Palestine 48 - 24-06-2010 |
A Hébron, on ne s’étonnerait guère que des colons juifs prennent d’assaut le terrain d’une vieille femme palestinienne, mais on ne s’attendait pas à cela dans la ville cosmopolite de Tel Aviv. C’est pourtant ce qui est arrivé à Zeinab Rachayel, une habitante arabe de Jaffa (Yafo en hébreu, ndlr), la banlieue mélangée de Tel Aviv.
Dimanche après-midi, Rachayel était dans son jardin lorsque plusieurs bus remplis de colons de Cisjordanie se garèrent à proximité. Armés de drapeaux israéliens, les jeunes gens se mirent en rang devant sa maison en chantant « C’est notre pays ». Ils entrèrent ensuite un par un dans son jardin et Rachayel fit alors face à plusieurs douzaines de colons entre 16 et 25 ans.
Rachayel raconte : « Un autre entra et dit : ‘Ecoute, tu ne restes pas ici. Yafo est seulement pour les juifs. Quitte Yafo’. » Les colons continuèrent à l’intimider et à la menacer en lui répétant que la présence des arabes à Yafo était seulement temporaire.
Un centre culturel
Yafo est l’ancienne Jaffa, centre économique et culturel de Palestine. La création de l’Etat juif déclencha la guerre israélo-arabe de 1948 durant laquelle la population de Jaffa s’effondra car ses résidents brutalisés durent fuir ou furent expulser de leurs maisons.
Les migrants (occupants, ndlr) juifs prirent rapidement leur place, et en 1950, la municipalité de Tel Aviv engloutit Jaffa et la renomma Yafo.
Aujourd’hui, près de 60 ans plus tard, les colons ainsi que le phénomène d’embourgeoisement représentent une nouvelle menace existentielle pour la communauté palestinienne de la région.
Ce dimanche après-midi, un des fils de Rachayel arriva sur place. Il utilisa sa ceinture en la faisant tournoyer pour chasser les colons du jardin. Finalement la police arriva, mais personne ne fut arrêté. Rachayel demande : « Si c’était arrivé dans l’autre sens, à une famille juive, qu’est-ce qu’ils auraient fait ? »
Elle insiste sur le fait que comme dans les autres régions mixtes en Israël, les juifs et les arabes de Jaffa ont eu de bon rapports pendant longtemps. Rachayel grandit à côté d’une famille juive et elle se rappelle que les enfants juifs étaient comme des frères et sœurs pour elle.
Mais, dit-elle, nos liens sont devenus plus tendus pendant la première Intifada. Et maintenant que les colons entrent petit à petit à Jaffa, Rachayel sent que l’ambiance s’assombrit. « C’est triste » me dit-elle.
La tendance se généralise
Le président du Comité Populaire Contre les Démolitions de Maison, Sami Abu Shahdeh, estime qu’une cinquantaine de famille de colons sont réparties dans Jaffa.
Ils ont commencé à venir habiter dans les villes mixtes après qu’Israël se soit retiré de la bande de Gaza en 2005. Ceci dans le but que les juifs israéliens « s’habituent à eux » et gagner ainsi le soutien de la pensée dominante.
« C’est aussi une tentative pour rester au cœur de la politique, » dit Abu Shhadeh. « Si jamais un premier ministre israélien avait le courage de virer les colons de Cisjordanie, ils mettraient le feu à Israël de l’intérieur. Ce n’est pas comme s’ils allaient manifester dans les colonies. Maintenant ils sont là, au cœur. »
Dans un article pour Haaretz (quotidien dit « de gauche », ndlr), le journaliste de droite Nadav Shragai voit les colonies à l’intérieur des villes mixtes comme le front de ce qu’on appelle la guerre démographique entre les arabes et les juifs.
Il écrit : « Israël, en tant que pays du peuple juif, est en train de perdre son emprise sur ces villes, » ajoutant : « Les colons de Judée et Samarie ont dépêché à Yafo, Acre, Lod et Ramle leurs meilleurs éléments et leurs meilleurs rabbins. »
Expulser les Arabes
Une entreprise de construction, dont le nom « Bemuna » signifie « dans la foi », vise à amener 20 autres de ces familles à Ajami, une zone majoritairement palestinienne considérée comme le cœur de la fragile communauté arabe de Jaffa. Bemuna prévoit un complexe d’appartements exclusivement réservé aux juifs nationalistes religieux.
