Khaled Hroub
Nétanyahou aurait expliqué son intention de venir à bout de ce qui reste de Jérusalem-Est en y procédant à une colonisation intensive. Face à cette volonté de judaïsation, il faut donner aux Arabes de Jérusalem les moyens de rester.
C’est le titre que mon ami Hani Al-Masri a donné à l’un de ses récents articles. Mais cette phrase n’est pas de lui. Il ne fait que reprendre une déclaration du Premier ministre d’Israël Benyamin Nétanyahou. Elle a été rapportée par de hauts responsables après deux réunions à huis clos, l’une avec le gouvernement, l’autre avec des dirigeants du mouvement des colons, le 25 décembre dernier. Nétanyahou y aurait expliqué son intention de venir à bout de ce qui reste de Jérusalem-Est en y procédant à une colonisation intensive. Il aurait également justifié sa décision de suspendre la colonisation en Cisjordanie pendant une période de dix mois, car cela permettrait de mieux absorber Jérusalem-Est afin de faire de la ville la capitale éternelle et unifiée du peuple juif : “Mon but est de transformer l’Est en quartiers mixtes, avec des Juifs et des Palestiniens, comme à Haïfa et à Jaffa, de sorte que l’Autorité palestinienne ne puisse pas les revendiquer comme capitale d’un futur Etat palestinien.”
Face à cette volonté de judaïsation, il faut donner aux Arabes de Jérusalem les moyens de rester. Tout le monde connaît les problèmes qu’ils doivent affronter : la pauvreté, le chômage, l’impossibilité d’accéder à des logements en nombre suffisant, etc. Par ailleurs, des pathologies sociales telles que la toxicomanie et le vol se sont développées sous l’effet des pressions économiques israéliennes destinées à les faire partir.
Beaucoup ont déjà cédé. C’est une honte de voir le nombre d’habitants arabes reculer pour cause de pauvreté. Ceux qui y vivent encore ont besoin d’être aidés. Pas par des affirmations verbales de solidarité, mais concrètement, par des moyens financiers et économiques. Il serait possible de changer radicalement la situation en utilisant simplement une petite partie des capitaux arabes, capitaux dont tout le monde sait comment ils sont dilapidés.
Quand on se promène dans la ville, on voit de nouvelles constructions réalisées grâce à des investisseurs juifs américains, européens, russes et australiens. Pendant ce temps, Arabes et musulmans restent les bras croisés. Ils expliquent leur attitude par leur refus de la normalisation des relations avec Israël. Le résultat est que le terrain est abandonné à l’ennemi. Nous avons fini par être prisonniers de nos propres slogans, tellement sacralisés que personne n’ose les remettre en question. Cette attitude relève de la cécité politique.
Jérusalem-Est a besoin d’investisseurs afin d’affirmer sa dimension arabe et musulmane et afin de ne pas la laisser en proie à la judaïsation. Celle-ci s’intensifie chaque jour sous nos yeux, et nous sommes là à lancer des slogans. De plus en plus furieux, mais dans un mégaphone hors-service.
Khaled Hroub est journaliste et écrivain, directeur du programme d’étude sur les médias arabes à l’université de Cambridge, au Royaume-Uni.
Article publié en français le 22 avril 2010 dans Courrier international