Jimmy Johnson - E.I
Promouvoir une mission commerciale avec une entreprise basée dans une colonie, voilà qui est beaucoup plus révélateur de ce qu’est véritablement la politique US.
Les drones israéliens survolent illégalement les territoires palestiniens et le sud du Liban
Le Département du Commerce des États-Unis et l’ambassade des États-Unis à Tel Aviv soutiennent conjointement la mission commerciale 2011 pour les systèmes téléguidés d’Israël, du 27 mars au 1er avril. Leur partenaire - et principal organisateur - est la société Airlift, entreprise de l’aérospatiale et de conseils dont le siège se trouve dans la colonie de Talpiot Mizrach (Talpiot-Est) à Jérusalem-Est occupée. Cela soulève des questions dérangeantes sur ce qui motive Washington à promouvoir le commerce de l’armement israélien et à le faire pour une firme basée dans une colonie illégale, ce qui va à l’encontre explicitement de la politique officielle US autant que du droit international.
Airlift a été créée en 2007 par Marc-Philippe Rudel, ingénieur électronicien et homme d’affaires français, pour « promouvoir la coopération économique et la formation de partenariats à l’international ». La société convainc des industries étrangères d’armement et des responsables militaires de participer à des réunions d’affaires entre entreprises, à des séminaires, des ateliers industriels spécialement conçus, et de venir visiter les grandes entreprises d’armements et instituts de recherche d’Israël. Le site d’Airlift indique que ses « bureaux sont situés au cœur de Jérusalem », mais l’adresse indiquée la situe en plein Jérusalem-Est occupée. Une filiale espagnole d’Airlift, Airlift Iberia, a été créée en septembre 2010.
Bien que considérée comme un quartier important de Jérusalem par la plupart des Israéliens - notamment par Rudel, à en juger par son activisme dans le mouvement centriste libéral, « Réveil de Jérusalem » -, Talpiot-Est est unanimement considérée aussi comme une colonie illégale par la communauté internationale, notamment les Nations-Unies, la Cour internationale de Justice et le gouvernement des États-Unis dont les déclarations se positionnent de façon constante contre les colonies israéliennes. Ce qui n’empêche pas Washington d’agir généralement - comme récemment avec son veto contre la résolution du Conseil de Sécurité des Nations-Unies qui condamnait les colonies - pour protéger Israël contre toute condamnation internationale et jusqu’à présent de lui apporter une aide économique directement utilisée pour les infrastructures et constructions dans les colonies. Promouvoir une mission commerciale avec une entreprise basée dans une colonie, voilà qui est beaucoup plus révélateur de ce qu’est véritablement la politique US, en dépit des déclarations officielles qui affirment le contraire. Le parrainage américain tombe à un moment où des gouvernements, comme ceux de Norvège, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, prennent activement leurs distances avec les activités commerciales liées aux colonies. Le Département d’État US et celui du Commerce, sollicités, n’ont pas voulu faire de commentaires.
Le programme de la mission commerciale prévoit des visites sur les sites de plusieurs industries d’armes israéliennes particulièrement impliquées dans l’occupation. Israel Aerospace Industries, Aeronautics Defense Systems, BlueBird Aero Systemes, et Rafael Advanced Defense Systems, sont toutes inscrites sur le calendrier de la délégation accueillie, ainsi qu’une réception « guindée » à l’ambassade US à Tel Aviv. Il y aura également de la propagande pour les systèmes téléguidés (drones) et une visite facultative, le dernier jour, de la vieille ville de Jérusalem.
Israël est un leader dans la conception et l’exportation des systèmes sans pilote, en particulier pour les aéronefs sans pilote (unmanned aerial vehicle - UAV). Israël les déploie continuellement au-dessus de la Cisjordanie et de la bande de Gaza occupées et aussi sur le Liban. Cette pratique guerrière - ces déploiements coutumiers dans le cadre de l’occupation militaire - est d’un caractère commercial déterminant pour ces aéronefs. Le site de la mission commerciale note, par exemple, que BlueBird Aero Systems est un « fournisseur officiel du ministère de la Défense d’Israël et de son armée de l’air ».
Il existe déjà une tradition de partenariats entre les fabricants d’UAV israéliens et les firmes d’armement et aérospatiales américaines, dont certains sont antérieurs à la création d’Airlift. Boeing, AAI et General Dynamics ont tous signé des accords de commercialisation pour promouvoir les modèles de Aeronautics Defense Systems aux États-Unis. General Dynamics aide aussi à la promotion des modèles d’Elbit Systems, et Advanced Ceramics Research ainsi que Cubic Advanced Tactical Systems ont aidé autrefois au commerce des drones Skylite de Rafael, aujourd’hui abandonnés. Ces sociétés, et d’autres, sont aussi engagées dans la recherche et le développement pour leur propre production d’UAV. Il n’y a, en fait, que les UAV de l’industrie d’armement américaine à faire concurrence à ceux d’Israël.
Il ne s’agit pas non plus de la première mission d’Airlift conjointe avec le Département du Commerce US. En janvier 2010, ils ont organisé de concert, et fait la promotion, la mission commerciale d’Israel Space 2010, qui a réuni des participants venant du Brésil, de Belgique et des USA pour s’informer et s’engager avec de nombreux fabricants des mêmes armes, impliqués dans la mission en cours sur les engins téléguidés. Airlift participe régulièrement à des évènements commerciaux et aérospatiaux promus par les ambassades françaises, brésiliennes, canadiennes et autres. Rudel est aussi consultant en charge du secteur de l’industrie aérospatiale pour la Mission économique de l’ambassade de France.
Les promoteurs sont bien conscients que l’expérience militaire qui donne aux UAV israéliens leur vigueur commerciale est aussi un handicap potentiel. Un document de la Mission commerciale 2010 sur l’aérospatiale, disponible sur le site BuyUSA.gov, du Département du Commerce US, note que « les préoccupations géopolitiques » sont « des obstacles potentiels » à une meilleure exploitation des marchés internationaux par les entreprises israéliennes. Un récent exemple en est cette hésitation du Brésil dans l’achat d’UAV israéliens, comme divulgué par Wikileaks. La dépêche diplomatique US de 2009 révèle que le ministre de la Défense brésilien, Nelson Jobim, avait pris des mesures pour « empêcher le Brésil (de) de devoir acheter des UAV à Israël, ce qui politiquement était devenu difficile » (dépêche diplomatique du 15 janvier 2009 - Wikileaks).
Avec l’activité et la popularité grandissantes de BDS (Boycott, Désinvestissements et Sanctions), dont les efforts visent à mettre fin à l’occupation, peut-être que les « obstacles potentiels » aux futures ventes s’avèreront encore plus redoutables.
Jimmy Johnson vit à Detroit, et dirige www.NegedNeshek.org, projet de recherches d’informations, de données et d’analyses sur les exportations d’armes israéliennes. Il peut être contacté à l’adresse : jimmy@negedneshek.org
Jimmy Johnson vit à Detroit, et dirige www.NegedNeshek.org, projet de recherches d’informations, de données et d’analyses sur les exportations d’armes israéliennes. Il peut être contacté à l’adresse : jimmy@negedneshek.org
18 mars 2011 - The Electronic Intifada - traduction : JPP