lundi 27 juin 2011

Les Palestiniens de Gaza paient au prix fort l’enlèvement de Shalit

27/06/2011
Les Palestiniens de Gaza paient le prix fort pour l’enlèvement du soldat israélien Gilad Shalit, aux mains du Hamas depuis cinq ans. La capture du jeune tankiste a servi à Israël de prétexte pour infliger « une punition collective, via un embargo, la guerre, des assassinats, des démolitions de maisons, et en entravant le processus de réconciliation (entre le Hamas et le Fateh du président Mahmoud Abbas) », estime Moukhaimar Abou Saadah, politologue de l’Université al-Azhar à Gaza. Mais, ajoute l’historien et politologue Walid al-Moudalal, de l’Université islamique de Gaza, il n’y a aucun doute qu’aux yeux des Palestiniens ce lourd tribut « fait partie de la résistance contre l’ennemi » israélien.
Gilad Shalit, 24 ans, a été capturé en bordure de la bande de Gaza le 25 juin 2006 par un commando de trois organisations paramilitaires palestiniennes, dont l’une relevant du Hamas. Depuis, le jeune Israélien, qui a aussi la nationalité française, est détenu au secret, sans aucune visite de la Croix-Rouge. En réponse à son kidnapping, Israël a imposé le blocus de la bande de Gaza, renforcé en 2007 lorsque le Hamas y a saisi le pouvoir, puis assoupli il y a un an. Un total de 64 parlementaires et membres du gouvernement Hamas ont été arrêtés. Des chefs et des infrastructures de sa branche armée ont en outre été la cible de raids aériens.
Durant l’hiver 2008-2009, dans un contexte de tirs quotidiens de roquettes palestiniennes contre son territoire, Israël a lancé une dévastatrice offensive – baptisée « Plomb durci » – contre le Hamas à Gaza, qui a fait 1 400 morts palestiniens, dont la moitié de civils. Treize Israéliens ont été tués.
Pourtant, Israël paie aussi le prix de son échec à faire libérer Gilad Shalit depuis cinq ans, en dépit de sa puissance de feu et de sa capacité de mobilisation diplomatique. « Un fardeau moral et une défaite politique », selon le professeur al-Moudalal. Aujourd’hui, une majorité d’Israéliens (63 %) se dit prête à accepter les conditions du Hamas – l’élargissement d’un millier de prisonniers politiques palestiniens, dont près de la moitié « ont du sang israélien sur les mains » – en échange de la libération de leur compatriote otage. « Si un accord advient, ce sera une victoire concrète et morale pour le Hamas, même si Israël garde les moyens d’imposer une punition collective à Gaza », relève l’analyste palestinien Talal Okal. Le journaliste vétéran israélien Avi Issacharoff, du quotidien Haaretz (gauche), reconnaît que la longue détention de Gilad Shalit est « une victoire pour le Hamas et un échec patent de l’armée et du renseignement israéliens ». Toutefois, si le Hamas ne parvient pas à un échange avec Israël, il subira « un revers politique – à cause des milliers de tués, de blessés et d’emprisonnés pour rien – mais aussi économique » en raison de la misère quotidienne à Gaza, souligne M. Issacharoff.
Jusqu’à présent, le gouvernement de droite de Benjamin Netanyahu et le Hamas campent sur leurs positions. « Bibi » Netanyahu se dit favorable à un échange mais « pas à n’importe quel prix ». « L’expérience du passé nous enseigne que des dizaines d’Israéliens ont été tués dans des attentats commis par des terroristes qui avaient été relâchés dans le cadre d’échanges de prisonniers antérieurs », argue t-il. « Nous n’envisagerons de résoudre le cas de Shalit que si le problème des détenus palestiniens enfermés dans les geôles de l’occupant (israélien) est réglé », répond quant à lui le Hamas.
Dans ce contexte, le père de Gilad Shalit a accusé hier M. Netanyahu de mettre en péril la vie de son fils. « Nous disons à Benjamin Netanyahu qu’il n’a pas le droit de décider de la mort de Gilad en refusant un échange de prisonniers », a déclaré aux journalistes Noam Shalit lors d’une conférence de presse près de la résidence du Premier ministre à Jérusalem. « Le temps presse. Les atermoiements mettent en danger la santé et la vie de Gilad, ainsi que les valeurs d’Israël », a-t-il plaidé. « Vous avez le devoir de payer le prix exigé. L’État l’a envoyé au combat et doit le ramener chez lui. Ce serait une preuve de force et non de faiblesse (...) Il s’agirait d’un risque calculé, car la remise en liberté de quelques dizaines de terroristes (en échange de Shalit) ne modifierait en aucune manière la donne stratégique dans la région », a ajouté Noam Shalit.
(Source : AFP)