Antoine Raffoul argumente : l’occupation israélienne étant totale et soutenue par pratiquement toutes les institutions et les entreprises du pays, il doit en aller de même pour le boycott d’Israël, qui sera total et intransigeant.
Dans son article “Moment of truth” (publié sur le site de Electronic Intifada, le 4 mars 2010, Rifat Kassis pose une bonne question : que signifie le « boycott », quelle est sa portée et son contenu ?Nous, membres de 1948 : Lest We Forget souhaitons répondre à ceux qui appellent à un boycott sélectif d’Israël, et défier ceux qui nous mettent en garde, nous Palestiniens (et beaucoup de militants internationaux, par la même occasion) qui critiquons Israël contre les accusations d’« antisémitisme » (bien que nous soyons Sémites). Nous souhaitons également défier les politiciens qui réclament un nouveau cycle de négociations (proximité ou autrement) sur la question Palestine-Israël, car nous avons perdu le compte du nombre de pourparlers qui se sont tenus les 62 dernières années. Tous en vain. En fait, à chaque série d’entretiens, la Palestine rétrécit davantage et sa population est confinée dans des douzaines de Bantoustans.
Un boycott ne peut plus être sélectif. Comme M. Kassis l’a écrit : « l’occupation n’est pas une prise de pouvoir aléatoire et elle ne se déroule pas sur quelque terre éloignée : c’est une matrice complète de contrôle, stratégique, cohérente, délibérée, historiquement construite, extérieurement tolérée... » et, ne l’oublions pas, mise en oeuvre sur la terre palestinienne.
Ceux qui réclament un boycott sélectif ne comprennent pas que les décisions prises en Israël, à l’intérieur des territoires palestiniens occupés et dans l’ensemble de la Palestine historique, le sont par les dirigeants sionistes (et leurs collaborateurs), dans le but d’annexer, d’occuper et de nettoyer la totalité des territoires palestiniens, pas simplement ceux qui correspondent à la résolution 181 des Nations unies ni à la ligne d’armistice de 1947 ni aux territoires conquis en 1967, mais l’ensemble de la Palestine historique. La récente prise de bec entre l’administration étasunienne et Israël au sujet de la question des colonies prouve que l’aile la plus à droite de l’administration israélienne de Benyamin Netanyahu est décidée à multiplier les colonies dans l’ensemble de Jérusalem-Est annexée et dans le reste de la Cisjordanie.
Nous ne pouvons pas balayer les 62 dernières années de l’occupation sioniste illégale en nous contentant d’accepter un statu quo temporaire dans l’attente d’un accord sur le statut final. Ces 62 années douloureuses ne peuvent pas être subdivisées en zones coloniales nommées A, B, C, Gaza ou Jérusalem. Elles ne peuvent pas être jetées dans les poubelles de l’histoire par un cessez-le-feu, un checkpoint ou un mur de ségrégation. L’occupation est totale et illégale ? Il doit en être de même pour le boycott : total et jugé légal.
Nous ne devons pas nous contenter de boycotter l’huile d’olive produite en Cisjordanie parce qu’elle est produite dans une colonie illégale en Cisjordanie ; nous devons également boycotter tous les produits fabriqués dans toutes les colonies illégales. Nous ne devons pas simplement boycotter une institution académique impliquée dans des projets militaires financés par l’État, nous devons également boycotter d’autres établissements impliqués dans des activités culturelles, scientifiques et scolaires financées par l’État. Nous ne devons pas nous contenter de boycotter des équipes de sportifs israéliens jouant internationalement sous la bannière israélienne, mais boycotter également une compagnie de danse ou de théâtre israélienne envoyée à l’étranger pour blanchir l’image fasciste d’un Etat fasciste cruel. Nous devons non seulement boycotter Caterpillar parce qu’il démolit des maisons et déracine les oliveraies palestiniennes, nous devons également boycotter les entreprises qui fournissent le sable et le ciment pour la construction du mur d’apartheid .
Nous défions ceux qui réclament un boycott modéré et sélectif de nous trouver un établissement israélien, grand ou petit, qui ne fait pas partie de cette matrice de contrôle qui suffoque notre nation palestinienne. Comme cette occupation est totale et impitoyable, il doit en être de même pour notre lutte visant à y mettre fin. Comme l’occupation israélienne cruelle couvre toute la Palestine historique, il doit en être de même pour l’appel que nous lançons afin de renverser le processus qui a mené à cette occupation pour le remplacer par un système de démocratie et de justice englobant toute la Palestine historique. Une Palestine pour toute sa population, qu’elle soit juive, musulmane, chrétienne, copte, athée ou non-conformiste.
Pour atteindre ce but, il nous faut un boycott total de l’État sioniste. Pour atteindre ce but, nous devons identifier cet État. Pour identifier cet État, nous devons démêler la politique de l’intrigue qui a produit la résolution 181 de l’ONU préparant le terrain pour la création de cet État. Afin de démêler la politique embrouillée de cette résolution, nous devons nous atteler à dépoussiérer les archives officielles qui remontent à la déclaration Balfour de 1917. Nous devons creuser profondément dans la politique et les personnalités obscures qui ont donné la nation d’un peuple à un peuple regroupant de nombreuses nations. Et le comble est que ceci a été fait contre la volonté de plus de un million de Palestiniens autochtones.
Nous avons fermé la boucle maintenant et par conséquent notre boycott doit être un boycott total.
Par conséquent, ne nous contentons pas de lire les pages d’un seul chapitre de cette saga sans nous plonger dans les autres parce qu’il serait plus facile « d’oublier le passé ». Israël n’a jamais cédé sur ses objectifs, ses buts ou son agression déterminée contre le peuple palestinien. Il n’a jamais cessé de défier le droit international. Il n’a jamais infléchi son arrogance envers son allié le plus puissant, les USA.
Pourquoi devrions- nous faire des compromis dans la bataille du boycott ? Le premier remède à tout ce qui précède est un boycott total.
Un boycott total contre une occupation totale. C’est un minimum.
Antoine Raffoul*
*Architecte palestinien habitant et pratiquant à Londres. Il est né à Nazareth et a été expulsé avec sa famille de Haïfa en avril 1948. Il est le fondateur et le coordonnateur de 1948 : Lest.We.Forget. un groupe faisant campagne pour la vérité au sujet de la Palestine. On peut lui écrire chez info@1948.org.uk.
(Traduction : Anne-Marie Goossens)
CAPJPo-EuroPalestine