Michael Mansfield - Guardian
Les nouvelles règles sur les mandats d’arrêt ne feront
qu’encourager Israël à se croire au dessus des lois internationales.
Echantillon
de criminels de guerre israéliens [de g. à d.] : Askenazi chef d’état
major, Barak ministre de la défense, Marom commandant de la Marine
Israël a violé un nombre incalculable de Résolutions de
l’ONU et de lois internationales pendant les 50 dernières années sans
avoir reçu la moindre sanction légale, économique, politique ou
militaire. Son mépris pour l’opinion majoritaire de la Cour
Internationale de Justice de La Hayes qui, en 2004, a déclaré illégale
la construction d’un mur dans les territoires occupés est plus
significatif encore. Si on ajoute à cela l’occupation illégale de la
Palestine, l’expansion continue des colonies illégales, les évictions
forcées et les démolitions de maisons, la confiscation des ressources en
eau, le blocus de Gaza et l’usage illicite de passeports clonés pour
permettre des assassinats ciblés en dehors d’Israël, on peut penser que
c’est un état qui se considère comme au dessus des lois.
La création d’une juridiction universelle pour les
crimes internationaux a été précédée par des années de négociations et
de délibérations exhaustives dont le but était de garantir qu’il n’y
aurait aucun refuge ni abri accessibles à ceux qui avaient commis les
pires crimes contre l’humanité. Dans le concret, cela signifie que
quelque soit l’endroit où le crime a eu lieu, quelles soient les
victimes, qui que ce soit qui ait commis ces crimes, une action
judiciaire pouvait être ouverte contre les responsables. Le génocide,
les crimes de guerre et la torture font partie des ces crimes.
La Cour Internationale de Justice a clairement dit que,
dans le cas du mur, l’obligation de poursuivre les responsables revient à
tous les états. Le problème est que les états ne veulent pas se charger
de poursuivre Israël et qu’ils se contentent de très timides
tractations diplomatiques. Des hommes de loi qui défendent des
Palestiniens ont été obligés d’entamer eux-mêmes des poursuites.
En 2009, les magistrats du tribunal de Westminster ont
émis un mandat d’arrêt contre Tzipi Livni, ministre israélienne des
affaires étrangères à l’époque de l’opération Cast Lead qui a causé la
mort de 1400 personnes à Gaza. La hiérarchie du gouvernement
travailliste britannique s’est empressée d’aller voir les autorités
israéliennes, pas pour parler de ces morts, mais pour demander pardon
pour le mandat d’arrêt.
Il y a eu un incident dramatique lors d’une apparition
de Livni à la télévision israélienne pendant l’invasion de Gaza. Au
début de l’interview, le journaliste, Shlomi Eldar, a reconnu le nom qui
est apparu sur son mobile. Il s’agissait de Izzeldin Abuelaish, un
docteur Palestinien qui avait courageusement et sans répit soigné
également Palestiniens et Israéliens sans peur et sans favoritisme. "Ils
ont bombardé ma maison. Ils ont tué mes filles. Qu’est-ce que nous
avons fait ? Shlomi, je veux les sauver mais elles sont mortes. Elles
ont été frappées à la tête. Elles sont mortes sur le coup. Allah
qu’est-ce que nous leur avons fait ?" Trois de ses filles et sa nièce
venaient juste d’être tuées par l’armée israélienne. Son coup de fil a
été diffusé sur les ondes et a fait le tour du monde. Le docteur a
décrit toute l’opération Cast lead telle qu’il en a été le témoin dans
son livre célèbre : "Je ne haïrai pas".
Il était clair que ce médecin respecté n’avait aucun
lien avec le Hamas ni le terrorisme et n’avait pas la moindre intention
hostile à l’égard d’Israël. Il n’y a donc que deux explications : ou
l’attaque était délibérée ou il s’agissait d’une attaque tout azimut qui
ne garantissait absolument pas la protection des civils. Dans ces
circonstances, il n’est pas surprenant que la commission d’enquête de
l’ONU sur la guerre de Gaza ait conclu qu’Israël —et le Hamas— avait
commis des crimes de guerre et peut-être des crimes contre l’humanité.
Le leader de la mission est revenu sur ses déclarations mais pas les
trois autres membres distingués de la commission, et les Affaires
Etrangères ont maintenu leur adhésion à ce rapport et n’ont pas souhaité
qu’il soit retiré. De toutes façons il n’y est pas question d’un
quelconque manquement à accorder aux civils la protection nécessaire.
En septembre le gouvernement britannique a changé les
règles de base en donnant au procureur (Director of Public
Prosecutions*) un droit de veto aux demandes de mandats d’arrêt par des
particuliers (dans l’Acte de la réforme de la police et de la
responsabilité sociale). C’est une insulte aux tribunaux d’insinuer
qu’ils ne sont pas capables d’évaluer à partir de quel moment il
convient ou non de délivrer un mandat d’arrêt. En 10 ans, ils en ont
accordé deux sur 10 demandés. Il s’agit de l’arrestation et non de la
mise en accusation.
Le procureur a déclaré en janvier qu’il consulterait le
procureur général (attorney general*) chaque fois qu’un mandat d’arrêt
serait sollicité. Le procureur général aurait alors à décider s’il est
dans l’intérêt général d’engager des poursuites. Une telle décision ne
pourrait naturellement être prise qu’après que toutes les preuves
nécessaires aient été rassemblées pour pouvoir avoir une vue d’ensemble
sur le double critère de la recevabilité des preuves et de l’intérêt
public. Affirmer tout de suite qu’il n’y pas lieu de poursuivre revient à
mettre la charrue avant les boeufs et ridiculise le concept de
juridiction universelle.
Il est donc devenu hautement improbable qu’une autre
poursuite judiciaire ne soit jamais lancée que ce soit à l’instigation
du gouvernement lui-même ou d’un particulier —comme on a pu le constater
quand Livni a rencontré William Hague cette semaine à Londres. Etant
donné la piètre performance du gouvernement britannique en ce qui
concerne les pays ou les individus considérés comme inacceptables (Pour
Pinochet par exemple, c’est un magistrat espagnol qui a du faire le
nécessaire), ceux qui détiennent le pouvoir et les responsabilités au
moment où des crimes de guerre sont commis peuvent dormir sur leurs deux
oreilles.
Note :
* Le Crown Prosecution Service, ou
CPS, est un département non ministériel du gouvernement anglais chargé
de poursuivre des personnes accusées de délits criminels en Angleterre
et au pays de Galles. Le CPS est dirigé par le Director of Public Prosecutions qui rend des comptes à l’Attorney General d’Angleterre et du pays de Galles.
7 octobre 2011 - The Guardian - Pour consulter l’original :
http://www.guardian.co.uk/commentis...
Traduction : Dominique Muselet
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Traduction : Dominique Muselet