Naplouse - 17 octobre 2011
Par Anne Paq
Les trois derniers jours, j'ai rejoint un groupe d'internationaux qui,
en solidarité avec les fermiers palestiniens, les accompagnent et les
aident lors de la récolte des olives. Le but est aussi de s'interposer
et de mener un rôle de protection en cas d'attaques de colons. La
cueillette des olives est toujours un moment critique pour les
Palestiniens. Beaucoup de ces agriculteurs dépendent de la récolte des
olives pour leur revenu. Dans la seule Cisjordanie, quelque 100.000
familles dépendent des ventes d'olive.
Aujourd'hui, la récolte des olives fournit aux fermiers palestiniens
entre 25 et 50 pour cent de leur revenu annuel, et alors que la crise
économique s'aggrave, la récolte apportent pour de nombreux Palestiniens
leur seul moyen de survie. ("Heritage uprooted", Sonja Karkar, The Electronic Intifada, 3/9/2007)
La récolte est censée être un grand moment de joie et de partage,
pendant lequel les liens sociaux et familiaux se renforcent.
Habituellement toute la famille participe ensemble à la récolte, et il
n'est pas rare de voir trois générations qui travaillent sur le même
arbre. Mais, malheureusement, il n'y a aucun aspect de la vie
palestinienne qui ne soit affecté par l'occupation et la colonisation,
et la récolte des olives est désormais associée non à un moment de joie,
mais à la peur. Habituellement, la récolte correspond en effet à une
recrudescence des attaques des colons contre les Palestiniens et les
activistes qui travaillent à leur côtés. L'armée israélienne harcèle
aussi les fermiers, souvent les empêchant d'atteindre leurs terres, en
prétextant qu'ils ont besoin d'un permis spécial, ou que la zone est
trop dangereuse en raison de la proximité des colonies de peuplement.
Cette année, de nombreux permis n'ont été émis que pour une durée de
trois jours. Dans la plupart des cas, trois jours ne sont certainement
pas suffisants pour récolter toutes les olives. Dans certains endroits,
ils ont dû ramasser ainsi les olives à la hâte, même si elles ne sont
pas mûres, ce qui aura une conséquence négative sur la qualité de
l'huile d'olive.
Le jeudi et le samedi je suis allée participer à la récolte des olives
dans la région de Naplouse, dans des villages qui sont sous la menace
directe des attaques des colons. Jeudi était à nouveau une journée très
ensoleillée en Palestine. Nous sommes allés rejoindre
les fermiers de Burin et avons récolté des olives dans un terrain très
proche de la colonie de Yitzhar, réputée pour être une des colonies les
plus violentes de Cisjordanie . Le champ était
d'ailleurs entouré par de terres brûlées suite à des attaques des colons
il y a environ un mois. Zidane, un des propriétaires de l'oliveraie,
nous a raconté comment il avait déjà perdu beaucoup de terrains et des
centaines de pommiers en raison des colonies. Il nous a aussi avoué que
de nombreux autres villageois sont terrifiés à l'idée de venir sur leurs
propres terres à cause des colons, mais que lui persiste à venir parce
que "si nous n'utilisons plus les terres, les colons vont les prendre".
La veille, Zidane, sa famille et les internationaux ont été repoussés
par les soldats israéliens. Mais nous avons été en mesure de récolter
toutes les olives sur ce terrain sensible, du moins sur les arbres qui
n'avaient pas été brûlés. De Zidane émergeaient une grande force
intérieure et de la sagesse qu'on trouve chez de nombreux Palestiniens.
Il était résolu à ne pas perdre d'autres arbres ni un centimètre carré
de ses terres. Nous avons eu droit au plus merveilleux des petits
déjeuners sous un olivier. Zidane a abord préparé le thé dans une
théière traditionnelle, noircie par le feu. Le petit déjeuner était
aussi très traditionnel avec le délicieux houmous, une purée de haricots
(foul), des tomates et des concombres, zeit et zatar (huile et thym) et
quelques aubergines frites. Ce fut l'un de ces moments parfaits qui
vous font réaliser à quel point la Palestine pourrait
être belle, si seulement l'occupation et la colonisation pouvaient
disparaître. Un de ces moments qui vous aide également à surmonter
toutes les difficultés inhérentes à rester en Palestine
parce que oui, nous avons des moments difficiles, même en tant
qu'internationaux, mais nous avons aussi heureusement nos beaux moments
qui nous aident à garder notre santé mentale.
A Burin, les fermiers ont également reçu un permis pour trois jours
seulement pour cueillir les olives. Cependant, ils ont l'intention de
continuer au-delà de ce délai totalement injuste.
Lire la suite du témoignage d'Anne Paq et ses photos sur son blog, "Chroniques de Palestine".
Source : Chroniques de Palestine