Israël - 7 juin 2011
Par Franklin Lamb
Les historiens ou les anthropologues culturels observant le cours des événements humains auraient du mal à trouver une terre autre que la Palestine où un pourcentage aussi important de colons d'arrivée récente se préparent à exercer leur droit au départ, tandis que beaucoup d'autres, aux vraies racines millénaires mais victimes d'un nettoyage ethnique, se préparent à exercer leur droit au retour.
L'une des nombreuses ironies inhérentes à l'entreprise coloniale sioniste du 19ème siècle en Palestine est le fait que cet incroyable projet qui s'effiloche a été vendu pendant la plus grande partie du 20ème siècle comme un refuge au Moyen-Orient pour le "retour" des Juifs européens persécutés. Mais aujourd'hui, au 21ème siècle, c'est l'Europe qui est de plus en plus considérée par un grand nombre des occupants illégaux de la terre palestinienne comme le havre tant désiré pour le retour des Juifs du Moyen-Orient. Pour paraphraser le journaliste juif Gideon Levy, "Si nos ancêtres ont rêvé d'un passeport israélien pour s'échapper d'Europe, beaucoup parmi nous rêvent maintenant d'un second passeport pour s'échapper en Europe."
Plusieurs études en Israël, une conduite par l'AIPAC et une autre par le Fonds national juif en Allemagne montrent que pas moins de la moitié des Juifs vivant en Israël envisagent de quitter la Palestine dans les années à venir si les tendances politiques et sociales continuent. Une enquête de 2008 du Menachem Begin Heritage Center (Centre du patrimoine Menachem Begin) basé à Jérusalem a révélé que 59% des Israéliens avaient pris contact ou avaient l'intention de prendre contact avec une ambassade étrangère pour s'informer sur ou faire une demande de citoyenneté et de passeport. On estime qu'aujourd'hui le chiffre approche les 70%.
Le nombre d'Israéliens pensant à quitter la Palestine augmente rapidement, selon des chercheurs de l'Université Bar-Ilan, qui ont mené une étude publiée récemment dans Eretz Acheret ("Un endroit différent"), une ONG israélienne qui affirme promouvoir le dialogue culturel. Ce que l'étude de Bar-Ilan a constaté, c'est que plus de 100.000 Israéliens ont déjà un passeport allemand, et que ce chiffre est en augmentation de plus de 7.000 tous les ans. Selon des responsables allemands, plus de 70.000 passeports ont été accordés depuis 2000. En plus de l'Allemagne, plus d'un million d'Israéliens sont détenteurs d'autres passeports étrangers dans le cas où la vie en Israël se détériorerait.
L'un des pays les plus attractifs pour les Israéliens envisageant d'émigrer, et peut-être aussi le plus accueillant, sont les Etats-Unis. Actuellement, plus de 500.000 Israéliens ont un passeport US, avec près d'un quart de million de demandes en attente. Au cours des rencontres récentes à Washington DC entre la délégation du Premier ministre israélien Netanyahu et les agents d'Israël aux Etats-Unis, des responsables de l'AIPAC auraient assuré que si et quand cela serait nécessaire, le gouvernement états-unien délivrerait rapidement des passeports américains à tous les Juifs israéliens qui en feraient la demande. Les Arabes israéliens n'ont pas besoin de faire de demande.
L'AIPAC a également garanti aux Israéliens qu'on pouvait faire confiance au Congrès des Etats-Unis pour approuver le financement des Juifs israéliens arrivant "et pour leur allouer des subventions substantielles de réinstallation pour faciliter leur transition dans leur nouveau pays."
A part les Juifs israéliens qui pensent peut-être obtenir un "passeport de sécurité" pour une terre de diaspora, il y a un pourcentage similaire de Juifs du monde entier qui ne feront pas leur aliyah. Selon Jonathan Rynhold, professeur à Bar-Ilan spécialisé dans les relations US-Israël, les Juifs seraient plus en sécurité à Téhéran qu'à Ashkelon ces jours-ci - jusqu'à ce qu'Israël ou les Etats-Unis se mettent à bombarder l'Iran.
