Mohammed Omar - Al Jazeera
Les groupes de défense des droits humains à Gaza lancent un appel pour que les groupes d’aide internationaux et des groupes de donateurs interviennent et fournissent une aide médicale urgente aux hôpitaux palestiniens dans le territoire assiégé.
Les hôpitaux de Gaza font face à des crises répétées de manque de médicaments - Photo : Gallo/Getty
Les responsables palestiniens font savoir que les stocks de médicaments dans Gaza sont presque épuisés et qu’il y a pénurie. Cela affecte les premiers soins, ainsi que tous les autres niveaux de traitement médical.
Adham Abou Salmia, porte-parole du service des ambulance de Gaza et des services d’urgence, estime que la crise est aiguë et la situation catastrophique pour les patients dans le secteur de la santé de Gaza. Si les réserves de médicaments ne sont pas reconstituées dans Gaza dans les semaines à venir, il faut s’attendre au pire.
Le Dr Basim Naim, ministre de la Santé dans le gouvernement de facto de la bande de Gaza, a déclaré que 178 types de médicaments jugés nécessaires sont proches du niveau zéro. Il dit aussi que plus de 190 types de médicaments en stock sont expirés ou sont proches de leur date d’expiration, ce qui a contraint son administration à reporter plusieurs interventions médicales.
Selon Al Mezan Center for Human Rights, la pénurie dans les réserves concerne 50 pour cent de la liste totale des médicaments sur l’inventaire du ministère palestinien de la Santé à Gaza.
La pénurie de médicaments dans la bande de Gaza remonte à 2006 - après que le Hamas ait remporté la majorité lors des élections en Palestine occupée - lorsque Israël a imposé de nouvelles restrictions sur le budget de l’Autorité palestinienne, empêchant ou retardant l’aide médicale indispensable destinée à Gaza.
Le Dr Naim a qualifié de « situation d’urgence » la pénurie de médicaments et de fournitures médicales.
Lors d’une conférence de presse tenue le 8 juin, il a déclaré que son ministère « a été soumis à des situations de crise humanitaire en permanence depuis plusieurs années ... et à la différence des précédentes crises médicales qui touchaient un nombre spécifique de patients, les crises actuelles auront une incidence sur les services de santé de base pour tous les patients. »
Annulation des opérations
Le 10 mai, le Dr Hassan Khalaf, vice-ministre de la santé à Gaza a déclaré à Al Jazeera que l’hôpital Al Shifa dans la bande de Gaza a dû annuler toutes les opérations prévues sur les yeux, les vaisseaux sanguins et les nerfs en raison de la pénurie de médicaments.
« La crise, aggravée par le manque de médicaments et d’articles essentiels, a touché le niveau de service fourni à l’hôpital Al Shifa », dit-il.
Un communiqué de presse publié par le Centre Al Mezan pour les droits de l’homme a déclaré que le problème actuel est dû à l’incapacité du ministère de la Santé de rembourser les factures des compagnies pharmaceutiques. Ces coûts sont estimés à environ 56 263 000 de dollars, et le ministère de la Santé ne s’attendait à être en mesure de pouvoir rembourser que 13 325 000 dollars en 2011.
Au cours des cinq dernières années, le ministère de la Santé de Gaza s’est plaint que la pénurie de médicaments était aussi provoquée par le gouvernement du Fatah à Ramallah. Le Fatah est accusé de ne pas envoyer les fournitures médicales adéquates vers la bande de Gaza. Le Ministre de la Santé, le Dr Naim, a aussi jeté le blâme sur les manquements de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie.
La bande de Gaza et la Cisjordanie sont dirigées par des gouvernements concurrents, même s’ils ont signé un accord au Caire visant à établir un nouveau gouvernement d’unité nationale. Le Dr Naim dit que les États-Unis et Israël exercent des pressions sur l’Autorité palestinienne pour qu’elle n’envoie pas de médicaments ni de fournitures médicales à Gaza, afin d’affaiblir les conditions de formation du nouveau gouvernement palestinien d’unité nationale.
Les groupes de défense des droits de l’homme conviennent que les crises ont frappé à la fois la bande de Gaza et la Cisjordanie, en raison de l’instabilité du financement étranger et du refus d’Israël de reverser les taxes et les recettes perçues au nom de l’Autorité palestinienne.
Les fonctionnaires du ministère de la Santé de Gaza disent que le ministère importe chaque année en mars les stocks de médicaments pour l’année. Mais, pour le moment, les fournitures n’ont pas été reconstituées depuis 2010, et les rayons sont presque vides.
