lundi 23 mai 2011

Beaucoup de rhétorique, mais pas d’un grand secours

publié le samedi 21 mai 2011
Robert Fisk

 
Et nous avons eu à entendre quel allait être le « rôle » de l’Amérique dans le nouveau Moyen-Orient. Nous ne l’avons pas entendu cependant dire si les Arabes voulaient qu’elle y ait un rôle.
Toujours la même vieille histoire. Les Palestiniens peuvent avoir un État « viable », et Israël la « sécurité ». Israël ne peut être délégitimé. Les Palestiniens ne doivent pas essayer d’obtenir un État aux Nations-Unies en septembre. Aucune paix ne peut être imposée à l’une ou l’autre des parties. A certains moments hier, vous auriez pu tourner cela en un discours d’Obama à l’intention des lobbyistes pro-israéliens ce week-end. Ah oui, l’État palestinien ne doit aussi posséder aucune arme pour se défendre. Mais alors, « viable », ça veut dire quoi !
C’était quelque chose comme un deuxième avènement, je suppose, une redite des promesses du Caire, une nouvelle tentative au Moyen-Orient, aussi fade et déloyale que toutes les autres, avec beaucoup de rhétorique à propos des révolutions arabes pour lesquelles Obama n’a aidé en rien. A certains moments, c’était positivement délirant. « Nous avons brisé la dynamique des Taliban, » lança le grand déclamateur. Quoi ? Pense-t-il vraiment, mais vraiment, cela ?
Évidemment, on a eu droit au bain de rhétorique habituel sur la Libye, la Syrie, l’Iran, les suspects traditionnels. Et il y a eu les mots. Courage. Paix. Dignité. Démocratie. Une créature de la planète Mars aurait pu croire que cet homme avait aidé au déclenchement des révolutions au Moyen-Orient, au lieu de s’être assis bien sagement à l’écart avec l’espoir que les satanés dictateurs allaient s’en tirer.
Il y a eu quelques tapes sur les doigts du Bahreïn (pas de révolution là, évidemment) mais pas un mot sur l’Arabie saoudite, quoique, je crois qu’à la place son roi usé va être au téléphone avec Obama dans les jours qui viennent. Qu’est-ce que tout cela a à voir avec le changement au Moyen-Orient ?
Nous avons eu une référence timide à « l’activité d’implantations israélienne », un coup au passage sur le Hamas (naturellement), beaucoup de larmes pour le vendeur de légumes tunisien, Mohamed Bouaziz, qui a démarré les révolutions - la Tunisie étant l’État dont Obama n’avait jamais vraiment parlé jusqu’à ce que Ben Ali ne prenne la fuite. L’ « humiliation de l’occupation » pour les Palestiniens - la répétition littérale de ce qu’il a dit au Caire il y a deux ans - et l’histoire du Palestinien « qui a perdu trois filles sous les obus israéliens » à Gaza. J’ai bien compris, évidemment. L’homme a juste « perdu » ses filles de la faute à des obus qui se sont trouvés par hasard à tomber sur elles ; aucune allusion au fait que quelqu’un a bien dû les tirer.
Obama a-t-il simplement trop parlé ? Je le crains. Il en profitait, baignant dans ses propres mots comme il l’a déjà fait dans sa piètre performance quand il a obtenu le prix Nobel de la Paix pour ses discours.
Et puis, je l’avais deviné qu’il le dirait, il a comparé les révolutions arabes à la révolution américaine. Nous tenons ces vérités comme coulant de sources, etc, etc. Que de nombreux Arabes aient combattu et aient trouvé la mort pour être libérés de nous plutôt que d’être comme les Américains lui a totalement échappé. Et puis nous avons eu à entendre quel allait être le « rôle » de l’Amérique dans le nouveau Moyen-Orient. Nous ne l’avons pas entendu cependant dire si les Arabes voulaient qu’elle y ait un rôle. Mais c’est Obama. Toujours à la recherche d’un rôle.
Eh bien, ce week-end est le week-end de Netanyahu, et la colonisation israélienne - quelques heures avant que ne parle Obama, de nouvelles constructions venaient d’être annoncées - va se poursuivre, comme avant. Et au moment où Obama en arrive à jurer fidélité éternelle aux Israéliens, les Arabes, eux, vont laisser tomber les gesticulations d’hier. Quant à la référence à l’ « État juif », elle était là manifestement pour donner satisfaction à Netanyahu. La dernière fois que j’y suis allé en Israël, il y avait des centaines de milliers d’Arabes qui y vivaient, tous avec des passeports israéliens. Ils n’ont même pas eu droit à être cités par d’Obama. Ou peut-être que je rêvais.
publié par the Independent
traduction : JPP pour l’AFPS