Palestine. Faute d’entente, le dialogue entre le Fatah et le Hamas a été reporté au 25 août. Un report qui intervient alors que le Fatah fait face à une crise interne et que le processus de paix est dans l’impasse.
C’est un nouveau coup dur que subissent actuellement les Palestiniens. A l’heure où le processus de paix est en panne, et plutôt que d’unir leurs forces, les Palestiniens ne font qu’afficher des différends de plus en plus profonds et dangereux.
D’abord, sur le plan du dialogue interpalestinien, la situation reste toujours bloquée. Alors que le Hamas et le Fatah étaient censés parvenir à un accord début juillet, les différends entre les deux parties restent entiers. Après six rencontres infructueuses, un ultimatum avait été fixé au 7 juillet par Le Caire afin de tenter de parvenir à un accord. Sans succès. Une nouvelle rencontre, celle de la dernière chance, initialement prévue le 25 juillet, a été reportée d’un mois. Officiellement, la raison donnée est de permettre davantage de discussions entre les deux rivaux palestiniens, et ce pour donner plus de chance de réussite à ces négociations. Mais cette raison ne cache pas l’ampleur des divergences qui persistent entre le Hamas et le Fatah. « Les responsables en Egypte ont trouvé que les questions en suspens nécessitaient plus de négociations et d’efforts. La date fixée pour le dernier round du dialogue, le 25 juillet, ne (laissait pas assez de temps) pour résoudre ces différends », a indiqué dimanche dernier la Mena, citant « des sources palestiniennes informées ». Cette décision est intervenue alors que des responsables du Fatah du président Mahmoud Abbass et du mouvement islamiste Hamas se trouvaient cette semaine au Caire, où ils ont discuté pendant deux jours du bilan des négociations. Mais de profondes divergences subsistent, notamment sur la question des prisonniers du Hamas, détenus par le Fatah en Cisjordanie.
La guerre entre les deux frères ennemis, qui a commencé après la victoire du Hamas aux élections du 25 janvier 2006 et qui a abouti au coup de force des islamistes à Gaza en juin 2007, est donc loin d’être terminée. Les deux camps s’accusent mutuellement de vouloir comploter l’un contre l’autre, aussi bien à Gaza qu’en Cisjordanie. Et, sur le terrain, la tension est vive. Dimanche dernier, lors d’une opération contre un membre du Hamas en Cisjordanie, les forces palestiniennes de sécurité ont blessé par balles deux personnes dimanche. Selon une source des services de sécurité, une fusillade a éclaté lorsque des habitants du camp de réfugiés de Djalazoune, près de Ramallah, ont vainement tenté d’empêcher les forces palestiniennes d’arrêter Halil Ali, qui appartient au mouvement islamiste. Selon des témoins, les deux hommes blessés par balles, dont la vie n’est pas en danger, sont des membres de la famille du militant du Hamas. Le Fatah et le Hamas s’accusent mutuellement d’arrestations et d’actes de torture. Entre 150 et 200 fidèles du Fatah ont été appréhendés dans la bande de Gaza en représailles à des opérations de police menées en Cisjordanie contre le Hamas par les forces de sécurité de Mahmoud Abbass, président de l’Autorité palestinienne. Deux membres du Hamas sont également morts en prison dans des circonstances non élucidées, mais sans doute victimes de tortures. Près de 800 islamistes seraient aussi détenus par l’Autorité palestinienne. Dans un tel climat, les chances de réconciliation entre le Hamas et le Fatah sont minimes. Or, en cas de nouvel échec, rien ne pourra être possible. Six mois après la fin de la guerre à Gaza, l’enjeu est donc capital. Et les risques énormes.
Dissensions au sein du Fatah
Or, le Fatah lui-même est loin d’afficher une unité. Une crise politique interne a éclaté au sein de la principale composante de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), après les déclarations faites, le 14 juillet, par Farouq Kaddoumi, numéro deux du Fatah et chef du département politique de l’OLP. Celui-ci a accusé le président palestinien Mahmoud Abbass et le dirigeant Mohamad Dahlane d’avoir comploté avec Israël, à l’époque d’Ariel Sharon, pour tuer par empoisonnement l’ancien président et dirigeant historique palestinien Yasser Arafat. Chef du Fatah, principale composante de l’OLP qu’il présidait, et premier chef de l’Autorité autonome palestinienne issue des accords d’Oslo de 1993, celui-ci est mort en novembre 2004 à Paris d’un mystérieux mal qui n’a jamais été clairement identifié. « Ce rapport est un tissu de mensonges », avait réagi dès la semaine dernière le comité central du Fatah sur son site Internet dans un communiqué, accusant Kaddoumi, un pro-syrien resté en exil à Tunis après les accords d’Oslo qui ont permis à Arafat de regagner sa patrie, de « diviser le Fatah et d’empêcher la tenue du 6e congrès ». Cette crise intervient en effet à la veille du 6e congrès du Fatah, qui doit se tenir le 4 août à Bethléem, en Cisjordanie, premier congrès du Fatah depuis vingt ans. Pour certains responsables du Fatah, les déclarations de Kaddoumi, après cinq ans de silence, visent à torpiller le congrès du Fatah.
Quoi qu’il en soit, une bonne partie de l’opinion palestinienne et de la classe politique, y compris au sein du Fatah, considère que le président Yasser Arafat est mort assassiné. Mais cette fois-ci, la thèse connue prend l’allure d’un séisme politique quand elle est reprise par le numéro 2 du Fatah. Celui-ci ne s’est pas contenté de mettre en cause Mohamad Dahlane — devenu aux yeux de beaucoup de Palestiniens le représentant arrogant des services américains —, il a élargi ses accusations au chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbass. Cette fois-ci donc, c’est la légitimité du président Abbass qui est mise en cause. Et cette accusation est d’autant plus grave qu’elle consacre non seulement une rupture définitive entre les deux hommes, mais aussi à l’intérieur du Fatah.
Aussi, pour Farouq Kaddoumi et de nombreux cadres du Fatah, organiser le congrès en Cisjordanie occupée signifie automatiquement l’exclusion de tous les opposants à la ligne actuelle de l’Autorité palestinienne. En effet, ceux-ci voulaient qu’il se tienne plutôt à l’étranger. Mais en choisissant d’organiser le congrès du Fatah dans les territoires occupés, Mahmoud Abbass et ses collaborateurs se donnent les moyens d’une victoire facile, puisque les opposants en sont de facto exclus. Or, cette victoire annoncée est bien amère. Les déchirements au sein du Fatah illustrent clairement que la confrontation qui oppose, depuis des années, le Hamas et l’Autorité palestinienne n’est pas réductible au schéma d’une opposition simpliste entre un courant « laïc » et un autre islamiste. L’enjeu est bien plus grand. Il s’agit d’avoir une définition commune de ce qu’est l’intérêt national palestinien. Une nécessité pour faire face à l’ennemi israélien. Une chimère au vu d’autant de crises internes entremêlées.
Abir Taleb
alahram.org