Le principal hôpital de Gaza doit recevoir toutes les fournitures médicales par l’intermédiaire de l’Autorité palestinienne soutenue par l’Occident, parce que les donateurs internationaux préfèrent l’Autorité palestinienne pour contrôler tous les budgets et les livraisons à but humanitaire, de manière à éviter de traiter avec le gouvernement dirigé par le Hamas.
Al Mezan a souligné que, après cinq ans, la crise de l’approvisionnement des stocks se poursuit toujours au sein du ministère de la Santé et est « très grave ». Le centre estime « qu’il est urgent d’accélérer les travaux au plus haut niveau afin d’élaborer des politiques et actions pour résoudre cette crise, et assurer la disponibilité d’une réserve suffisante de médicaments et de fournitures médicales pour répondre aux besoins du ministère de la Santé, dans des conditions normales - et en urgence - vu les circonstances. »
Pendant ce temps, le Dr Naim a annoncé la suspension des opérations et de certains actes médicaux, dont la délivrance de médicaments pour les soins intensifs, les fournitures obstétricales, la suspension de la chirurgie pédiatrique, ophtalmique, pour cathétérisme cardiaque, pour les reins, ainsi que la chirurgie orthopédique et neurologique.
Le ministère de la Santé est en contact direct avec l’Egypte, le Qatar, la Turquie et le Quartet du Moyen-Orient - composé des Nations-Unies, des États-Unis, de l’Union européenne et de la Russie - pour tenter d’obtenir une réaction rapide et une levée immédiate du siège imposé sur le secteur de la santé, déclare le Dr Naim.
Des actions et pas seulement des mots ...
À Ramallah, cette semaine, 700 médecins palestiniens ont collectivement démissionné de leurs postes dans les hôpitaux à travers la Cisjordanie. Les responsables de la santé estiment qu’une telle démarche collective est une première dans l’histoire palestinienne.
Ces médecins, qui ont fait la grève avant leur démission, sont parmi les 1050 médecins qui avaient demandé une négociation avec le ministre de la santé dans le gouvernement du Fatah, le Dr Fathi Abu Moghli. Dans une déclaration faite par le chef du syndicat des médecins palestiniens, à Ramallah, le Dr Jawad Awwad a déclaré que cette démission collective était due à « la politique humiliante du Dr Abu Moghli à l’égard des médecins et du refus de dialoguer, en dépit d’une grève de 60 jours. »
Pendant ce temps le Dr Mounir al-Boursh, directeur du service pharmaceutique de la bande de Gaza au sein du ministère de la santé a déclaré que son hôpital était « impuissant » en raison de la pénurie de fournitures médicales, dont les analgésiques, les antibiotiques, les antiseptiques, les pansements et des équipements de rechange pour les générateurs électriques. Ces générateurs, dont la puissance électrique permet de conserver à température adéquate le sang, le plasma et les vaccins, sont encore plus vitaux pour les hôpitaux dans la zone côtière de Gaza qu’ailleurs, car il y a de fréquentes coupures de courant.
Pendant ce temps, le gouvernement du Hamas dans le territoire sous blocus a annoncé qu’il allait déduire 5% sur les salaires de ses 40 000 employés de Gaza pour financer l’achat de fournitures médicales et de médicaments.
La crise de la santé implique plus que simplement des fournitures médicales. Les hôpitaux mal équipés ont contraint de nombreux habitants de Gaza à devoir tenter de se faire soigner en Cisjordanie et dans les hôpitaux israéliens, mais cela nécessite un permis de sortie pour chaque patient afin de pouvoir passer par le contrôle israélien d’Erez.
Récemment, Israël a refusé l’accès à Ismail Salameh, un bébé âgé de 10 mois, qui devait recevoir un traitement médical dans un hôpital israélien, un processus coordonné et pris en charge financièrement par le ministère de la santé de Ramallah.
Ismail a depuis reçu un traitement médical à l’hôpital al-Rantissi à Gaza. « Mon bébé a une hémorragie dans son cerveau, » dit sa mère. « Il faut un transfert urgent pour un traitement médical. »
Même si Israël a concédé plusieurs centaines de permis de sortie pour des patients qui ont besoin d’un traitement médical en dehors de la bande côtière, les autorités sanitaires de Gaza accusent Israël de retarder l’attribution des permis et de faire attendre les patients plus longtemps que nécessaire.
Abu Salmia, le porte-parole des services ambulanciers et des services d’urgence de Gaza, admet que la situation sur le plan de la santé à Gaza a atteint un niveau critique exigeant « plus d’action et pas seulement des paroles. »
12 juin 2011 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.peace-programme.org/Traduction : al-Mukhtar
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