Des entretiens avec certains de ceux qui soit ont aidé à conduire les études citées ci-dessus, soit en ont connaissance, identifient plusieurs facteurs qui expliquent la ruée israélienne sur les passeports étrangers, certains sont plutôt surprenants étant donné la culture israélienne ultra-nationaliste. Le dénominateur commun est le malaise et l'anxiété, tant personnels que nationaux, et le second passeport est considéré comme une sorte de police d'assurance "pour les mauvais jours qui pointent à l'horizon,", comme l'a expliqué un des chercheurs de Eretz Acheret.
Parmi les autres facteurs, on trouve :
- Le fait que deux ou trois générations en Israël ne se sont pas avérées suffisantes pour implanter des racines là où peu existaient avant, si tant est qu'il y en ait eu. Pour cette raison, Israël a produit un pourcentage important de "re-immigration" - le retour d'immigrants ou de leurs descendants dans leurs pays d'origine qui, n'en déplaise à la propagande sioniste, n'est pas la Palestine.
- La crainte que des fanatiques religieux parmi les plus de 600.000 colons en Cisjordanie provoquent une guerre civile, annexent l'Israël d'avant-1967 et transforment davantage Israël en un Etat ultra-fasciste.
- Des pressions centripètes au sein de la société israélienne, en particulier parmi les immigrants russes qui rejettent massivement le sionisme. Depuis la chute du Mur de Berlin en 1989, un million de Juifs ont quitté l'ancienne Union soviétique pour Israël, enflant la population du pays de 25% et formant la plus large concentration au monde de Juifs russes. Mais aujourd'hui, ils forment le groupe le plus important à émigrer d'Israël, et ils sont revenus en foule pour des raisons allant de l'opposition au sionisme, la discrimination et les promesses non tenues sur l'emploi et "la bonne vie" en Israël.
- A ce jour, environ 200.000 ou 22% des Russes ayant déménagé en Israël depuis 1990 sont repartis dans leur pays. Selon le rabbin Berel Larzar, qui est Rabbin en chef de la Russie depuis 2000, "le nombre de gens qui reviennent est absolument extraordinaire. Quand les Juifs sont partis, il n'y avait pas de communauté, pas de vie juive. Les gens pensaient qu'être Juif était une erreur historique qui était arrivée à leur famille. Aujourd'hui, ils savent qu'ils peuvent vivre en Russie en faisant partie d'une communauté, et ils n'ont pas besoin d'Israël."
- Aucune confiance ni respect pour les dirigeants israéliens, dont la plupart sont considérés comme corrompus.
- Des sentiments d'anxiété et de culpabilité sur le fait que le sionisme a détourné le judaïsme et que les valeurs juives traditionnelles sont dénaturées.
- La compréhension récente et grandissante, pour beaucoup d'Israéliens, encouragée de façon importante par l'Internet et la résistance palestinienne persistante, du récit convaincant et motivant des Palestiniens, qui sape totalement le mantra sioniste du siècle dernier, "un peuple sans terre pour une terre sans peuple."
- La propagation de la peur par les dirigeants politiques destinée à pousser les citoyens à soutenir la politique du gouvernement, allant de la bombe iranienne, aux "terroristes" innombrables qui seraient partout et planifieraient un autre Holocauste ou les diverses menaces existentielles mettent les familles sur les nerfs et les mènent à la conclusion qu'elles ne veulent pas élever leurs enfants dans de telles conditions.
Expliquant qu'il parlait en son nom propre et non en tant que membre de Democrats Abroad Israël, Hillel Schenker, né à New-York, a suggéré que les Juifs qui viennent en Israël "veulent s'assurer qu'ils ont la possibilité de revenir d'où ils viennent." Il a ajouté que "l'insécurité qu'implique la vie moderne, et un Israël qui ne vit toujours pas en paix avec aucun de ses voisins, ont également produit un phénomène où beaucoup d'Israélien veulent un passeport européen, basé sur leurs racines familiales, juste au cas où."
Gene Schulman, ancien camarade juif américain de la Overseas American Academy basée en Suisse, dit les choses d'une façon encore plus radicale, soulignant que tous les Juifs sont "morts de peur sur ce que deviendra probablement Israël, même si les Etats-Unis continuent de le soutenir." Et beaucoup d'observateurs de la société israélienne conviennent que les trois mois passés du réveil arabe, qui ont renversé les piliers-clés du soutien régional d'Israël, ont récemment provoqué une impulsion majeure pour le départ des Juifs de Palestine.
