Par Jesse Baron
Cette allée est étroite et sombre. A des dizaines de mètres au-dessus de nous, on entend des coups de feu et des explosions. Un hélicoptère est en vol stationnaire au-dessus de nous, projetant des rayons de lumière sur les ruelles où la municipalité n'a jamais pensé à installer des lampadaires. Vingt militants sont collés aux murs et continuent à avancer.
La nuit tombe à nouveau sur Silwan. Il y a deux jours, des centaines de manifestants israéliens et palestiniens ont défilé ensemble dans les rues étroites du quartier, pour soutenir la population locale, face au projet de la municipalité de démolir 22 maisons. Mais ici, comme partout dans Jérusalem-Est, les événements ne s’arrêtent jamais, ne serait-ce un moment.
Au cours des semaines précédentes, les résidents de Silwan ont lancé de plus en plus d’appels à la solidarité aux militants de Sheikh Jarrah. Compte tenu du succès de notre campagne, de plus en plus de Palestiniens ont tenté de trouver un moyen pour une coopération judéo-arabe.
Au cours des récentes visites à Silwan, nous avons tous eu un sentiment d'urgence et de destin commun. Nous devons agir, et agir vite, avant que la catastrophe nous frappe, avant que le gouffre devienne trop large et trop profond à combler. Et nous devons agir ensemble, malgré tous les risques et malgré la méfiance qui s’est installée au fil des ans.
Et maintenant nous sommes ici, nous grimpons les ruelles étroites, aux côtés de la population locale. Il y a une heure, des dizaines de gardes de sécurité privée, escortés par des garde-frontières, sont entrés dans des maisons palestiniennes à côté de "Beit Hadvash" (maison du miel en hébreu ...) et de "Beit Yehonatan". Ici, les colons n’ont réussi qu’à s'emparer de deux maisons, mais cela est suffisant pour rendre la situation explosive.
Chaque nuit, les patrouilles de la police des frontières, des agents de sécurité privés, armés de fusils, des policiers en civil et les "Mistaarvim" (des soldats israéliens déguisés en Arabes) ont transformé l'endroit en zone de guerre.
Cette allée est étroite et sombre. A des dizaines de mètres au-dessus de nous, on entend des coups de feu et des explosions. Un hélicoptère est en vol stationnaire au-dessus de nous, projetant des rayons de lumière sur les ruelles où la municipalité n'a jamais pensé à installer des lampadaires. Vingt militants sont collés aux murs et continuent à avancer.
Tout d'un coup, c’est la fin de l'allée et nous débarquons dans un champ de bataille. La petite rue près de Beit Hadvash est jonchée de douilles de fusil, de grenades non explosées et des morceaux de voitures détruites. Des groupes de soldats se tiennent à l'entrée des maisons et sur les balcons, en tirant sur les maisons autour d'eux. Immédiatement, notre groupe se disperse dans des maisons différentes, avec des groupes d'habitants qui regardent avec désespoir ce qui se passe autour d'eux. Je cherche un ambulancier palestinien dans l'une des maisons.
Des soldats, cachés dans l'escalier, nous bloquent et tentent de nous empêcher de progresser.
Finalement, ils nous laissent passer et nous pouvons accéder aux blessés.
La maison de trois étages est remplie de gaz lacrymogène. Les fenêtres sont toutes cassées, leurs cadres jonchent le sol. Nous montons, étage par étage, et nous vérifions les appartements.
Dans la plupart d'entre eux, on trouve des familles entassées, des gens apeurés, des enfants, des femmes, et des blessés au sol. Dans le salon d'un appartement, une jeune fille est allongée une civière.
Elle attend depuis deux heures d'être évacuée car les soldats empêchent les ambulances d’approcher. Dans la pièce voisine, je vois quelques enfants assis devant l'ordinateur. C'est ce qui se passe ici. Des appartements, des familles, des vies qui se sont soudainement transformés en enfer. Mais certains de ceux qui vivent ici insistent et continuent à y vivre.
Les blessés sont descendus dans la rue, un par un, sur des brancards. De là, on doit encore courir sur quelques centaines de mètres dans les ruelles allées, vers les ambulances qui attendent.
A un moment «chaud», je me reste à la traine, craignant momentanément de courir entre les grenades de gaz et les balles en caoutchouc. Et rester seul ici ne serait pas bon. J'essaie de rester près du mur, mais ce n’est pas mieux. Deux grenades de gaz tombent à côté de moi.
Putain de merde, ils m’ont vu il y a une seconde, ils savaient que je tente d’évacuer les blessés. Ce n’est pas important. Heureusement, des locaux me tirent de cette ruelle. Au bout d’une heure, tout est terminé.
Les soldats se retirent à l’extérieur du quartier, laissant derrière eux la dévastation. Une canalisation qui fuit, des voitures écrasées par des jeeps militaires et des tirs, des fenêtres brisées et cinq blessés. Et des dizaines de familles qui vont devoir dormir à l’extérieur de leurs appartements remplis de gaz lacrymogène, ce soir encore.
Tout ça, parce que des colons se sont emparés d’une maison.
Alors que nous quittons le quartier, escortés par nos amis palestiniens, nous savons qu'il n'y a plus rien à faire, sauf ce qui a déjà été fait. Tout comme nous sommes restés à Sheikh Jarrah jusqu'à ce soir, nous serons à Silwan. Et nous reviendrons à chaque fois que notre présence sera nécessaire, jusqu'à ce que quelqu'un là-haut comprenne cette réalité évidente. Cette injustice, cette folie de la colonisation, en particulier au cœur de quartiers palestiniens, doit se terminer.
