jeudi 15 octobre 2009 - 06h:16
Benjamin Joffe-Walt - Uruknet
Israël a prolongé la détention d’un activiste de Cisjordanie qui, selon des groupes de militants, serait le premier Palestinien à être emprisonné uniquement pour avoir recommandé le boycott international d’Israël.
Mohamed Othman, 33 ans, habitant du village de Jayyous en Cisjordanie, a vu sa détention prolongée de 12 jours lors d’une audition devant le tribunal militaire de Salem dans le nord de Israël, la semaine dernière. Le service israélien de la sécurité intérieure avait demandé une prolongation de 23 jours.
Othman a été arrêté par le service de sécurité israélien, généralement connu sous le nom de Shin Beth, le 22 septembre, à un poste frontière israélien.
« L’homme a été appréhendé pour interrogatoire au sujet de questions de sécurité et il est toujours détenu » a dit une source de la sécurité israélienne à The Media Line.
« Les Israéliens avaient quatre options, » a dit à The Media Line, Samer Sam’an, l’avocat qui représente Othman. « Ils pouvaient le laisser partir, prolonger sa détention pour d’autres interrogatoires, utiliser des preuves secrètes pour le placer indéfiniment en détention administrative ou l’inculper de quelque chose devant un tribunal militaire. »
Tandis que des milliers de Palestiniens soutenant la campagne internationale de boycott ont été arrêtés par Israël pour différentes raisons, les groupes d’activistes pensent qu’Othman est le premier Palestinien dont l’emprisonnement peut être attribué uniquement à la campagne internationale de boycott. Othman essayait de rentrer en Cisjordanie après un voyage en Norvège, où il avait rencontré des officiels du gouvernement pour essayer de convaincre la Norvège de boycotter les sociétés qui sont en affaires avec l’armée israélienne ou qui sont impliquées dans les colonies juives de Cisjordanie.
Othman a fait visiter la Cisjordanie à des fonctionnaires norvégiens ; il s’est rendu en Norvège et est parvenu à convaincre un fonds de pension d’État norvégien de se désinvestir, à hauteur de $5.4mn, d’Elbit, une des plus grandes entreprises de défense d’Israël. Le Ministre des finances norvégien, Kristen Halvorsen, qu’Othman a rencontré, a annoncé la décision au début du mois dernier.
L’association de soutien aux prisonniers et des droits de l’homme - Addameer - qui représente Othman juridiquement, affirme que son arrestation est motivée par sa campagne internationale pour le boycott.
« Il n’y a aucune charge contre lui, mais nous croyons que son arrestation est liée à sa campagne internationale, » a dit Magda Mughradi, membre d’Addameer, à The Media Line.
« Ils disent : il est membre d’une organisation terroriste, mais ils ne nous en n’ont pas donné le nom, », a indiqué àThe Media Line, Mahmoud Hassan, avocat d’Addameer. « Ils ne disent pas : vous êtes membre du Hamas, vous êtes membre du Fatah, vous êtes membre d’Al-Qaeda, ils disent simplement qu’il est membre d’une organisation non identifiée, qui n’est pas « bonne ». Fondamentalement, ils ne savent pas quoi dire et ils n’ont même pas de preuves secrètes justifiant son placement en détention administrative. »
Othman a été arrêté au passage israélien d’Allenby entre la Jordanie et la Cisjordanie ; deux jours plus tard, il a été transféré au centre de détention de Kishon dans le nord d’Israël. Il y est resté plus d’une semaine en attendant une audition initiale au cours de laquelle le Shin Beth a demandé que sa détention soit prolongée de 23 jours pour terminer son enquête.
Sam’an, qui a représenté Othman à l’audition initiale, a demandé à avoir accès aux preuves secrètes que le Shin Beth prétend avoir contre son client, demande qui a été refusée.
« Nous avons dit que c’est une arrestation politique et qu’Othman est bien connu par tous ceux qui travaillent dans le domaine des droits humains » a dit Sam’an. « Nous avons signalé qu’il critique également nombre des politiques de l’Autorité palestinienne. »
Le juge a accordé au Shin Beth une prolongation de 10 jours et jeudi, et il a prolongé sa détention de 12 jours. Hassan dit que son client est en détention solitaire et est interrogé quotidiennement.
« Ils l’interrogent de cinq à 10 heures par jour au sujet de son activité à l’étranger, » dit-il. « Certains jours ils l’ont interrogé de 8h du matin jusqu’au minuit. Ils l’insultent, le maltraitent et menacent de s’en prendre à sa soeur. »
Il y a plus de 10 000 Palestiniens actuellement emprisonnés par Israël, dont beaucoup, disent les Palestiniens, sont détenus illégalement et exclusivement pour des raisons politiques. Les groupes palestiniens ont décidé de faire connaître l’arrestation d’Othman car c’est le premier cas d’un Palestinien dont on peut prouver qu’il a été arrêté uniquement pour sa campagne en faveur du boycott.
