’étouffer un échec diplomatique du Département d’État [...]. « C’est une opération de propagande d’Obama, une victoire de la ligne du gouvernement israélien et une capitulation du Fatah d’Abou Mazen, contre l’avis non seulement du mouvement Hamas mais contre celui de toutes les organisations historiques de la résistance palestinienne », estime l’eurodéputé Michael Portas [Bloc de gauche].
Barack Obama a invité le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le président de l’Autorité palestinienne [de Ramallah], Mahmmud Abbas [Abou Mazen] à se réunir face à face le 2 Septembre, sans conditions préalables, afin de rétablir un dialogue direct devant mener à la création d’un Etat palestinien indépendant et à la garantie de la sécurité d’Israël.
La proposition correspond à une ligne constante de la diplomatie américaine, mais c’est également une fuite en avant - c’est-à-dire un nouveau tour de négociations sans aucune garantie de soutien ni date limite pour un aboutissement.
Comme on le sait, des négociations indirectes étaient en cours avec comme médiateur le Département d’État, l’objectif étant de rouvrir les portes pour des négociations directes. Pour ce faire il faudrait que les parties s’entendent sur les questions essentielles telles que la délimitation des frontières entre deux États tout en gelant la colonisation israélienne des territoires palestiniens.
Les quatre mois prévus pour les « [négociations] indirectes » se sont conclus sur l’échec attendu. Entre temps, le [soit-disant] moratoire sur les colonies déclaré unilatéralement par Israël arrive à terme et il n’existe aucune indication qu’il soit reconduit. Le fait que des négociations directes commenceraient « sans conditions » est une façon de dire à Israël qu’il est dispensé de se soucier en particulier de cette question puisqu’elle a le même poids que toutes les autres.
Si le gouvernement israélien continue à autoriser la construction et l’expansion des colonies - activité illégale - en Cisjordanie et à Jérusalem-Est - et rien ne l’empêche de le faire dans le cadre de la poursuite des négociations - il restera de moins en moins de terres pour un futur Etat palestinien. Le cadre diplomatique court le risque de rester amarré à un débat sur un objectif qui graduellement s’estompe.
Ainsi Benjamin Netanyahu sort doublement vainqueur de cette phase. Il a vaincu Obama à la fin d’un bras de fer où celui-ci semblait pourtant avoir l’avantage, et il aura en face de lui un président palestinien totalement vulnérable et sans alternative à une stratégie condamnée d’avance par son faible pouvoir de négociation.
Barack Obama, obligé à cause du calendrier établi par les Etats-Unis d’annoncer une initiative en ce moment même, a choisi la version commode, qui permet de gagner du temps. « C’est une opération de propagande d’Obama en temps voulu, car il a des difficultés en Irak et en Afghanistan », observe Miguel Portas. « Il gagne du temps parce que chacun sait comment les choses vont se passer s’il n’y a aucune garantie de savoir comment et quand il sera finalement tenu compte des antécédents historiques », ajoute le député européen, « et en quelque sorte », note-t-il , « cela pourrait contribuer à diminuer la pression sur le Liban. »
Comme la mémoire des médias qui font l’opinion est quasi nulle, il ne sera pas relevé que entre les promesses d’Obama avant les négociations indirectes et l’initiative d’aujourd’hui, il y a un véritable abîme. Après la visite du vice-président Joe Biden en Palestine et en Israël, les États-Unis se sont impliqués dans une médiation pour des négociations indirectes, promettant que si celles-ci n’aboutissaient au bout de quatre mois, Washington présenterait sa propre solution au problème israélo-palestinien et convoquerait une conférence internationale sur le sujet à l’automne.
Rien de tout cela ne semble être envisagé dans l’initiative actuelle de la Maison Blanche, laquelle est accompagnée d’une prétention ridicule à ressusciter un Quartette [Etats-Unis, Russie, Union Européenne, Nations Unies] mort-né.
Ce qui s’annonce est une banale réunion de discussion comme tant d’autres auxquelles Netanyahu a déjà participé au cours des 13 dernières années sans que jamais rien de concret ne sorte de ce « négocier pour négocier » - une sorte de devise dans la tête du chef du gouvernement israélien. Les images de nouvelles poignées de mains vont courir le monde, condamnées à être de plus en plus regardées avec une totale indifférence.
Dans sa position actuelle, Mahmoud Abbas pourra-t-il résister à la capitulation ?
Il pourrait, en fait, dans un cadre qui contribuerait à relancer l’unité palestinienne, non seulement trouver un accord avec le mouvement Hamas, mais aussi restaurer le travail en commun avec les principaux courants de la société. Mais ce qui restera dans l’histoire, c’est qu’il a adhéré à une initiative américaine accueillie chaleureusement par le gouvernement de droite d’Israël, mais contre l’avis de toute la résistance palestinienne. « Tout récemment, non seulement le Hamas mais tous les groupes palestiniens historiques de l’OLP ont rejeté à Damas l’adhésion à une initiative américaine de ce genre », rappelle Miguel Portas.
Mahmoud Abbas était effectivement coincé. Toute la pression des États-Unis et ses principaux alliés a été exercée de façon à placer l[’ex] président palestinien en situation d’être vu comme le responsable de l’échec d’une initiative que toutes les parties acceptaient et qu’il aurait été le seul à rejeter. Les Palestiniens paieraient alors le prix de ce rejet. C’est une grossière déformation de la réalité sur le terrain, mais c’est comme ça que les choses fonctionnent dans l’ordre international établi.
Abbas ne veut pas assumer cette responsabilité dans le cadre national palestinien ; il s’est isolé au sein de l’ensemble du spectre politique de sa nation ; il a tué les chances d’un accord avec le Hamas dans un avenir immédiat, et il a sombré dans une collaboration avec Washington et Tel Aviv. C’est la voie qu’il a choisie, celle présumée pour conduire à Etat palestinien, comme cela avait été promis par les États-Unis et Israël.
Peut-on vraiment imaginer que les États-Unis et la droite israélienne vont maintenant offrir à un président palestinien isolé, sans aucun pouvoir de négociation et dont le mandat démocratique a expiré, l’Etat dont ils ont par tous les moyens empêché la création au cours des six dernières décennies ?
* José Goulão est député du Bloc de Gauche (Portugal) au parlement européen.