13/10/11
Bichara Khader
Directeur du Centre d’études et de recherches sur le monde arabe contemporain (Cermac), à l’Université catholique de Louvain
« Le moment choisi pour ce marché est intéressant. Il a été
conclu entre un premier ministre israélien isolé sur le plan
international, qui fait face à une fronde sociale à l’intérieur de son
pays, et un Hamas au pouvoir à Gaza, affaibli par le « printemps arabe »
et par l’initiative diplomatique de reconnaissance de l’État
palestinien lancée aux Nations unies par son concurrent, le président de
l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas.
Les négociations entre
Israël et le Hamas durent depuis plusieurs années. Elles étaient sur le
point d’aboutir en 2009, mais elles avaient achoppé sur des détails
techniques. Le changement de climat à l’intérieur du monde arabe et
l’intervention de la nouvelle diplomatie égyptienne, mais aussi des
émissaires allemands, qatariens et autres, ont rendu ce marché possible.
Cependant,
je ne crois pas que cela constitue une dynamique positive à l’avenir,
car plusieurs milliers de Palestiniens demeurent toujours dans les
prisons israéliennes. L’image de Mahmoud Abbas, un peu ternie auprès des
Palestiniens, s’est largement améliorée depuis sa prestation aux
États-Unis. Mais l’accord de libération des prisonniers pourrait faire
grimper la popularité du Hamas.
La libération de Marwan Barghouti comme clé de compréhension
Dans
la perspective des élections palestiniennes, le mouvement islamique
peut revenir dans l’équation politique. Avec un Hamas revigoré et un
Mahmoud Abbas qui se satisfait d’une victoire éphémère, aux effets
finalement extrêmement problématiques et aléatoires, le jeu demeure
ouvert dans la perspective des élections présidentielle et
parlementaires, prévues prochainement.
Il sera intéressant de voir
si Marwan Barghouti, figure de proue du Fatah, le parti de Mahmoud
Abbas, fait partie des prisonniers libérés. Si tel est le cas, alors je
subodore une volonté américaine de prévoir, dès à présent, une
alternative à Mahmoud Abbas dans la personne d’un dirigeant palestinien à
la fois populaire et favorable à la solution de deux États.
S’il
n’est pas sur la liste, cela voudra dire que ce sont essentiellement des
détenus proches du Hamas qui seront en majorité libérés. Ce qui
renforcera le Hamas et le camp de ceux qui estiment que la résistance
est payante. Dans ce cas, le premier ministre israélien Netanyahou aura
contribué à renforcer indirectement le Hamas et à rendre la situation
palestinienne plus volatile. »
Recueilli par Agnès ROTIVEL Lien