La dernière guerre contre Gaza n’a en rien changé la position idéologique et les objectifs du Jihad islamique, qui sont de résister à l’occupation et de récupérer l’intégralité de la terre de Palestine.
- Combattants du Jihad islamique, dans la ville de Gaza le 29 août 2014, lors d’un rassemblement pour célébrer ce que les militants qualifient de victoire sur Israël - Photo : Reuters/Ibraheem Abu Mustafa
Lors d’une interview avec Al-Monitor, Khaled al-Batsh, un des responsables du Jihad islamique, a souligné que le mouvement s’est engagé à respecter le cessez-le-feu, et il a nié toute connaissance de bombardements au mortier sur Eshkol le 16 septembre : « Nous ne sommes pas au courant de cela. Nous nous sommes engagés à respecter le cessez-le-feu conclu sous les auspices de l’Égypte, tant qu’Israël le respecte de son côté »..
Tout en soulignant la position du mouvement par rapport au cessez-le-feu, al-Batsh rappelle que le Jihad islamique est engagé dans un combat pour la libération nationale et qu’il n’abandonnera pas son droit de résister, reconnu dans les résolutions des Nations Unies.
Hassan Abdo, un écrivain proche politiquement du Jihad islamique, estime qu’il est peu probable que le mouvement modifie ses principes idéologiques et qu’il accepte par exemple l’idée d’un État basé sur les frontières de 1967. Il explique à Al-Monitor : « Cette idée est hors de question dans l’idéologie du mouvement. Le Jihad Islamique estime avoir droit à toute la terre de Palestine. Pourquoi les gens trouveraient-ils cela surprenant, alors qu’Israël exige aussi de disposer exclusivement de toute la terre de Palestine ? »
Pour Abdo, le mouvement a accepté la trêve en adoptant donc une attitude plus souple, mais cela ne reflète pas un changement idéologique dans la stratégie du mouvement et son engagement à la résistance.
La question l’indépendance est claire dans les décisions du mouvement. Le responsable du Jihad islamique, Mohammed al-Hindi, a déclaré lors d’une cérémonie organisée le 11 septembre : « La décision de la guerre n’est pas dans les mains d’un gouvernement ou d’une autorité. Tout le monde sait que nous ne sommes pas un véritable État, que la Bande de Gaza et la Cisjordanie sont occupés et que l’ennemi est celui qui a commencé les hostilités. La résistance est-elle supposée s’asseoir et attendre que la décision de la guerre soit prise ? »
Abdo partage cet avis, considérant que la résistance est une option stratégique tout à fait valide. Il explique que la résistance ne participera à aucune autorité politique en Cisjordanie ou dans la bande de Gaza, afin de ne pas être forcée de faire des concessions politiques.
Il ajoute : « Dans le même temps, le Jihad islamique est conscient de l’importance de la trêve, et considère qu’elle est partie intégrante de la résistance. Elle implique de développer les forces de la résistance comme sa capacité à empêcher les agressions quotidiennes de l’armée israélienne. En résumé, le mouvement n’a que deux options : soit résister à l’occupation, soit se préparer à résister ».
Abdo estime que cette guerre a rendu le mouvement « plus réaliste et plus au fait des dimensions régionales et internationales, en particulier en ce qui concerne les parties qui influent les décisions, comme l’Égypte. Mais la politique n’est pas parvenue à concrétiser à la table des négociations ce que la résistance a imposé sur le terrain ».
Le journal du Jihad islamique Al-Istiqlal, qui paraît deux fois par semaine, reflète clairement la position actuelle du mouvement. Les lecteurs y trouveront rarement un article critiquant le Hamas, qui détient les rênes du pouvoir à Gaza. Dans le même temps, on y trouve de nombreux articles dénonçant l’Autorité palestinienne à Ramallah et en particulier l’ex-président Mahmoud Abbas.
Un analyste politique qui s’est exprimé devant Al-Monitor sous la condition de l’anonymat, a déclaré que cette position est en harmonie avec celle du Hamas : « Cette position a été plus marquée dans la guerre récente, dans la mesure où le mouvement a respecté la décision par le Hamas de s’engager dans la guerre et d’y mettre fin ».
