publié le
mardi 11 octobre 2011
Par George Korts, ancien détenu dans les prisons israéliennes
Il existe une relation
dialectique entre le prisonnier et l’idée de liberté qui résulte des
conditions vécues par le peuple palestinien sous occupation. Le
prisonnier sacrifie sa liberté pour la Liberté de la patrie et pour que
le peuple puisse y vivre dans la dignité loin de l’humiliation et de
l’indignité. Il accepte la prison qui est un lieu sombre et de solitude.
La prison est injustice, souffrance et douleurs. C’est le froid et la
faim. C’est le vol de l’être humain et de sa dépendance envers une
autorité toute puissante. La prison c’est un endroit avec de hauts murs
et des barbelés entourant les vivants dans des sortes de fosses
communes. Des cellules et des pièces sombres c’est tout ce qui entoure
le prisonnier, un lieu où il passe de longues années. Rien autour de
lui, sauf de hauts murs froids et désolés. Il s’y habitue et les murs
s’habituent à lui. Avec le temps la prison devient partie du prisonnier.
Et tout autour de lui devient relié à ces conditions qui lui sont
imposées. Et cette expérience reste dans son esprit comme si le temps
s’était arrêté au moment de son arrestation. Et le temps du prisonnier
devient association entre cette situation et les événements qui ont
abouti à son voyage en prison depuis les premiers instants. Le
prisonnier qui perd sa liberté est exposé à toutes sortes de douleurs et
de souffrances causées par les pratiques répressives du gardien, les
pressions physiques et psychologiques systématiques, destinées non
seulement à lui arracher une confession mais aussi à briser sa volonté
de combattant – ce qui est le plus important. On empêche le prisonnier
de dormir pendant de longs jours avec les mains et les pieds entravés et
il est exposé à diverses formes de torture physique et de détresse
psychologique. Cette dernière est la souffrance la plus sévère du corps.
Et il reste captif, dans ces dures conditions pendant de longues
périodes, dans de petites cellules sombres où manquent les conditions
minimales pour la santé et un minimum d’humanité. Cela ne convient à
aucun organisme vivant.
Un coup d’œil à la prison
La prison est un lieu étendu fait de différentes
sections. Chaque section contient un certain nombre de salles et de
cellules où le prisonnier passe son temps. La salle peut contenir de 8 à
10 prisonniers, si ce n’est plus dans certaines prisons. L’espace n’est
pas étendu où ils doivent partager leurs vies et leurs souffrances. Ils
sont autorisés à quitter la pièce pour une courte promenade. C’est ce
qui permet de garder le prisonnier vivant plus longtemps. Les
prisonniers sont des combattants appartenant en général à des groupes au
sein desquels ils ont combattu. Chaque groupe a sa direction qui dirige
et s’occupe des affaires internes du groupe. Ces groupes sont reliés
entre eux par un comité national composé de représentants des groupes.
Ce comité est considéré comme la direction de l’institution des
prisonniers. Il définit la politique à observer à l’intérieur de la
prison et détermine le cadre général et l’organisation pour la vie des
prisonniers. Un représentant du Comité parle au nom de tous les
prisonniers vis-à-vis de l’administration de la prison. Il réclame le
respect des droits de l’homme, des conditions de vie correctes et
décentes. Le comité, soutenu par les groupes, travaille au développement
de programmes culturels, d’activités sportives et d’autres activités
qui éduquent le prisonnier et qui le vaccine contre les plans des
gardiens. Ceux-ci sont, après tout, l’instrument de l’occupation. Ils
sont chargés de tenter de vider et de faire renoncer les prisonniers au
contenu et au sens de leur combat national, culturel, politique et
social. Ils sont chargés de les transformer en une structure vaincue et
vide qui accepterait l’idée et la réalité de l’occupation et de l’idée
que la résistance serait futile. Ils cherchent à substituer le concept
d’intérêt personnel et particulier à celui d’intérêt général. Cependant,
les luttes des prisonniers depuis 1967 jusqu’à maintenant, ont exprimé
leur rejet de la vie cruelle et humiliante imposée par
l’administration. Ils sont, à l’inverse, reconnaissants au Comité
national qui permet aux prisonniers de sauvegarder leur identité
nationale. Ils ont lutté par de longues « grèves de la faim »,
l’estomac vide. Ils ont utilisé d’autres moyens de lutte pour améliorer
leurs conditions de vie quotidienne. Dans un contexte de confrontation
directe et permanente avec le geôlier, des martyrs sont tombés. Ils ont
tout perdu – leur sang et leur vie – pour permettre à leurs camarades
d’infortune de vivre dignement. Les prisonniers ont aussi réussi à
transformer la prison en une académie nationale, où beaucoup sont
devenus diplômés et certains d’entre eux ont joué un grand rôle pour la
cause palestinienne. La prison est aussi un reflet de la réalité
palestinienne elle-même, car la malheureuse situation du prisonnier est
le résultat de malheureuse situation palestinienne.
Implications humanitaires, politiques et juridiques
L’objectif, grave, de l’administration pénitentiaire
israélienne, qui prend fondamentalement pour cible les prisonniers, est
de tenter de supprimer la légitimité du combat national du peuple
palestinien. Elle refuse les chartes et les traités internationaux, en
particulier la Charte des Nations unies qui reconnaît formellement le
« droit à la résistance » pour la liberté et l’autodétermination. Et
elle veut aussi délégitimer au plan international les droits et le
statut légal des prisonniers qui sont des « prisonniers de guerre » et
des « combattants de la liberté », selon le droit international, la
Convention de Genève et les résolutions de l’ONU. Elle veut consacrer la
non-reconnaissance par les Israéliens de la légitimité du mouvement
national palestinien comme un mouvement de libération nationale et de
ses hommes comme étant des combattants légaux qui appliquent les
dispositions du droit de la guerre.
Grande prison
S’il y a actuellement 6 000 prisonniers palestiniens
derrière les murs des prisons, en punition de leur résistance à
l’occupation, il y a plus de quatre millions de Palestiniens qui vivent
sous l’emprise d’une grande prison d’occupation. Simplement parce qu’ils
sont des Palestiniens et qu’ils veulent rester sur leurs terres, parce
qu’ils résistent à la politique de nettoyage ethnique et parce qu’ils se
tiennent face aux occupants, à leurs plans et parce qu’ils défendre
leur droit à exister. La prison c’est le long mur d’apartheid qui a
découpé le pays en enclaves et en cantons, c’est le blocus terrestre et
aérien imposé à la bande de Gaza depuis des années. C’est la politique
de discrimination raciale pratiquée contre notre peuple à Jérusalem et
dans la Palestine occupée en 1948 par le biais de harcèlement et de
déplacements et de confiscation de terres et de démolitions de maisons
et de vol de la culture palestinienne et arabe. Au-delà de nous, c’est
toute la Palestine qui est une prison et ce sont tous les Palestiniens
qui sont entre ses murs. Des murs de fer et de béton.