Myrtille
Départ à 7h30 du Consulat  Général de France à Jérusalem.
Jérusalem - Gaza : 80km environ.
Temps aller en voiture : 1h30.
Frontière d’Erez, temps d’attente : environ 2h.
A notre arrivée à la  barrière, une femme dans une guérite demande nos passeports. Nous  remontons en voiture. Un soldat armé nous scrute. La jeune femme s’en va  en direction du terminal. On attend. Le temps semble long. Pour détendre l’atmosphère, on plaisante un peu  entre nous.
La jeune femme revient, elle nous demande de descendre  de voiture. Elle demande à chacun de nous nos noms. Puis on remonte en  voiture.
Quelques minutes après, elle nous dit de garer de  reculer la voiture et de la garer à côté. 2 voitures attendent derrière  nous.
Attente.
Elle nous fait signe de réavancer la voiture jusqu’à la  barrière.
Attente.
Elle nous demande de garer de nouveau la voiture sur le  côté.
Attente.
Elle nous dit à nouveau d’avancer la voiture à la  barrière. On se demande si on va avoir l’autorisation de passer la  barrière.
La barrière s’ouvre. Une petite lueur d’espoir.
Le terminal : immense. On se demande bien pourquoi il  est si grand. Il n’y a personne.
On entre pour montrer nos passeports aux guichets, un  par un. On répond aux questions du type : pourquoi on veut entrer à  Gaza, d’où on vient, qui on est, etc. Stress.
Le chauffeur de la voiture est palestinien. Cela pose  problème. Attente.
Pause café à côté des guichets pendant l’attente. On  remarque les siège défoncés et sales.
Enfin on peut sortir. Toujours pas de car de touristes  dans l’immense hangar...
On passe la frontière, les militaires ne nous arrêtent  pas.
De l’autre côté du mur : un autre monde. Route défoncée.  Le paysage : un no man’s land. 500 mètres pour rejoindre le check-point  palestinien "Ramsa-Ramsa". 10mn d’attente avant qu’ils ouvrent la  barrière.
Presque personne sur les routes à proximité de la  frontière. Tout est "Destroy". Les traces d’explosions, de maisons  délabrées, d’autres rafistolées.
On voit quelques motos à vendre sur le côté de la route.  celles que les Palestiniens ont pu amener d’Egypte lors de l’ouverture  de la frontière.
On se dirige vers le Centre Culturel Français. Visite  des lieux, on fait connaissance de l’équipe autour d’un thé.
Direction ensuite vers la bibliothèque des jeunes, le  lieu de mon expo. Très beau bâtiment, peut-être le seul encore intact de  la ville. Visite de la bibliothèque puis vernissage. Un accueil très  chaleureux. Les jeunes me posent des questions sur mon travail.
Après un pot de l’amitié, retour au Centre Culturel  Français pour un 2eme vernissage d’un peintre Palestinien après le  déjeuner et quelques photos de l’équipe. Beaucoup de monde pour le vernissage.
Seul lieu culturel de rencontre et d’échange sur l’art,  la littérature...
Départ à 15h. Déjà ! Faut pas tarder pour pas être refoulés à la frontière.
Arrivés à Ramsa-Ramsa, beaucoup d’attente. Des questions  par téléphone en provenance du terminal, mais je ne sais pas de quoi il  s’agit. Mes accompagnateurs gèrent. Un thé offert par les gardiens du check-point nous réchauffe et nous  aide à lutter contre le gros courant d’air froid.
Les militaires veulent que je passe seule à pieds car je  n’ai pas de passeport diplomatique. Je flippe un peu. Je ne sais pas ce  qui m’attend. Au bout de 1h30 environ, le feu vert est donné.
Traversée du no man’s land en voiture très lentement. On  s’arrête à la 1ère barrière. Elle s’ouvre. On avance un peu. Une voix  féminine au micro nous dit "Stop !". "Descendez de voiture !". On ne  sait pas d’où vient la voix. Peut-être du mirador où les soldats ont les  mitraillettes pointées sur nous. On descend de voiture. On avance un peu. On entend "Stop !"