« Ils ont commencé à Jérusalem Est, » dit Abu Shehadeh. « Puis ils avaient un gros projet à Lod. Ensuite ils sont allés à Akka. Maintenant ils viennent à Jaffa. »
Bemuna prétend que ce projet a pour but de renforcer la communauté juive. Mais plusieurs critiques ont fait remarquer qu’au lieu de construire dans une des zones juives défavorisées de Yafo, Bemuna a acheté des terrains là où très peu de juifs vivent. Les critiques disent que le projet de construire à Ajami est au mieux une provocation, et au pire une tentative d’obliger les Arabes à quitter la zone.
Abu Shehadeh, ainsi que les autres leaders locaux, sont inquiets de la nature fermée de ce développement. « On a pensé que c’était du racisme, alors on est allé devant la justice. » Le juge Yehuda Zaft, du district de Tel Aviv, a prononcé une décision en défaveur de la pétition. Elle contestait la discrimination dans la façon de sélectionner les habitants, et fut signée par plus d’une douzaine d’associations dont l’Association pour les Droits Civiques en Israël (ACRI). Le groupe a fait appel de la décision et le dossier sera examiné par la cour suprême israélienne le 21 juin.
Créer de nouvelles réalités
Mais peu importe la décision de la cour suprême, Jaffa restera emmêlée dans les problèmes.
Les habitants sont très inquiets de la récente ouverture d’une yeshiva, une institution juive pour les études religieuses. Comme beaucoup en Cisjordanie, ils pensent que la yeshiva de Jaffa est un camp d’entraînement pour les nationalistes religieux qui veulent s’engager dans l’armée. Elle est dirigée par le Rabbi Eliyahi Mali, qui déclame depuis la colonie Bet El.
Sur la chaine israélienne Channel Seven, Rabi Mali dit considérer son travail à Jaffa comme « une mission d’une importance sans égale », il ajoute que si les colonies de Cisjordanie « envoyaient un dixième de leurs résidants vers les grandes villes (…) ce dixième de résidants imprégnés de foi pourrait établir une communauté, une yeshiva et un centre au sein de la population juive, ce qui créerait une réalité différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. »
« Dans leur vision, dans les dix ans qui viennent ce quartier [palestinien] n’existe plus. » dit Abu Shehadeh.
Les résidants palestiniens partagent cette analyse – la yeshiva est le signe d’une prise de pouvoir, une tentative de transformer Jaffa en colonie de Cisjordanie.
Ils rapportent qu’ils sont harcelés verbalement par les étudiants de la yeshiva. Ils évitent maintenant l’immeuble et la rue dans laquelle elle se trouve, de peur d’autres altercations.
Ihlas Yateen, une résidente palestinienne de Jaffa, considère la yeshiva et les colons comme « dangereux »
« Que viennent-ils faire ici ? » demande-t-elle.
« Je ne sais pas pourquoi l’Etat les laisse faire. »
« Ils ne peuvent pas les interdire de venir ici ? Et ils les laisseraient [les arabes] s’installer à Bnei Brak ? » ajoute-t-elle, faisant référence à la ville juive orthodoxe à côté de Tel Aviv
Au plus offrant
Son commentaire montre du doigt le rôle de la fracture sociale dans les problèmes de Jaffa.
L’autorité israélienne de gestion des terres (Israel land authority) est contrôlée par le gouvernement et vend les terrains au plus offrant. Dans le cas de la parcelle de terrain découpée en 20 unités pour la colonie, se fut Bemuna. L’argent décide de qui peut acheter et où.
Les Palestiniens résidents de Jaffa font remarquer que dans sa majorité leur communauté est pauvre. Et Ajami est le maillon le plus faible. De plus Ajami est perché sur une colline faisant face à la mer, elle a donc une valeur immobilière de première plan.
Yehudit Ilani est un juif israélien qui vit à Ajami, il est aussi un défenseur des droits des Palestiniens concernant leur habitation et l’allocation des terres. Il explique que le gouvernement israélien a des règles très strictes concernant les habitations de Jaffa.
Si une famille qui s’agrandit ajoute une nouvelle pièce à sa maison, ou si elle ne préserve pas l’apparence de l’habitation conformément aux standards décidés par l’Etat, elle risque des amendes astronomiques, l’éviction et même la démolition de la maison.
