Publié le 21-07-2009
L’été de la désolation à Gaza, où le Hamas, en imposant l’ordre, entend résister à un impitoyable blocus israélien
Gaza, envoyé spécial Il règne un silence sépulcral dans les champs de ruines d’Assalam, quartier situé à l’est de Jabaliya, au nord de la bande de Gaza. Les habitants ont fui la fournaise des tentes. Les organisations caritatives ne viennent plus distribuer de nourriture. Le soleil et la désolation se sont emparés de cet univers de destructions. Rien ne bouge. La vie s’est envolée. Seules quelques familles se cramponnent à ce qui fut leur maison. "Où voulez-vous que j’aille ? Je n’ai pas le choix. J’essaie de faire comprendre à mes enfants que désormais la vie va être comme cela. Que c’est notre nouvelle maison !", explique Mohammed Khader Avec ses sept enfants et sa femme, il trouve refuge sous un auvent constitué par une dalle de ciment cassée en deux, parmi les tiges de fers à béton et les gravats. Avec l’argent que lui ont donné le Hamas, qui contrôle Gaza, et l’ONU, il a racheté un réfrigérateur, une télévision, une machine à laver. Il a installé une cuisine sous une tente, et épinglé un tableau électrique de fortune sur un pilier avachi. Les poules et les pintades déambulent dans ce décor sinistré. Mohammed Khader, 47 ans, se sent oublié, abandonné. Il n’a plus de travail, seulement un semblant de toit. Et ses espoirs ont disparu. "Notre situation se détériore de jour en jour et il n’y a aucun indice que cela va changer. Lorsque je n’aurai plus d’argent, comment est-ce que je vais faire vivre ma famille ? Les deux premiers mois, tout le monde est venu nous voir et nous a fait des promesses. Maintenant, nous ne voyons plus personne. Dites bien à la communauté internationale que nous sommes toujours là et que nous attendons que des pressions soient exercées sur Israël pour que les choses changent, pour que nous puissions reconstruire." Six mois après la fin de son offensive militaire sur Gaza, l’Etat juif maintient un blocus rigoureux sur la bande de terre. N’entrent que les victuailles, pour éviter une famine. Et encore, certains mois, le chocolat, le sucre, la sauce tomate, les pâtes sont bloqués sans que personne n’en comprenne la raison. L’embargo sur le ciment et les matériaux de construction est total. Dans les champs de ruines, les récupérateurs font éclater à la masse les blocs de béton disloqués pour en extraire les précieuses tiges de fer. De petites quantités de ciment sont importées d’Egypte par les tunnels. Mais c’est loin d’être suffisant pour reconstruire. Il faudrait d’abord déblayer d’énormes amas de ruines. L’ONU estime qu’il faudra un an pour en venir à bout. Alors, les Gazaouis refont des briques avec de la terre séchée pour boucher les trous percés par les bombardements et se refaire une intimité. "Chaque fois, on croit que le pire est arrivé mais il y a toujours plus pire que pire. Bientôt, on va revenir au Moyen Age", fait remarquer un humanitaire qui préfère rester anonyme. Mohammed Khader a planté un drapeau palestinien sur le sommet de sa maison en ruine. "C’est pour bien montrer aux Israéliens qui souhaitent que l’on disparaisse que nous resterons sur notre terre." Sa femme, Souad, demande que Barack Obama vienne se rendre compte sur place. "S’il est vraiment un homme de paix, qu’il fasse le voyage plutôt que d’aller au Caire, capitale d’un pays qui participe au blocus." La seule ouverture vers le monde extérieur est le point de passage de Rafah, au sud. Les autorités égyptiennes ne l’ouvrent qu’avec parcimonie. La dernière fois, fin juin, seuls huit autobus venant de Gaza ont pu franchir la frontière. Des milliers de personnes ont attendu en vain. Elles espèrent toujours que la prochaine fois sera la bonne. Le trafic par les tunnels creusés en direction de l’Egypte, sous la frontière, permet au 1,5 million d’habitants de Gaza de se procurer des marchandises de toutes natures. Mais leur activité s’est ralentie depuis la guerre, du fait des bombardements israéliens (pour empêcher l’approvisionnement en armes) et d’une plus grande surveillance égyptienne, pour faire pression sur le Hamas afin qu’il signe un accord de réconciliation avec le Fatah de Mahmoud Abbas. La contrebande des tunnels est une source de revenu importante pour le mouvement islamiste. Des fortunes énormes se sont constituées et le Hamas ne manque de rien. La Banque islamique nationale, sa propre banque, a ouvert ses portes il y a quelque mois. Elle fonctionne à plein régime. C’est elle qui, désormais, paye les salaires des fonctionnaires du Hamas. De son côté, la population tente de survivre. Les tunnels sont pratiquement la seule source d’embauche. Ils emploieraient environ 16 000 personnes. Chaque mètre creusé rapporte 100 dollars aux tunneliers, mais en deux ans, 115 Palestiniens ont été ensevelis dans des boyaux percés dans les sables. Mohammed n’en peut plus de creuser. Il craint tous les jours pour son existence et rêve d’une vie normale. "Nous sommes réduits à l’état d’esclaves. Dites-le bien dans votre pays !", se lamente-t-il, épuisé après une journée passée sous terre. Depuis la fin de l’année scolaire, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, l’Unrwa, a installé ses camps de vacances sur les plages pour divertir les enfants. Le Hamas lui fait concurrence et ne voit pas toujours d’un bon oeil toute une frange de la population échapper à son contrôle de plus en plus serré. Dans les camps islamistes, l’organisation est rigoureuse, presque militaire. On marche au pas cadencé. On obéit au sifflet. Les enfants portent une casquette verte et les moniteurs un foulard rouge noué autour du coup. L’endoctrinement est en marche dès le plus jeune âge, sous les drapeaux de la Palestine et du Hamas cousus ensemble. Ailleurs sur les plages, les forces de sécurité veillent à ce que l’ordre islamique règne. Pas question pour les femmes de montrer un carré de peau. Il est interdit pour les hommes de se baigner sans tee-shirt et le caleçon de bain doit arriver aux genoux. Quelque 20 000 mètres cubes d’égouts et 40 000 autres d’eaux usées partiellement traités ont beau se déverser chaque jour sur le littoral, la baignade reste l’unique distraction des Gazaouis. Michel Bôle-Richard
CAPJPO-EuroPalestine