Selon Layal, étudiant palestinien du camp de Shatila, qui se prépare à participer à la marche "Naksa" du 5 juin sur la "Ligne bleue" au sud Liban : "Ce que les occupants sionistes de Palestine ont vu depuis la Place Tahrir au Caire jusqu'à Maroun al-Ras au Sud Liban a convaincu beaucoup d'Israéliens que la résistance arabe et palestinienne, encore naissante, se développera en une lame de fond massive et essentiellement pacifique telle que ni les armes ni l'administration d'apartheid pourront garantir un avenir sioniste en Palestine. Ils ont raison de chercher des endroits alternatifs pour élever leurs familles."
Plusieurs études en Israël, une conduite par l'AIPAC et une autre par le Fonds national juif en Allemagne montrent que pas moins de la moitié des Juifs vivant en Israël envisagent de quitter la Palestine dans les années à venir si les tendances politiques et sociales continuent. Une enquête de 2008 du Menachem Begin Heritage Center (Centre du patrimoine Menachem Begin) basé à Jérusalem a révélé que 59% des Israéliens avaient pris contact ou avaient l'intention de prendre contact avec une ambassade étrangère pour s'informer sur ou faire une demande de citoyenneté et de passeport. On estime qu'aujourd'hui le chiffre approche les 70%.
Le nombre d'Israéliens pensant à quitter la Palestine augmente rapidement, selon des chercheurs de l'Université Bar-Ilan, qui ont mené une étude publiée récemment dans Eretz Acheret ("Un endroit différent"), une ONG israélienne qui affirme promouvoir le dialogue culturel. Ce que l'étude de Bar-Ilan a constaté, c'est que plus de 100.000 Israéliens ont déjà un passeport allemand, et que ce chiffre est en augmentation de plus de 7.000 tous les ans. Selon des responsables allemands, plus de 70.000 passeports ont été accordés depuis 2000. En plus de l'Allemagne, plus d'un million d'Israéliens sont détenteurs d'autres passeports étrangers dans le cas où la vie en Israël se détériorerait.
L'un des pays les plus attractifs pour les Israéliens envisageant d'émigrer, et peut-être aussi le plus accueillant, sont les Etats-Unis. Actuellement, plus de 500.000 Israéliens ont un passeport US, avec près d'un quart de million de demandes en attente. Au cours des rencontres récentes à Washington DC entre la délégation du Premier ministre israélien Netanyahu et les agents d'Israël aux Etats-Unis, des responsables de l'AIPAC auraient assuré que si et quand cela serait nécessaire, le gouvernement états-unien délivrerait rapidement des passeports américains à tous les Juifs israéliens qui en feraient la demande. Les Arabes israéliens n'ont pas besoin de faire de demande.
L'AIPAC a également garanti aux Israéliens qu'on pouvait faire confiance au Congrès des Etats-Unis pour approuver le financement des Juifs israéliens arrivant "et pour leur allouer des subventions substantielles de réinstallation pour faciliter leur transition dans leur nouveau pays."
A part les Juifs israéliens qui pensent peut-être obtenir un "passeport de sécurité" pour une terre de diaspora, il y a un pourcentage similaire de Juifs du monde entier qui ne feront pas leur aliyah. Selon Jonathan Rynhold, professeur à Bar-Ilan spécialisé dans les relations US-Israël, les Juifs seraient plus en sécurité à Téhéran qu'à Ashkelon ces jours-ci - jusqu'à ce qu'Israël ou les Etats-Unis se mettent à bombarder l'Iran.
Des entretiens avec certains de ceux qui soit ont aidé à conduire les études citées ci-dessus, soit en ont connaissance, identifient plusieurs facteurs qui expliquent la ruée israélienne sur les passeports étrangers, certains sont plutôt surprenants étant donné la culture israélienne ultra-nationaliste. Le dénominateur commun est le malaise et l'anxiété, tant personnels que nationaux, et le second passeport est considéré comme une sorte de police d'assurance "pour les mauvais jours qui pointent à l'horizon,", comme l'a expliqué un des chercheurs de Eretz Acheret.
Parmi les autres facteurs, on trouve :
- Le fait que deux ou trois générations en Israël ne se sont pas avérées suffisantes pour implanter des racines là où peu existaient avant, si tant est qu'il y en ait eu. Pour cette raison, Israël a produit un pourcentage important de "re-immigration" - le retour d'immigrants ou de leurs descendants dans leurs pays d'origine qui, n'en déplaise à la propagande sioniste, n'est pas la Palestine.
