Nicolas Falez - RFI
Mahmoud
Abbas est à Paris où il a rendez-vous, ce vendredi 14 octobre 2011,
avec Nicolas Sarkozy. Le président palestinien poursuit une tournée
internationale visant à défendre la demande d’adhésion d’un Etat de
Palestine à l’ONU. Au même moment, ses rivaux du Hamas viennent de
s’entendre avec Israël pour un vaste échange de prisonniers : un millier
de Palestiniens contre le soldat israélien Gilad Shalit, qui possède
également la nationalité française.
La nouvelle a surpris tout le
monde, ce mardi 11 octobre, lorsque le gouvernement israélien et les
islamistes palestiniens du Hamas ont simultanément annoncé avoir conclu
un accord d’échange de prisonniers, grâce à la médiation de l’Egypte. Si
tout se passe comme prévu, dans les prochains jours, 1 027 détenus
palestiniens sortiront des prisons israéliennes et Gilad Shalit, capturé
en juin 2006 à la lisière de la bande de Gaza, sera rendu aux siens.
En se décidant à libérer son seul otage, le Hamas a
réussi un coup d’éclat : il se replace au centre du jeu alors qu’il
semblait sur la touche, ces dernières semaines, au moment du dépôt de la
demande palestinienne de reconnaissance d’un Etat aux Nations unies.
Dans son bureau de Ramallah, Mahmoud Labadi note qu’Israël comme le
Hamas avaient intérêt à conclure : « Israël est isolé dans le monde et
le Hamas aussi est isolé », note ce cadre du Fatah, ancien secrétaire
général du Parlement palestinien.
Mahmoud Abbas à la tribune de l’ONU
La libération d’un millier de détenus (sur un total
compris entre 5 000 et 6 000) aura un impact profond sur la société
palestinienne où la figure du prisonnier est un pilier du mouvement
national. Un point pour le Hamas, alors que dans le camp de Mahmoud
Abbas on savoure encore le succès populaire du discours prononcé par le
président palestinien à la tribune de l’ONU, le 23 septembre dernier. Ce
jour-là, Mahmoud Abbas n’a pas cédé, annonçant qu’il venait de remettre
la demande officielle de la Palestine comme 194e Etat membre de l’ONU,
malgré les pressions internationales et surtout américaine.
Cette détermination a surpris et conquis un grand nombre
de Palestiniens, plutôt habitués ces dernières années, aux reculades et
aux atermoiements de leurs dirigeants. « J’étais très ému, franchement
j’ai failli pleurer, c’était un sentiment très fort, confie Zyad, un
étudiant palestinien rencontré dans le centre de Ramallah. Son attitude,
sa fermeté, c’est un honneur pour le peuple palestinien. J’espère que
les autres pays ne vont pas nous laisser tomber. »
La démarche de Mahmoud Abbas à l’ONU a été critiquée par
le Hamas, ce qui n’empêche pas l’un de ses députés, Ayman Daragmeh, de
parler d’un discours « excellent ». « Je doute que nous obtenions
l’admission de notre Etat à l’ONU car les Américains ont menacé à
plusieurs reprises d’utiliser leur veto, poursuit le parlementaire qui a
connu les prisons israéliennes après son élection en 2006. Mais au
moins, c’est la première fois que nous voyons notre président essayer de
résister aux pressions américaines. »
Réconciliation sans effets
Au printemps dernier les deux grandes factions
palestiniennes, Hamas et Fatah, ont signé un accord de réconciliation.
Mais il n’a toujours pas été appliqué dans les faits.
La guérilla diplomatique de l’Autorité palestinienne et
le succès politique que représente pour le Hamas l’échange de
prisonniers avec Israël permettent aux rivaux palestiniens d’engranger
du soutien dans leur propre opinion. A l’heure où le printemps arabe
déstabilise les dirigeants de la région, les deux grandes familles
politiques palestiniennes ont paradoxalement réussi à rétablir leur
crédibilité, alors qu’elles semblaient à la peine ces dernières années, à
Ramallah comme à Gaza. Reste à savoir si cet « automne palestinien »
peut déboucher sur autre chose qu’une vaine course à la légitimité.