Le Soir publie un article sur la plainte déposée
par la Palestine auprès de la CPI et recueille l’avis d’un expert en
droit international. Une pétition circule d’ailleurs en Belgique pour
dénoncer la passivité des autorités bleges face à l’agression de Gaza.
"Le 25 juillet, le ministre palestinien de la
Justice et le procureur général de Gaza ont mandaté un cabinet d’avocats
français pour déposer une plainte contre Israël pour crimes de guerre
devant la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye. Pensez-vous que
la cour devrait se déclarer compétente ?
A priori oui, il y a des bases assez solides. Les Palestiniens se
basent sur leur déclaration auprès de cette cour qui date de 2009, après
l’opération militaire israélienne à Gaza appelée Plomb durci. Bien que
non-adhérents au traité qui fonde la CPI, les Palestiniens, par cette
déclaration, rendaient la cour compétente. Mais le statut de la
Palestine était alors encore incertain.
Etait-ce un Etat ? Le procureur de l’époque avait joué la montre puis
avait renvoyé la balle à l’Assemblée générale de l’ONU et à l’Assemblée
des Etats parties à la CPI. Toutefois, entre-temps, non seulement la
Palestine a-t-elle été acceptée au sein de l’Unesco mais aussi, en 2012,
comme Etat non-membre de l’ONU. Il n’y a donc aucun doute que la
Palestine a la capacité d’agir devant la CPI. Celle-ci est donc
potentiellement compétente dans le cas de crimes de guerre allégués
comme les attaques contre les civils. La cour peut d’ailleurs très bien
élargir d’éventuelles poursuites au Hamas, par exemple pour des tirs de
roquettes indiscriminés contre Israël.
La CPI peut poursuivre des États comme des organisations ?
Ni l’un ni l’autre. Elle ne peut poursuivre que des individus. Il
avait été envisagé, lors de l’élaboration des statuts de la CPI, de lui
donner compétence à poursuivre des personnes morales (des organisations,
ou même des Etats), mais cela n’a pas été retenu en fin de compte.
Autrement dit, la CPI chercherait à établir qui s’est rendu coupable de
crimes de guerre ou contre l’humanité : celui qui a concrètement
« poussé sur le bouton » d’une action illicite mais elle peut aussi
remonter la chaîne de commandement jusqu’au sommet.
Les crimes commis pendant l’offensive Plomb durci en 2008-2009
paraissent largement semblables à ce qui se passe en ce mois de juillet…
Le parallèle avec Plomb durci semble pertinent. Le Conseil des droits
de l’homme de l’ONU avait, comme cette fois-ci, commandité un rapport –
le fameux rapport Goldstone – qui avait incriminé Israël pour la
disproportion totale entre l’avantage militaire recherché par une série
d’actions militaires et les dommages collatéraux. Quand on voit ce qui
s’est passé ces derniers jours dans certains quartiers de Gaza
complètement rasés, la disproportion, notion juridique importante, est
clairement en cause. Goldstone n’ignorait pas non plus les tirs
indiscriminés du Hamas. Ce rapport n’est pas prescrit, le procureur
pourrait relancer le dossier.
Israël se retranche derrière le fait que l’armée prévient les
populations par tracts, SMS, coups de téléphone, pour qu’elles évacuent
les zones qu’elle s’apprête à bombarder…
Le rapport Goldstone évoquait ces avertissements, estimant qu’ils
pouvaient constituer un élément de précaution à retenir mais notait que,
si les civils ne s’en allaient pas, ces avertissements ne constituaient
pas un élément qui ôtait la responsabilité pénale à celui qui bombarde.
De même, pour la question des « boucliers humains », déjà invoquée par
Israël en 2008-2009 : ce phénomène n’avait pas été démontré et, de toute
façon, il n’aurait pas justifié un feu vert pour tuer des civils quand
bien même le Hamas aurait lui-même commis une violation du droit
humanitaire en se servant de boucliers humains. Le principe de la
disproportion pourrait être ici aussi plaidé.
Par BAUDOUIN LOOS, in Le Soir, Bruxelles, mardi 29 juillet 2014
- Pétition du monde académique, artistique et associatif devant la passivité des autorités belges face aux évènements de Gaza, lancée par la styliste Rachida Aziz :
http://www.europalestine.com