« Le Jihad islamique ne voit pas Gaza comme une entité indépendante de la Palestine, et il n’approuve pas les solutions provisoires. Malgré cela, il a été d’accord sur l’exigence d’un aéroport, d’un port maritime et pour l’ouverture du passage frontalier, qui donneraient à Gaza une dimension politique indépendante. Mais le mouvement a échoué à imposer ses conditions concernant un lien entre Gaza et la Cisjordanie », dit-il encore.
Selon lui, cette alignement avec le Hamas pourrait être interprété comme une discipline nationale. Cependant, le Jihad islamique se démarque aujourd’hui dans une plus faible mesure par rapport au Hamas, ce qui suggère qu’il se prépare peut-être à participer au processus politique et, surtout, au processus de reconstruction.
Le mouvement ne revient cependant pas sur son idéologie, mais serait plutôt en train d’enfoncer ses talons dans le sol, confirmant le célèbre dicton palestinien qui dit : « partenaires dans le sang, partenaires dans la décision ».
Abdo a une opinion différente : « Le Jihad islamique considère le Hamas comme une forte et essentielle composante dans la résistance contre les forces d’occupation, et il ne souhaite pas être en désaccord avec le mouvement à ce stade ».
Il souligne que le Jihad islamique est en bons termes avec tout le spectre politique palestinien. Avec la volonté d’éviter toute rivalité avec une autre faction, il a envoyé une lettre à Abbas pour le remercier du rôle qu’il a joué pendant la guerre. « Le Jihad islamique ne prendra pas part à la bataille entre le Hamas et le Fatah », affirme Abdo.
Malgré cet accord avec le Hamas, la population de Gaza a le sentiment que pendant la guerre, le Jihad islamique a montré plus de solidarité et de sympathie pour la douleur du peuple, et qu’il était plus déterminé que les autres organisations pour mettre fin à la guerre. Ce courant de sympathie apparait dans les résultats d’un sondage réalisé dans la bande de Gaza par le Centre d’études et de recherches Watan. Après la guerre, le soutien pour le Jihad islamique a augmenté de 30,8%, et pour les Brigades Al-Quds, la branche armée du Jihad islamique, de 28,9%.
L’analyste politique indépendant Hani Habib a expliqué à Al-Monitor : « Le mouvement du Jihad islamique est devenu très populaire et a montré au cours de la guerre qu’il était plus cohérent, organisé et flexible. Il n’a pas fait de déclarations contradictoires et s’est profondément préoccupé des souffrances du peuple ».
Habib dit aussi que le mouvement a prouvé que ses liens régionaux n’affectaient pas ses décisions, « ce qui n’est pas le cas des autres organisations dont les décisions sont liées à des forces externes. »
Pour sa part, Batsh souligne que son mouvement a fait de grands efforts pour mettre fin à l’agression israélienne et l’empêcher d’atteindre ses objectifs. « L’occupation n’a pas atteint ses quatre objectifs : occuper Gaza, effacer la résistance, remettre le territoire aux Nations Unies et y importer un parti palestinien qui accepte la présence de l’occupation. »
Il poursuit : « Pendant la guerre, nous avons constamment parlé d’un cessez-le-feu afin de promouvoir la résistance populaire et entretenir l’espoir que l’agression allait s’arrêter. »
Abdo rappelle que le Jihad islamique a dès le début de la guerre demandé un cessez-le-feu. « La stratégie du Jihad islamique consiste à prévenir l’agression [israélienne]. Pourtant, quand celle-ci se produit, la mission du mouvement est de l’empêcher d’atteindre ses objectifs ».
Il souligne que les habitants de Gaza sont satisfaits du Jihad islamique, car c’est le groupe apparu comme le plus attentif à leur souffrance et le plus dévoué à s’opposer à la destruction catastrophique de Gaza, tandis que les actions des autres partis palestiniens étaient plus dépendantes de la situation régionale .
« Le président Mahmoud Abbas était impliqué dans un accord avec un axe régional centré sur l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis et la Jordanie, tandis que le mouvement Hamas opérait dans l’axe Doha-Ankara-Frères musulmans. Le Jihad islamique est sorti du lot avec un programme national qui est le sien », conclut Abdo.
* Asma al-Ghoul est journaliste et écrivain, du camp de réfugiés de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.
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