- La crainte que des fanatiques religieux parmi les plus de 600.000 colons en Cisjordanie provoquent une guerre civile, annexent l'Israël d'avant-1967 et transforment davantage Israël en un Etat ultra-fasciste.
- Des pressions centripètes au sein de la société israélienne, en particulier parmi les immigrants russes qui rejettent massivement le sionisme. Depuis la chute du Mur de Berlin en 1989, un million de Juifs ont quitté l'ancienne Union soviétique pour Israël, enflant la population du pays de 25% et formant la plus large concentration au monde de Juifs russes. Mais aujourd'hui, ils forment le groupe le plus important à émigrer d'Israël, et ils sont revenus en foule pour des raisons allant de l'opposition au sionisme, la discrimination et les promesses non tenues sur l'emploi et "la bonne vie" en Israël.
- A ce jour, environ 200.000 ou 22% des Russes ayant déménagé en Israël depuis 1990 sont repartis dans leur pays. Selon le rabbin Berel Larzar, qui est Rabbin en chef de la Russie depuis 2000, "le nombre de gens qui reviennent est absolument extraordinaire. Quand les Juifs sont partis, il n'y avait pas de communauté, pas de vie juive. Les gens pensaient qu'être Juif était une erreur historique qui était arrivée à leur famille. Aujourd'hui, ils savent qu'ils peuvent vivre en Russie en faisant partie d'une communauté, et ils n'ont pas besoin d'Israël."
- Aucune confiance ni respect pour les dirigeants israéliens, dont la plupart sont considérés comme corrompus.
- Des sentiments d'anxiété et de culpabilité sur le fait que le sionisme a détourné le judaïsme et que les valeurs juives traditionnelles sont dénaturées.
- La compréhension récente et grandissante, pour beaucoup d'Israéliens, encouragée de façon importante par l'Internet et la résistance palestinienne persistante, du récit convaincant et motivant des Palestiniens, qui sape totalement le mantra sioniste du siècle dernier, "un peuple sans terre pour une terre sans peuple."
- La propagation de la peur par les dirigeants politiques destinée à pousser les citoyens à soutenir la politique du gouvernement, allant de la bombe iranienne, aux "terroristes" innombrables qui seraient partout et planifieraient un autre Holocauste ou les diverses menaces existentielles mettent les familles sur les nerfs et les mènent à la conclusion qu'elles ne veulent pas élever leurs enfants dans de telles conditions.
Expliquant qu'il parlait en son nom propre et non en tant que membre de Democrats Abroad Israël, Hillel Schenker, né à New-York, a suggéré que les Juifs qui viennent en Israël "veulent s'assurer qu'ils ont la possibilité de revenir d'où ils viennent." Il a ajouté que "l'insécurité qu'implique la vie moderne, et un Israël qui ne vit toujours pas en paix avec aucun de ses voisins, ont également produit un phénomène où beaucoup d'Israélien veulent un passeport européen, basé sur leurs racines familiales, juste au cas où."
Gene Schulman, ancien camarade juif américain de la Overseas American Academy basée en Suisse, dit les choses d'une façon encore plus radicale, soulignant que tous les Juifs sont "morts de peur sur ce que deviendra probablement Israël, même si les Etats-Unis continuent de le soutenir." Et beaucoup d'observateurs de la société israélienne conviennent que les trois mois passés du réveil arabe, qui ont renversé les piliers-clés du soutien régional d'Israël, ont récemment provoqué une impulsion majeure pour le départ des Juifs de Palestine.
Selon Layal, étudiant palestinien du camp de Shatila, qui se prépare à participer à la marche "Naksa" du 5 juin sur la "Ligne bleue" au sud Liban : "Ce que les occupants sionistes de Palestine ont vu depuis la Place Tahrir au Caire jusqu'à Maroun al-Ras au Sud Liban a convaincu beaucoup d'Israéliens que la résistance arabe et palestinienne, encore naissante, se développera en une lame de fond massive et essentiellement pacifique telle que ni les armes ni l'administration d'apartheid pourront garantir un avenir sioniste en Palestine. Ils ont raison de chercher des endroits alternatifs pour élever leurs familles."
Source : Counterpunch
Traduction : MR pour ISM