Merci au Pr Mazin Qumsiyeh pour cet éclairage sur l’affaire de la Synagogue Hurva (« la Ruine »), à Jérusalem, dont le gouvernement israélien vient de parrainer la consécration, dans le cadre de sa stratégie générale d’expulsion des Palestiniens. Professeur de génétique à l’Université de Bethléem, le Pr Qumsiyeh est parallèlement l’un des animateurs du Comité populaire de résistance au Mur et aux Colonies, à Beit Sahour (Cisjordanie occupée).
Pourquoi il est juste de protester contre la construction de cette synagogue
(Par Mazin Qumsiyeh, traduction CAPJPO-EuroPalestine)
La synagogue Hurva, consacrée en 1864 à Jérusalem, fut détruite par l’armée jordanienne en 1948, au cours des combats pour le contrôle de la Vieille Ville. Il faut dire qu’à cette époque, les forces armées sionistes s’étaient emparées des synagogues, pour y établir des avant-postes et des entrepôts d’armes, faisant d’elles des objectifs militaires non contestés, de part et d’autre.
Pour autant, comment expliquer la colère qui a éclaté, à propos de la “re-consécration”, cette semaine, de la synagogue, à proximité immédiate de l’Esplanade des Mosquées ? Rappelons d’abord que le droit international établit clairement que Jérusalem-Est est un territoire occupé illégalement par Israël, et que toutes constructions durables dans des territoires occupés sont en infraction avec les Conventions de Genève. Tous transferts de populations vers des territoires occupés, a fortiori lorsqu’ils s’accompagnent de la création d’infrastructures destinées à ces personnes, contreviennent aussi bien à l’esprit qu’à la letter de la loi.
Il faut également tenir compte de la propagande provocatrice qui a accompagné, côté israélien, l’inauguration de la synagogue Hurva. Citons le média Israel News, lorsqu’il écrit : « Selon une prophétie rabbinique centenaire, qui semble bien être en voie de réalisation, Israël commencera le 16 mars 2010 (la cérémonie a eu lieu le 16 mars, NDT), la construction du Troisième Temple de Jérusalem. Au XVIIIème siècle, le Gaon de Vilnius, une célèbre autorité rabbinique, avait fait la prophétie selon laquelle la synagogue Hurva, édifiée une première fois de son vivant, serait détruite, puis reconstruite deux fois, mais que lorsque sa troisième construction serait achevée, alors sonnerait l’heure de la construction du Troisième Temple ». Voir : http://www.israeltoday.co.il/default.aspx ?tabid=178&nid=20063
Il y a beaucoup d’Israéliens qui prennent la chose au plus sérieux, et on observe une prolifération de signaux, de cérémonies et autres initiatives destinés à lancer officiellement le projet de construction d’un troisième temple.
Inquiétant. Car il y a à cet endroit des sites musulmans importants : s’y trouvent la première Qibla (signe désignant la direction de La Mecque, pour effectuer la prière) ; et le Haram al Sharif, troisième lieu saint de l’Islam. Mais des fouilles israéliennes menaçant le site sont déjà en cours, et l’affaire de la synagogue n’a fait qu’ajouter de l’huile sur le feu. En troisième lieu, les Palestiniens, les Arabes, les Musulmans, et avec eux une bonne partie de l’opinion mondiale se demandent comment on peut reconstruire une synagogue, alors qu’au cours des 60 dernières années, Israël a interdit la reconstruction d’aucune des 1.200 mosquées et 200 Eglises chrétiennes qu’il a détruit au cours des 60 ans qui viennent de s’écouler. Comme la majorité des Palestiniens, je sais ce que l’Histoire nous a enseigné : à savoir, qu’au cours de 14 siècles passés sous la loi islamique, Juifs, Chrétiens et Musulmans ont su vivre ensemble pacifiquement, le plus souvent en tout cas (il y a eu quelques exceptions). Nous savons qu’il est possible d’avoir des zones résidentielles juive, chrétienne, musulmanes, et même des quartiers mixtes. Nous savons aussi que des mariages mixtes, le développement de liens amicaux, etc. sont des choses possibles. Mais ce n’est pas le programme sioniste, qui n’a jamais misé sur la coexistence, mais au contraire sur le nettoyage ethnique et la destruction de l’autre. Comment expliquer autrement la destructions de 530 villes et villages ? Comment expliquer autrement la croissance rapide des colonies sur les terres palestiniennes, quand ce n’est pas à l’intérieur même des habitations des Palestiniens ? Je pense qu’il y a certainement assez de place pour tout le monde dans ce pays. Mais pourquoi avons-nous des situations où les Palestiniens n’ont même pas le droit d’aller à l’école, comme cela s’est passé cette semaine, et où des enseignants ont été amenés à faire la classe à un check-point de l’armée israélienne (voir le reportage réalisé par l’agence de presse palestinienne Maan à http://www.maannews.net/eng/ViewDetails.aspx ?ID=269548)
La densité démographique à l’intérieur de la Ligne Verte (les frontières d’Israël au 4 juin 1967, NDT) est désormais 8 fois moins importante que celle observe en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, zones assignees à être des réserves/ghettos pour les Indigènes Palestiniens. Si des Juifs veulent habiter dans la Vieille Ville de Jérusalem et y reconstruire une synagogue, pourquoi interdire aux Palestiniens de retourner dans leurs anciens quartiers de Jérusalem-Ouest, et y reconstruire les nombreuses églises et mosquées qui s’y trouvaient ?
Mazin Qumsiyeh, PhD
Popular Committee to to Resist the Wall and Settlements-Beit Sahour http://www.qumsiyeh.org http://www.pcr.ps
CAPJPO-EuroPalestine