« Ils ne peuvent l’accuser d’aucun acte criminel, » a dit à The Media Line Jamal Juma, directeur de la campagne palestinienne Stop the Wall. « Il n’y a absolument rien dont ils peuvent l’accuser si ce n’est qu’il participe, au niveau international, au mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions. Il travaille au grand jour et il n’y a aucune loi qui lui interdit de participer au mouvement de boycott. »
« Ils veulent seulement l’effrayer, » dit Juma . « Ces deux derniers mois, il est allé deux fois en Norvège. S’il faisait ici quelque chose considéré comme illégal, pourquoi l’auraient-ils autorisé à sortir du pays ? »
« S’ils avaient des charges graves contre lui, ils les auraient précisées et ils n’auraient pas autorisé un avocat à lui rendre visite » dit Juma.
« S’il avait été impliqué dans quelque violence locale, ils l’auraient arrêté il y a bien longtemps, » dit-il. « Beaucoup de personnes de son village ont été arrêtées simplement pour avoir lancé des pierres. Mohamed n’a jamais été arrêté. »
Juma et d’autres avocats palestiniens qui ont travaillé étroitement avec Othman disent que son militantisme est né de l’effet qu’a eu sur sa famille la barrière de séparation en Cisjordanie.
« Mohamed vient d’une grande famille pauvre dans le village de Jayyous, en Cisjordanie, » dit Juma. « Des parcelles de ses terres ont été isolées derrière le mur et c’est pourquoi il est devenu militant, afin de montrer la menace que l’occupation représente pour sa famille et son village »
« Il a continué son activisme localement et internationalement, invitant des personnes, des organisations et des gouvernements à boycotter Israël pour les crimes qu’il a perpétrés contre le peuple palestinien, » dit-il. « C’est la raison pour laquelle il a été ciblé par les Israéliens. »
Des groupes palestiniens prétendent qu’Israël a arrêté un certain nombre d’activistes par représailles pour leur participation à la campagne internationale. Le plus notable d’entre eux, Mohamed Srour, a été arrêté et détenu pendant trois jours en juillet après avoir témoigné, à Genève, devant la mission d’enquête de l’ONU sur le conflit de Gaza. Srour, membre du Comité populaire contre le mur à Ni’lin en Cisjordanie, a décrit la mort de deux Palestiniens du village lors de manifestations contre la barrière de séparation. Dans son rapport au Conseil des droits de l’homme, la mission de l’ONU s’est demandée si la détention de Srour « était peut-être une conséquence de son témoignage devant la mission ».
Mais Daniel Seaman, directeur du service de presse du gouvernement israélien, a dit qu’il est impensable d’imaginer qu’Israël arrêterait quelqu’un pour avoir encouragé le mouvement de boycott.
« Participer à un boycott n’est pas illégal en Israël, » a dit Daniel Seaman à The Media Line. « Nous sommes en démocratie, et si vous voulez boycotter faites-le à fond, et quiconque vous dit que cet homme a été arrêté à cause du boycott est aussi ridicule que l’accusation elle-même. »
Toutefois, la plupart des Israéliens considèrent le mouvement international de boycott, désinvestissement et sanctions contre Israël BDScomme une menace nationale sérieuse ; beaucoup voient dans l’appel au boycott l’équivalent d’une insurrection et selon plusieurs analystes israéliens, la menace que le boycott représente pour Israël justifie l’arrestation de ses dirigeants.
« Israël doit se défendre et devrait arrêter des gens comme eux » dit Ron Breiman, ex-Président de Professeurs pour un Israël fort, un des fondateurs de la faction séculaire de Hatikva de l’Union nationale, aile droite du parti politique nationaliste en Israël.
« Nous avons souffert pendant des décennies sous le boycott arabe d’Israël, » dit-il. « Mais Israël en a profité d’une certaine façon car nous avons été obligés d’élargir nos relations et de fonder notre commerce extérieur sur des échanges avec des pays plus développés plutôt qu’avec ceux de notre région. »
« Maintenant, il s’agit du boycott par des pays européens, » a dit Breiman. « Ceci peut nous nuire davantage, et si les Israéliens ne peuvent pas voyager en Europe, c’est un problème. »
« Mais si nous devons nous défendre, nous le ferons » a-t-il dit. « Nous ne pouvons pas nous suicider et cesser de défendre nos citoyens à cause de la menace de quelque boycott norvégien ou suédois. »
Un juge militaire examinera la détention d’Othman, le 20 octobre. - The Media Line
11 octobre 2009 - Uruknet.info - Ce texte peut être consulté ici :
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Traduction : Anne-Marie Goossens