Les événements récents montrent que le fossé entre
l’Autorité palestinienne et le peuple palestinien ne pouvait pas être
plus large.
- Un petit garçon palestinien s’arrête à un stand de jouets installé devant un mur couvert de graffitis faisant référence à la branche armée du mouvement Hamas - Photo : AFP
Alors que l’armée de l’air israélienne sème la mort et la destruction
sur Gaza, et que les manifestations de rage des Palestiniens explosent
dans villes et les camps de Cisjordanie ainsi qu’à l’intérieur de
frontières de 1948 d’Israël, un éditorial figurant dans Haaretz et écrit
par le président de l’Autorité palestinienne révèle clairement que le
fossé entre le peuple palestinien et ses dirigeants ne pouvait être plus
large.
Mahmoud Abbas commence par rappeler que 26 ans ont passé depuis que
les Palestiniens ont approuvé la solution à deux États, en concédant 78%
de leur patrie historique, en acceptant d’avoir un État palestinien sur
ce qui reste de la Palestine à l’intérieur des frontières de 1967.
Abbas termine son développement en assurant Israël qu’il reste
« totalement engagé à la vision d’une solution à deux États, la
normalisation et la paix avec notre voisin - Israël ».
Abbas sait que pour que les Palestiniens et les Israéliens soeint
voisins il doit y avoir deux États indépendants, la Palestine et Israël,
et tous deux avec des frontières clairement définies. Ce n’est plus
possible, étant donné les faits imposés sur le terrain par Israël.
Israël n’a pas l’intention de vivre en voisin, il prévoit de continuer à
exister sur toute la Palestine, l’écrasant, la privant de son oxygène,
expulsant sa population autochtone tout en lui volant ses ressources
naturelles.
Palestiniens ne sont pas comme Abbas voudrait l’imaginer, les voisins
d’Israël. Les Palestiniens sont une population vivant sous occupation,
captive d’Israël et qu’ils en ont assez. Ils aspirent à un soulèvement
et construisent leur résistance avec ou sans l’Autorité palestinienne
[AP].
L’assassinat brutal de l’adolescent palestinien Mohammed Abu Khdeir,
enlevé, torturé et brûlé vif par trois Israéliens après avoir été forcé à
boire de l’essence, est le principal élément déclencheur de
l’insurrection que nous voyons aujourd’hui. Des milliers de gens sont
venus à la tente de deuil d’Abu Khdeir tandis que des dizaines de
milliers ont défilé en suivant ses funérailles.
Son destin a saisi l’imagination des Palestiniens et a une nouvelle
fois exposé la brutalité et la nature vengeresse d’Israël. L’assassinat
d’Abu Khdeir est survenu au milieu de plusieurs autres tentatives
d’enlèvements d’enfants palestiniens par des colons israéliens, ainsi
qu’au milieu des attaques israéliennes contre les Palestiniens dans les
autobus et dans les rues.
Alors que les apologistes d’Israël ont tenté de justifier ces
attaques en affirmant qu’ils sont une réponse directe à l’enlèvement et
l’assassinat de trois adolescents israéliens le 12 juin dernier, la
réalité est que Palestiniens affrontent la mort et la destruction face à
Israël sur une base quotidienne depuis des décennies et ces faits ne
sont que rarement relévés. Selon les statistiques du ministère de
l’Information à Ramallah, 1518 enfants palestiniens ont été tués par les
forces d’occupation israéliennes entre septembre 2000 et avril 2013.
Cela signifie que pour les 13 dernières années, un enfant palestinien a
été tué par les forces israéliennes tous les trois jours.
Titubant dans la bande de Gaza
Même si le Hamas - qui souvent ne craint pas de revendiquer se
responsabilités - a nié son implication dans l’enlèvement des
adolescents israéliens, le gouvernement israélien a affirmé sans aucune
preuve tangible, que le Hamas en était le responsable. Cela a donné à
Israël le prétexte pour effectuer des centaines d’enlèvements. Revenant
sur un accord avec Abbas pour la libération de prisonniers palestiniens,
Israël aa kidnappé des prisonniers récemment libérés, y compris les
députés du Hamas, donnant une fois de plus la preuve que les « gains »
réalisés à la table des négociations étaient facilement réversibles par
Israël. Cette nouvelle a miné l’Autorité palestinienne et son engagement
dans les négociations.
