Dès que la guerre de Gaza s’est interrompue le 26 septembre, des bruits ont commencé à circuler sur un nouvel accord d’échange de prisonniers entre le mouvement Hamas [résistance palestinienne] et l’occupant israélien. Le mouvement islamique tient en effet toujours prisonniers les soldats israéliens qu’il a capturés lors de la dernière guerre contre Gaza.
- La mère du prisonnier palestinien Fares Baroud - incarcéré depuis 22 ans dans les geôles israélienne pour fait de résistance - pleure en évoquant la possibilité d’une libération à l’occasion d’un échange de prisonniers - Photo : AFP
Dans une interview avec Al-Monitor, un officiel palestinien proche de l’ex-président Mahmoud Abbas - et qui a souhaité rester anonyme - a déclaré : « Le Hamas a demandé de mener des négociations sur un échange [de prisonniers] avec Israël, séparément des négociations sur le cessez-le-feu, car il choisira une autre délégation que celle qui était conjointe [Fatah-Hamas]. Le sort des soldats israéliens capturés est en effet une question trop sensible. Les Israéliens n’ont rien dit aux Égyptiens sur leur position relative à la demande du Hamas. Cependant, il est évident qu’ils veulent poursuivre cette affaire et tourner la page de la guerre contre Gaza, dont celle des soldats disparus. »
Il a déclaré à Al-Monitor par téléphone depuis Ramallah : « le Hamas et Israël veulent signer un accord d’échange de prisonniers rapidement, et il y a des signes en ce sens venant des deux côtés. La formation d’une autre délégation du Hamas et d’une autre côté israélien pour traiter les cas des soldats disparus, indiquent que nous sommes sur le point de clore ce chapitre. Un accord d’échange assurera la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu et renforcera la période de calme dans la bande de Gaza. »
Mahmoud al-Zahar, membre du bureau politique du Hamas, a déclaré le 18 septembre que les négociations indirectes pour mettre en œuvre l’accord de cessez-le-feu ne comprennent pas la libération des prisonniers et la restitution des corps de soldats israéliens, car ce sujet est séparé et ne devrait être discuté qu’entre la résistance palestinienne [al-Qassam] et Israël.
Des affiches indiquant la possibilité d’un prochain accord d’échange, et signées du Hamas, ont été apposées dans les rues de Gaza depuis le début du mois d’octobre. Elles disent : « Bientôt, un nouvel accord Wafa al-Ahrar. » Le Hamas avait baptisé ainsi le premier échange de prisonniers en 2012. Les affiches en question montrent la photo d’Aaron Shaul - le soldat israélien fait prisonnier par des membres des Brigades Izz ad-Din al-Qassam, le 20 juillet - mais aussi un point d’interrogation, ce qui indique la possibilité qu’un autre soldat est en train de croupir dans les prisons du Hamas.
Al-Monitor a appris qu’il y avait des discussions internes au sein du Hamas concernant un échange pour imposer des avancées suite à la guerre de Gaza, alors que ses revendications n’ont pas été satisfaites sur la levée du siège, l’ouverture de points de passage et la reconstruction.
Al-Monitor a également appris que ces discussions ont confirmé l’engagement du Hamas à aboutir à un accord d’échange afin de renforcer sa popularité. Le Hamas tient à cet accord, de crainte d’avoir trop peu à présenter en terme de succès après la guerre.
Un des dirigeants du Hamas actuellement en Jordanie, Mohammad Nazzal, a écrit sur sa page Facebook le 9 octobre que les négociations sur un échange devraient bientôt commencer mais sans donner de précisions sur le nombre et la situation des prisonniers israéliens dans la bande de Gaza.
Mouchir al-Masri, porte-parole du bloc parlementaire du Hamas pour les médias, a déclaré à Al-Monitor : « Le mouvement a promis aux Palestiniens une nouvelle victoire, représentée par un deuxième échange [de prisonniers], mais il n’a fourni aucune information concernant les prisonniers et les corps de soldats israéliens. Le Hamas a promis un nouvel accord et il est capable d’y parvenir, tout en conduisant des entretiens séparés pour la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu ».
