Le Premier ministre israélien semble métamorphosé. Plus détendu et pondéré, il inspire même le respect à ses adversaires. Il paraît disposé à rester longtemps au pouvoir.
15.09.2009 | Attila Somfalvi | Yediot Aharonot
© AFP
epuis quelques jours, il est impossible de ne pas voir le grand sourire affiché par Benyamin Nétanyahou. Quelque chose, on ne sait pas encore très bien quoi, est venu donner une bouffée d’oxygène à cette administration menacée depuis l’investiture de Nétanyahou. Pendant des mois, si le gouvernement a fait la une de l’actualité, c’est à cause du bardak [“bordel”, en argot russe] qui y régnait et des effluves de corruption qui s’en dégageaient. Après de longs mois de bugs à répétition, le cabinet du Premier ministre a en quelque sorte réussi à réinitialiser son système d’exploitation. Les prévisions économiques sont bonnes, le budget a été voté pour les deux prochaines années, Washington a baissé le ton et, surtout, le calme règne sur le front sécuritaire.
Sur le plan politique, on observe également une amélioration significative. Les principaux ministres du gouvernement confirment que, depuis plusieurs semaines, le Premier ministre semble plus détendu et moins hystérique. Selon un ministre du Likoud, “il a suffi que Nétanyahou se décide à taper du poing sur la table et brandisse la menace de limoger plusieurs de ses ministres pour que les choses s’arrangent. Il a fait monter la pression, en imposant aux députés de sa majorité qu’ils adoptent la ‘loi Mofaz’ [une loi faite sur mesure pour permettre à une partie des députés de Kadima de quitter le parti de centre droit de Tzipi Livni et de réintégrer le Likoud en cours de législature]. Enfin, il est parvenu à faire passer à la hussarde la réforme de l’administration.”
Même au Parti travailliste, on ne tarit pas d’éloges à l’égard de la métamorphose de Nétanyahou, et ils sont nombreux à parler du “boss” en des termes que l’on serait bien en peine d’entendre dans leur bouche à propos d’Ehoud Barak [président du Parti travailliste et ministre de la Défense]. “Il en impose grâce à une pondération et à une austérité qu’on ne lui connaissait pas jusque-là”, reconnaît un ministre travailliste. “C’est un autre monde.”
Nétanyahou se sent d’autant plus pousser des ailes que Washington semble désormais opter pour une attitude conciliante dans ses rapports avec Israël. Les premières pages des journaux annonçant une grave crise avec les Etats-Unis ne sont plus d’actualité. Dans l’opposition, Kadima et Tzipi Livni multiplient certes les attaques contre un gouvernement accusé de manquer de vision et de naviguer à vue en zigzaguant d’une tactique à l’autre pour gagner du temps. Dans l’entourage de Nétanyahou, on refuse pourtant de s’en faire. Et surtout pas maintenant, alors que l’opinion publique américaine soutient clairement Israël et qu’Obama n’en finit pas de perdre des plumes. “Il va se passer des choses”, prévient-on cependant au Likoud. “Nétanyahou comprend qu’il doit agir. Agir, cela signifie renvoyer la balle dans le camp palestinien. Calmement, les choses mûrissent, et l’on va sans doute assister à une percée diplomatique sur les questions de sécurité.”
Le Premier ministre a d’autant moins de soucis à se faire pour la stabilité de sa coalition qu’il n’existe pas de véritable opposition, ni en interne ni en externe. Les ambitions de Moshe Yaalon [ancien chef d’état-major appartenant à l’aile dure du Likoud] ont été revues à la baisse, tandis que l’horizon des partisans de Moshe Feiglin [extrême droite infiltrée au sein du Likoud] est saturé de points d’interrogation. Lorsque les militants de la droite du Likoud essaient de faire chavirer l’esquif gouvernemental en multipliant les esclandres publics chaque fois que sont prononcés les mots “gel” et “implantations” [l’arrêt de la construction de colonies], c’est tout bénéfice pour Nétanyahou. En bref, il peut compter sans trop de problème sur les ministres centristes du Likoud pour assurer la stabilité de sa coalition hétéroclite.
Cependant, certains de ses proches lui reprochent de se désintéresser un peu trop ostensiblement de la politique politicienne et de se montrer distant par rapport à sa base. Mais, lorsque les fêtes juives [nouvel an et Kippour] seront passées et que les vacances parlementaires auront touché à leur fin, Nétanyahou n’aura peut-être bientôt pas d’autre choix que de s’investir de nouveau en politique. En effet, “il ne pourra pas compter indéfiniment sur le soutien paradoxal que lui apportent les provocations du ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman [extrême droite russophone] dans son bras de fer avec les Américains”, affirme non sans un certain cynisme un ministre du Likoud.
article original ici:
http://www.courrierinternational.com/article/2009/09/15/netanyahou-solide-comme-un-roc