La volonté par Israël de tenir le Hamas responsable abouti à ce à
quoi nous assistons aujourd’hui : une agression militaire israélienne à
grande échelle sur la population assiégée et piégée dans la bande de
Gaza. La situation à Gaza est devenue insoutenable à la fois pour la
population et pour la direction politique du Hamas. L’isolement du Hamas
après un siège de sept ans et la chute des Frères musulmans en Égypte a
forcé celui-ci à opter pour une réconciliation avec l’Autorité
palestinienne.
Cependant, la pression israélienne sur l’AP et l’échec de l’AP à
faire face aux difficultés économiques des employés palestiniens à Gaza,
avec le problème explosif des salaires des fonctionnaires nommés par le
gouvernement du Hamas, ont torpillé la possibilité d’une véritable
réconciliation et d’une direction unifiée pour le peuple palestinien.
De quoi les Palestiniens ont-ils besoin ?
Abbas écrit dans son éditorial dans Haaretz que la négociation peut
être un outil puissant pour apporter la paix, mais il fait l’hypothèse
erronée que les négociations avec Israël ont échoué parce qu’Israël
n’avait pas « un objectif déclaré et des critères connus ». Si quelque
chose est établi, c’est qu’Israël a refusé de définir ses frontières et a
utilisé les négociations comme une couverture pour son expansion
agressive de colonisation. en réalité, le principal obstacle empêchant
les Palestiniens d’aboutir dans leurs efforts de négociation est d’abord
et avant tout l’absence d’effet de levier chaque fois qu’ils sont venus
à la table des négociations.
Abbas cite le droit international en permanence lorsque l’on parle
des droits des Palestiniens, mais citer le droit international est une
chose, tandis que poursuivre activement sa mise en œuvre en dénonçant
les crimes de guerre d’Israël devant la cour internationale de justice
en est une autre. Avoir la justice du côté palestinien n’est pas
suffisant pour contraindre Israël à changer ses politiques brutales et
racistes. Ce qui est nécessaire, ce sont des tactiques qui peuvent
servir à engendrer des pressions, une forte pression internationale,
pouvant forcer Israël à envisager de changer le cours de sa politique.
Ce dont les Palestiniens ont besoin aujourd’hui, c’est d’une direction unifiée qui n’est pas axée sur le maintien de la sécurité
avec Israël, mais sur la contestation de la légitimité des actions
israéliennes devant la Cour internationale de Justice. Ce qui est
nécessaire, c’est une direction qui soit en mesure de soutenir la
résistance populaire palestinienne interne et de lancer des appels de
solidarité au niveau international, pour le boycott, les
désinvestissements et les sanctions (mouvement BDS) afin de tirer parti de l’appui diplomatique.
Comme l’a dit Albert Einstein, la définition de la folie, c’est
toujours répéter encore et encore la même expériences et espérer des
résultats différents. Mahmoud Abbas ne peut pas continuer à agir
toujours de la même façon, tout en attendant que son peuple puisse
croire que cela apportera des résultats différents. Les Palestiniens
sont dans les rues et ils appellent à la résistance active.
Ils sont face aux soldats israéliens de l’occupation. Ils contestent
la soumission qui a été imposée sur le territoire palestinien occupé
depuis des années. Ils se rebellent contre la « paix économique »
d’Israël, tout en exigeant une paix fondée sur la liberté, la justice et
l’égalité pour tous. Ils appellent au boycott, aux désinvestissements
et aux sanctions. Quand la direction palestinienne changera-t-elle ses
tactiques éculées pour se joindre à eux ?
* Samah Sabawi est dramaturge, poète, analyste
politique, et milite pour les droits de l’Homme. Elle a écrit et produit
les pièces « Cries from the Land » et « Three Wishes », saluées par la
critique, et co-écrit le livre « Journey to Peace in Palestine ». Elle
est également conseillère en politique pour Al Shabaka, le réseau de la politique palestinienne.
Traduction : Info-Palestine.eu - Naguib
http://info-palestine.net