Une fois que la maison a été vidée ou détruite, l’autorité de gestion des terres peut vendre le terrain.
« Il y a 498 procès qui visent à expulser les gens de leur maison, » explique Ilani. Tous ces procès sauf un concernent des familles arabes. La seule famille juive qui risque l’éviction est une famille pauvre Mizrahi (arabo-juif).
Ilani ajoute que d’autres habitants risquent l’expulsion car l’autorité de gestion des terres cherche à faire de l’argent sur ce marché juteux. Ces familles reçoivent bien des indemnités, explique-t-elle, « mais c’est insuffisant pour acheter sur le marché immobilier ».
Ilani fait remarquer que comme la communauté palestinienne est « en train d’être fragmentée », l’Etat pourrait faire le choix de ne pas vendre leurs terres. « Ils nient se baser sur une principe nationaliste en prenant la loi du marché comme un prétexte » dit-elle.
« La fracture sociale est utilisée comme une façon de réaliser un nettoyage ethnique. »
Du partage à la ségrégation
Ilani dit que le problème, ce ne sont pas les juifs israéliens qui décident de vivre à Jaffa. Ce sont plutôt les politiques d’Etat, qui font partie « d’un projet de plus grande envergure » qui menacent la zone.
Ceci a des conséquences dangereuses pour l’Etat, dit Ilani. « C’est une société totalement ségréguée. Le dialogue et la rencontre de l’autre n’ont lieu que dans les villes partagées entre juifs et arabes. Ces villes partagées pourraient être le fondement d’une façon de vivre ensemble. »
Mais la fracture sociale et les colons érodent cet espoir petit à petit.
Esther Saba est une résidente palestinienne de Jaffa qui risque de voir sa maison se faire démolir pour une extension non autorisée.
Elle fait remarquer qu’à l’arrivée des bulldozers, ce sont les activistes juifs israéliens qui ont protégé sa maison en se positionnant devant et sur le toit, ils ont joué un rôle primordial pour éviter qu’elle ne soit détruite.
« Il n’y a aucun problème avec les juifs ordinaires » dit Saba. « Nous avons de très bons rapports ».
« Mais la présence grandissante des collons est inquiétante, » dit Saba. « Ils ne veulent pas [d’arabes] ici à Jaffa. »
Bemuna et Yeshivat ont toutes deux refusé, malgré nos demandes répétées, de faire des commentaires.
Dimanche après-midi, Rachayel était dans son jardin lorsque plusieurs bus remplis de colons de Cisjordanie se garèrent à proximité. Armés de drapeaux israéliens, les jeunes gens se mirent en rang devant sa maison en chantant « C’est notre pays ». Ils entrèrent ensuite un par un dans son jardin et Rachayel fit alors face à plusieurs douzaines de colons entre 16 et 25 ans.
Rachayel raconte : « Un autre entra et dit : ‘Ecoute, tu ne restes pas ici. Yafo est seulement pour les juifs. Quitte Yafo’. » Les colons continuèrent à l’intimider et à la menacer en lui répétant que la présence des arabes à Yafo était seulement temporaire.
Un centre culturel
Yafo est l’ancienne Jaffa, centre économique et culturel de Palestine. La création de l’Etat juif déclencha la guerre israélo-arabe de 1948 durant laquelle la population de Jaffa s’effondra car ses résidents brutalisés durent fuir ou furent expulser de leurs maisons.
Les migrants (occupants, ndlr) juifs prirent rapidement leur place, et en 1950, la municipalité de Tel Aviv engloutit Jaffa et la renomma Yafo.
Aujourd’hui, près de 60 ans plus tard, les colons ainsi que le phénomène d’embourgeoisement représentent une nouvelle menace existentielle pour la communauté palestinienne de la région.
Ce dimanche après-midi, un des fils de Rachayel arriva sur place. Il utilisa sa ceinture en la faisant tournoyer pour chasser les colons du jardin. Finalement la police arriva, mais personne ne fut arrêté. Rachayel demande : « Si c’était arrivé dans l’autre sens, à une famille juive, qu’est-ce qu’ils auraient fait ? »
Elle insiste sur le fait que comme dans les autres régions mixtes en Israël, les juifs et les arabes de Jaffa ont eu de bon rapports pendant longtemps. Rachayel grandit à côté d’une famille juive et elle se rappelle que les enfants juifs étaient comme des frères et sœurs pour elle.