PS : C'est la première fois que les médias israéliens en parlent alors que des heurts existent depuis plus d'un mois.
Voir ci-dessous, la vidéo enregistrée début juin montrant des policiers et des gardes de sécurité privée tirer sur des Palestiniens.
Au cours des semaines précédentes, les résidents de Silwan ont lancé de plus en plus d’appels à la solidarité aux militants de Sheikh Jarrah. Compte tenu du succès de notre campagne, de plus en plus de Palestiniens ont tenté de trouver un moyen pour une coopération judéo-arabe.
Au cours des récentes visites à Silwan, nous avons tous eu un sentiment d'urgence et de destin commun. Nous devons agir, et agir vite, avant que la catastrophe nous frappe, avant que le gouffre devienne trop large et trop profond à combler. Et nous devons agir ensemble, malgré tous les risques et malgré la méfiance qui s’est installée au fil des ans.
Et maintenant nous sommes ici, nous grimpons les ruelles étroites, aux côtés de la population locale. Il y a une heure, des dizaines de gardes de sécurité privée, escortés par des garde-frontières, sont entrés dans des maisons palestiniennes à côté de "Beit Hadvash" (maison du miel en hébreu ...) et de "Beit Yehonatan". Ici, les colons n’ont réussi qu’à s'emparer de deux maisons, mais cela est suffisant pour rendre la situation explosive.
Chaque nuit, les patrouilles de la police des frontières, des agents de sécurité privés, armés de fusils, des policiers en civil et les "Mistaarvim" (des soldats israéliens déguisés en Arabes) ont transformé l'endroit en zone de guerre.
Cette allée est étroite et sombre. A des dizaines de mètres au-dessus de nous, on entend des coups de feu et des explosions. Un hélicoptère est en vol stationnaire au-dessus de nous, projetant des rayons de lumière sur les ruelles où la municipalité n'a jamais pensé à installer des lampadaires. Vingt militants sont collés aux murs et continuent à avancer.
Tout d'un coup, c’est la fin de l'allée et nous débarquons dans un champ de bataille. La petite rue près de Beit Hadvash est jonchée de douilles de fusil, de grenades non explosées et des morceaux de voitures détruites. Des groupes de soldats se tiennent à l'entrée des maisons et sur les balcons, en tirant sur les maisons autour d'eux. Immédiatement, notre groupe se disperse dans des maisons différentes, avec des groupes d'habitants qui regardent avec désespoir ce qui se passe autour d'eux. Je cherche un ambulancier palestinien dans l'une des maisons.
Des soldats, cachés dans l'escalier, nous bloquent et tentent de nous empêcher de progresser.
Finalement, ils nous laissent passer et nous pouvons accéder aux blessés.
La maison de trois étages est remplie de gaz lacrymogène. Les fenêtres sont toutes cassées, leurs cadres jonchent le sol. Nous montons, étage par étage, et nous vérifions les appartements.
Dans la plupart d'entre eux, on trouve des familles entassées, des gens apeurés, des enfants, des femmes, et des blessés au sol. Dans le salon d'un appartement, une jeune fille est allongée une civière.
Elle attend depuis deux heures d'être évacuée car les soldats empêchent les ambulances d’approcher. Dans la pièce voisine, je vois quelques enfants assis devant l'ordinateur. C'est ce qui se passe ici. Des appartements, des familles, des vies qui se sont soudainement transformés en enfer. Mais certains de ceux qui vivent ici insistent et continuent à y vivre.
Les blessés sont descendus dans la rue, un par un, sur des brancards. De là, on doit encore courir sur quelques centaines de mètres dans les ruelles allées, vers les ambulances qui attendent.
A un moment «chaud», je me reste à la traine, craignant momentanément de courir entre les grenades de gaz et les balles en caoutchouc. Et rester seul ici ne serait pas bon. J'essaie de rester près du mur, mais ce n’est pas mieux. Deux grenades de gaz tombent à côté de moi.
Putain de merde, ils m’ont vu il y a une seconde, ils savaient que je tente d’évacuer les blessés. Ce n’est pas important. Heureusement, des locaux me tirent de cette ruelle. Au bout d’une heure, tout est terminé.
Les soldats se retirent à l’extérieur du quartier, laissant derrière eux la dévastation. Une canalisation qui fuit, des voitures écrasées par des jeeps militaires et des tirs, des fenêtres brisées et cinq blessés. Et des dizaines de familles qui vont devoir dormir à l’extérieur de leurs appartements remplis de gaz lacrymogène, ce soir encore.
Tout ça, parce que des colons se sont emparés d’une maison.
Alors que nous quittons le quartier, escortés par nos amis palestiniens, nous savons qu'il n'y a plus rien à faire, sauf ce qui a déjà été fait. Tout comme nous sommes restés à Sheikh Jarrah jusqu'à ce soir, nous serons à Silwan. Et nous reviendrons à chaque fois que notre présence sera nécessaire, jusqu'à ce que quelqu'un là-haut comprenne cette réalité évidente. Cette injustice, cette folie de la colonisation, en particulier au cœur de quartiers palestiniens, doit se terminer.
PS : C'est la première fois que les médias israéliens en parlent alors que des heurts existent depuis plus d'un mois.
Voir ci-dessous, la vidéo enregistrée début juin montrant des policiers et des gardes de sécurité privée tirer sur des Palestiniens.