"Retournez à Ramsa-Ramsa !"
Les Palestiniens appellent pour savoir pourquoi on est  revenu. En fait, il fallait que je descende de voiture à l’endroit du  tunnel pour passer la frontière à pied !
Encore longue attente... environ 1h.
Feu vert des militaires, mes acolytes me déposent puis  s’en vont. Je rentre dans le long tunnel défoncé. J’aperçois au fond 3 hommes. Je  marche lentement. Je ne sais pas où aller. Un homme me propose de  m’accompagner. Il essaye de me parler en anglais. On se comprend mal  mais je le remercie.
Chemin un peu long. On arrive au mur en béton de 8  mètres de haut. Impressionnant de se trouver au pied du mur ! Rien pour s’asseoir, sauf 2 fauteuils roulants pris par une journaliste  anglaise et un palestinien âgé. Toujours en courant d’air. Les 6 portes  en fer sont fermées. La journaliste est en colère. 20mn qu’elle est là.  Les militaires ne répondent pas au téléphone. Ils nous laissent sans  savoir ce qui se passe et dans l’attente.
Le jour tombe. Au loin, on commence à entendre des tirs  au coucher du soleil. Sensation étrange. Mes acolytes m’appellent : je leur dis que je suis coincée devant les  portes en fer fermées, ils me répondent que eux aussi sont coincés car  les militaires veulent ouvrir la voiture diplomatique... Ce qui est  totalement illégal...
Environ 1h20 d’attente, puis 1 porte s’ouvre. Fausse  joie : c’est la porte de ceux qui entrent à Gaza ! Déception... Puis une autre porte s’ouvre. Nous entrons. Vérification du  portable de la journaliste, puis on passe un portillon. Attente devant  le 2ème. Faut savoir qu’il faut appuyer sur un petit bouton noir pour  sonner !!! Le feu rouge passe au vert, on pousse le gros tourniquet un  par un pour passer.
50mètres environ en L, on est dans un grand couloir gris  avec 8 portes fermées. On avance jusqu’à la 8ème (au hasard .). Petite  attente, la porte s’ouvre. On entre pour découvrir un espèce de  labyrinthe à mi-hauteur avec des demi portes transparentes. On doit  passer un par un chaque demi porte. Attendre que le petit bouton vert  s’allume.
Ensuite, avec l’aide d’un Palestinien on dépose nos  effets dans un bac, on vide nos poches, on enlève gilets, ceinture etc  mais on garde le passeport à la main.
Chacun notre tour, on doit entrer dans un cylindre  transparent, les pieds écartés, les mains levées pour être scannés aux  rayons en entier (bah oui des fois qu’on aurait je ne sais quoi dans le  corps...)
Pendant tout ce temps, les militaires israéliens n’ont  aucun contact avec nous, ils nous observent de loin du 1er étage  derrière leur vitre, prêts à parler au micro si besoin.
Récupération des affaires, faut encore passer la  dernière étape : présenter son passeport et répondre aux questions du  genre : "pourquoi vous voulez aller en Israël ? Chez qui vous allez ?  Quand rentrez-vous en France ? Montrez-moi votre billet d’avion.  Pourquoi êtes-vous allée à Gaza ? Avec qui ? Avez-vous un autre  passeport ? Etes-vous terroriste ? Avez-vous un papier qui prouve ce que  vous dites ? etc..."
Hallucinant !!!! Fiction ? Non... Juste la réalité !
Enfin hop ! un tampon sur mon passeport... Et encore la route à faire jusqu’à Jérusalem. Avec de gros  embouteillages.
Résultat : pour 5h passées à Gaza, nous avons passé 8h à  faire la route aller-retour et surtout à ATTENDRE !!!!!!! attendre sans  savoir si on allait pouvoir entrer à Gaza, ni si on allait pouvoir  SORTIR de Gaza.
Ce traitement est pour les internationaux. Imaginez le  traitement pour les Palestiniens...
J’ai eu la chance de pouvoir aller à Gaza. C’était en  2008 et je n’oublierai JAMAIS !
 
 