Mais, dit-elle, nos liens sont devenus plus tendus pendant la première Intifada. Et maintenant que les colons entrent petit à petit à Jaffa, Rachayel sent que l’ambiance s’assombrit. « C’est triste » me dit-elle.
La tendance se généralise
Le président du Comité Populaire Contre les Démolitions de Maison, Sami Abu Shahdeh, estime qu’une cinquantaine de famille de colons sont réparties dans Jaffa.
Ils ont commencé à venir habiter dans les villes mixtes après qu’Israël se soit retiré de la bande de Gaza en 2005. Ceci dans le but que les juifs israéliens « s’habituent à eux » et gagner ainsi le soutien de la pensée dominante.
« C’est aussi une tentative pour rester au cœur de la politique, » dit Abu Shhadeh. « Si jamais un premier ministre israélien avait le courage de virer les colons de Cisjordanie, ils mettraient le feu à Israël de l’intérieur. Ce n’est pas comme s’ils allaient manifester dans les colonies. Maintenant ils sont là, au cœur. »
Dans un article pour Haaretz (quotidien dit « de gauche », ndlr), le journaliste de droite Nadav Shragai voit les colonies à l’intérieur des villes mixtes comme le front de ce qu’on appelle la guerre démographique entre les arabes et les juifs.
Il écrit : « Israël, en tant que pays du peuple juif, est en train de perdre son emprise sur ces villes, » ajoutant : « Les colons de Judée et Samarie ont dépêché à Yafo, Acre, Lod et Ramle leurs meilleurs éléments et leurs meilleurs rabbins. »
Expulser les Arabes
Une entreprise de construction, dont le nom « Bemuna » signifie « dans la foi », vise à amener 20 autres de ces familles à Ajami, une zone majoritairement palestinienne considérée comme le cœur de la fragile communauté arabe de Jaffa. Bemuna prévoit un complexe d’appartements exclusivement réservé aux juifs nationalistes religieux.
« Ils ont commencé à Jérusalem Est, » dit Abu Shehadeh. « Puis ils avaient un gros projet à Lod. Ensuite ils sont allés à Akka. Maintenant ils viennent à Jaffa. »
Bemuna prétend que ce projet a pour but de renforcer la communauté juive. Mais plusieurs critiques ont fait remarquer qu’au lieu de construire dans une des zones juives défavorisées de Yafo, Bemuna a acheté des terrains là où très peu de juifs vivent. Les critiques disent que le projet de construire à Ajami est au mieux une provocation, et au pire une tentative d’obliger les Arabes à quitter la zone.
Abu Shehadeh, ainsi que les autres leaders locaux, sont inquiets de la nature fermée de ce développement. « On a pensé que c’était du racisme, alors on est allé devant la justice. » Le juge Yehuda Zaft, du district de Tel Aviv, a prononcé une décision en défaveur de la pétition. Elle contestait la discrimination dans la façon de sélectionner les habitants, et fut signée par plus d’une douzaine d’associations dont l’Association pour les Droits Civiques en Israël (ACRI). Le groupe a fait appel de la décision et le dossier sera examiné par la cour suprême israélienne le 21 juin.
Créer de nouvelles réalités
Mais peu importe la décision de la cour suprême, Jaffa restera emmêlée dans les problèmes.
Les habitants sont très inquiets de la récente ouverture d’une yeshiva, une institution juive pour les études religieuses. Comme beaucoup en Cisjordanie, ils pensent que la yeshiva de Jaffa est un camp d’entraînement pour les nationalistes religieux qui veulent s’engager dans l’armée. Elle est dirigée par le Rabbi Eliyahi Mali, qui déclame depuis la colonie Bet El.
Sur la chaine israélienne Channel Seven, Rabi Mali dit considérer son travail à Jaffa comme « une mission d’une importance sans égale », il ajoute que si les colonies de Cisjordanie « envoyaient un dixième de leurs résidants vers les grandes villes (…) ce dixième de résidants imprégnés de foi pourrait établir une communauté, une yeshiva et un centre au sein de la population juive, ce qui créerait une réalité différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. »
« Dans leur vision, dans les dix ans qui viennent ce quartier [palestinien] n’existe plus. » dit Abu Shehadeh.
