Est-ce par hasard qu’Israël a donné son feu vert lundi à la construction de 112 logements dans une implantation de Cisjordanie occupée ? Est-ce par hasard que l’annonce a été faite au moment même de la reprise des discussions indirectes entre les deux parties via les Etats-Unis, mais aussi au moment de la visite de deux personnalités politiques américaines venues relancer le processus de paix, l’émissaire pour le Proche-Orient George Mitchell et le vice-président américain Joe Biden ?
La réponse est sans doute par la négation. En faisant cette annonce, Israël donne le ton : il ne faut pas s’attendre à la moindre concession. C’est donc le scepticisme qui règne. Dans un tel climat, et l’annonce israélienne, on se demande comment il sera possible d’avancer sur une question-clé, notamment celle des colonies. Sans compter les autres dossiers brûlants : Jérusalem, le tracé des frontières, le droit de retour, etc.
Dans de telles conditions, les Etats-Unis, parrain principal du processus de paix, tentent tant bien que mal d’intensifier leurs efforts. L’objectif se limite désormais à reprendre langue uniquement. D’ailleurs, ce ne sont ni les Israéliens, ni les Palestiniens qui ont annoncé la reprise des négociations, mais les Américains. « A ma connaissance, (les négociations) ont commencé. Elles sont en cours. Pour ce qui est de leur contenu, George Mitchell est en train de rentrer (à Washington). Il rendra compte à la secrétaire » d’Etat Hillary Clinton, a déclaré dimanche soir le porte-parole du Département d’Etat, Philip Crowley. Cette semaine a ainsi vu un chassé-croisé américain dans la région. D’abord George Mitchell, qui a quitté la région dimanche après des entretiens avec les responsables des deux parties, ensuite Joe Biden, actuellement sur place.
Mais les efforts américains font face à l’intransigeance israélienne. En se félicitant de la reprise des pourparlers, le premier ministre israélien a rappelé les exigences israéliennes. Des exigences qui n’augurent rien de bon. Tout règlement de paix doit se fonder sur deux principes : « La reconnaissance d’Israël par les Palestiniens comme Etat du peuple juif et des arrangements garantissant sa sécurité », a-t-il dit.
Avec ces deux « conditions » et avec l’annonce de la construction de nouvelles colonies à Jérusalem, le scepticisme est le mot d’ordre. Déjà, avant même cette annonce, c’est avec des réserves que l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) a accepté dimanche de mener pendant une durée limitée (4 mois) des « négociations de proximité » avec Israël via le sénateur George Mitchell. Si les Etats-Unis sont parvenus à franchir un obstacle majeur en arrachant cet accord aux Palestiniens, les analystes restent très sceptiques sur les chances de succès, notamment en raison des obstacles israéliens sur l’ensemble des questions essentielles.
Comme de coutume, côté israélien, on joue avec les mots en tentant de feindre la bonne volonté. « La secrétaire d’Etat Hillary Clinton ainsi que le vice-président Biden savent que l’essentiel est que le premier ministre est prêt à tout moment à engager des négociations directes, qu’il a autorisé la levée de barrages routiers en Cisjordanie et qu’il a décidé d’un gel de la construction de logements », a déclaré le ministre israélien de l’Environnement, Gilad Erdan, alors qu’il annonçait la construction des nouvelles colonies. « En revanche, Mahmoud Abbass (le président palestinien) veut limiter les négociations indirectes à 4 mois après avoir posé des conditions sans précédents pour accepter le dialogue pendant des mois. Ce n’est pas de cette façon que l’on mène des discussions de paix », a accusé le ministre israélien. Pour Tel Aviv, il s’agit de faire porter le chapeau à l’Autorité palestinienne en insistant sur un seul point : l’acceptation israélienne de mener des négociations directes, et les réserves palestiniennes à ce sujet.
Côté palestinien, Nabil Roudeina, porte-parole de l’Autorité palestinienne, a averti : « Il est clair qu’Israël continue à saboter les efforts de paix. L’Administration américaine doit faire en sorte qu’Israël cesse ses activités de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est ». Quant à Saëb Eraqat, le principal négociateur palestinien, il a prévenu que ces discussions indirectes étaient celles de la dernière chance pour parvenir à « une solution de deux Etats pour deux peuples » palestinien et israélien. « La relation s’est détériorée au point que les Américains cherchent à sauver ce processus de paix avec une dernière tentative. Je pèse mes mots : c’est la dernière tentative pour démontrer qu’il s’agit d’un outil susceptible de donner lieu à des décisions entre Palestiniens et Israéliens ». Mais des pourparlers de la dernière chance, il y en a déjà eu, et toujours sans résultats.
Abir Taleb