Ismail Haniyeh, vice-président du bureau politique du Hamas, a fait allusion le 6 octobre au fait que le Hamas réserve bien des surprises et que des révélations seront faites dans les prochains jours, faisant référence à un accord d’échange avec l’occupant israélien.
Al-Monitor a rencontré un responsable militaire du Hamas, qui a souhaité rester anonyme, et l’a interrogé sur les prisonniers d’Al-Qassam. Il a répondu : « Ces informations ne seront pas données gratuitement par les médias. Nous avons appris cette leçon de la précédente opération d’échange. Israël est tenu de payer un prix élevé s’il veut en savoir plus sur les soldats que nous avons capturés. C’est un point évident pour la délégation qui sera désignée par le Hamas pour négocier l’accord, sans savoir pour l’instant si elle inclura des responsables militaires ou politiques, ou les deux. »
Il a poursuivi : « Dans les coulisses, il y a une ’guerre des intelligences’, car les services de renseignement israéliens font des efforts inimaginables, que nous constatons tous très bien, afin de déterminer la situation réelle de ses soldats dans les prisons des Brigades al-Qassam. »
Hussam Bedran, un porte-parole du Hamas qui vit au Qatar, a déclaré à Al-Monitor : « Israël mobilise son appareil de sécurité dans le but de recueillir des informations sur ses soldats disparus dans la bande de Gaza. Par expérience, nous avons appris que ce qui est dit dans les médias fait partie de cette bataille. Israël veut créer de la confusion sur cette question, par des déclarations et des rumeurs, dans l’espoir d’obtenir des informations gratuitement. Cependant, la libération des prisonniers aura lieu comme promis par le Hamas, sans indiquer pour le moment les noms des prisonniers que le Hamas veut voir libérés. »
Ibrahim Sarsour, un embre israélo-arabe de la Knesset, a insisté pour que le Hamas obtienne, dans le prochain accord avec Israël, la libération de 48 prisonniers arabes.
Mohammad al-Zyoud, secrétaire général du Front d’action islamique, la branche politique des Frères musulmans en Jordanie, a envoyé le 6 octobre une lettre au responsable du bureau politique du Hamas, Khaled Mechaal, pour demander dans le prochain accord l’inclusion de 22 prisonniers jordaniens dans les prisons israéliennes.
Un responsable égyptien, qui a refusé de révéler son nom, a déclaré à Al-Monitor par téléphone : « Le Caire est préoccupé par l’application de toutes les questions liées à la trêve, y compris l’accord d’échange, car cela contribuera à préserver la sécurité sur ses frontières avec Gaza et à éviter une nouvelle guerre. L’accord aura une incidence positive sur la poursuite de la période de calme dans la bande de Gaza. Peut-être que notre expérience précédente sur la question [du soldat israélien Gilad] Shalit permettrait que l’Égypte soit le bon environnement pour préparer tout accord à venir. »
Le responsable militaire du Hamas a déclaré à Al-Monitor : « Le Hamas est soucieux d’améliorer ses relations avec l’Égypte. Celle-ci pourra parrainer les négociations puisque le mouvement croit que l’Égypte tient à la libération des prisonniers palestiniens. Toutefois, le Hamas ne fermera pas la porte aux efforts régionaux et internationaux qui accéléreraient la résolution d’un accord. »
* Adnan Abu Amer est doyen de la Faculté des Arts et responsable de la Section Presse et Information à Al Oumma Open University Education, ainsi que Professeur spécialisé sur l’Histoire de la question palestinienne, la sécurité nationale, les sciences politiques et la civilisation islamique. Il a publié un certain nombre d’ouvrages et d’articles sur l’histoire contemporaine de la Palestine.