Les résidants palestiniens partagent cette analyse – la yeshiva est le signe d’une prise de pouvoir, une tentative de transformer Jaffa en colonie de Cisjordanie.
Ils rapportent qu’ils sont harcelés verbalement par les étudiants de la yeshiva. Ils évitent maintenant l’immeuble et la rue dans laquelle elle se trouve, de peur d’autres altercations.
Ihlas Yateen, une résidente palestinienne de Jaffa, considère la yeshiva et les colons comme « dangereux »
« Que viennent-ils faire ici ? » demande-t-elle.
« Je ne sais pas pourquoi l’Etat les laisse faire. »
« Ils ne peuvent pas les interdire de venir ici ? Et ils les laisseraient [les arabes] s’installer à Bnei Brak ? » ajoute-t-elle, faisant référence à la ville juive orthodoxe à côté de Tel Aviv
Au plus offrant
Son commentaire montre du doigt le rôle de la fracture sociale dans les problèmes de Jaffa.
L’autorité israélienne de gestion des terres (Israel land authority) est contrôlée par le gouvernement et vend les terrains au plus offrant. Dans le cas de la parcelle de terrain découpée en 20 unités pour la colonie, se fut Bemuna. L’argent décide de qui peut acheter et où.
Les Palestiniens résidents de Jaffa font remarquer que dans sa majorité leur communauté est pauvre. Et Ajami est le maillon le plus faible. De plus Ajami est perché sur une colline faisant face à la mer, elle a donc une valeur immobilière de première plan.
Yehudit Ilani est un juif israélien qui vit à Ajami, il est aussi un défenseur des droits des Palestiniens concernant leur habitation et l’allocation des terres. Il explique que le gouvernement israélien a des règles très strictes concernant les habitations de Jaffa.
Si une famille qui s’agrandit ajoute une nouvelle pièce à sa maison, ou si elle ne préserve pas l’apparence de l’habitation conformément aux standards décidés par l’Etat, elle risque des amendes astronomiques, l’éviction et même la démolition de la maison.
Une fois que la maison a été vidée ou détruite, l’autorité de gestion des terres peut vendre le terrain.
« Il y a 498 procès qui visent à expulser les gens de leur maison, » explique Ilani. Tous ces procès sauf un concernent des familles arabes. La seule famille juive qui risque l’éviction est une famille pauvre Mizrahi (arabo-juif).
Ilani ajoute que d’autres habitants risquent l’expulsion car l’autorité de gestion des terres cherche à faire de l’argent sur ce marché juteux. Ces familles reçoivent bien des indemnités, explique-t-elle, « mais c’est insuffisant pour acheter sur le marché immobilier ».
Ilani fait remarquer que comme la communauté palestinienne est « en train d’être fragmentée », l’Etat pourrait faire le choix de ne pas vendre leurs terres. « Ils nient se baser sur une principe nationaliste en prenant la loi du marché comme un prétexte » dit-elle.
« La fracture sociale est utilisée comme une façon de réaliser un nettoyage ethnique. »
Du partage à la ségrégation
Ilani dit que le problème, ce ne sont pas les juifs israéliens qui décident de vivre à Jaffa. Ce sont plutôt les politiques d’Etat, qui font partie « d’un projet de plus grande envergure » qui menacent la zone.
Ceci a des conséquences dangereuses pour l’Etat, dit Ilani. « C’est une société totalement ségréguée. Le dialogue et la rencontre de l’autre n’ont lieu que dans les villes partagées entre juifs et arabes. Ces villes partagées pourraient être le fondement d’une façon de vivre ensemble. »
Mais la fracture sociale et les colons érodent cet espoir petit à petit.
Esther Saba est une résidente palestinienne de Jaffa qui risque de voir sa maison se faire démolir pour une extension non autorisée.
Elle fait remarquer qu’à l’arrivée des bulldozers, ce sont les activistes juifs israéliens qui ont protégé sa maison en se positionnant devant et sur le toit, ils ont joué un rôle primordial pour éviter qu’elle ne soit détruite.
« Il n’y a aucun problème avec les juifs ordinaires » dit Saba. « Nous avons de très bons rapports ».
« Mais la présence grandissante des collons est inquiétante, » dit Saba. « Ils ne veulent pas [d’arabes] ici à Jaffa. »
Bemuna et Yeshivat ont toutes deux refusé, malgré nos demandes répétées, de faire des commentaires.