lundi 31 janvier 2011

Expulsions et démolitions à Jérusalem, ou les causes d’un traumatisme permanent

vendredi 28 janvier 2011 - 06h:37
Rapport - E.I
Jérusalem-Est Occupée (IRIN) - le UN Office for the Coordination of Humanitarian Affairs « OCHA » (Bureau de la coordination des affaires humanitaires) a déclaré que le phénomène d’expulsions et de démolitions des maisons constitue une inquiétude croissante pour les Palestiniens vivant à Jérusalem-Est.
(JPG)
A Al-Tur, dans Jérusalem-Est occupée, Nayeem Sbatan au milieu des décombres de son garage commercial, démoli le 29 décembre 2010 par les autorités israéliennes (Erica Silverman/IRIN)
En effet, OCHA souligne que les habitants qui subissent ces faits font face à des conséquences bouleversantes. En dépit de la perte de leurs maisons et de leur principale source de stabilité physique et économique, les familles sont confrontées à des factures juridiques, à des amendes et à des charges exorbitantes, y compris le coût de leur propre expulsion.
A ce titre, la municipalité de Jérusalem a estimé que, compte tenu de la loi municipale israélienne en vigueur, elle possède le droit de démolir tout type de structures jugées illégales et ce, afin de garantir une vie sûre et convenable pour les résidents.
Ainsi, OCHA rapporte qu’en date du 29 décembre 2010, les autorités municipales de Jérusalem et l’Autorité israélienne de la Nature et des Parcs ont procédé à la démolition de 15 structures dans le quartier Al-Tur de Jérusalem-Est occupée, dont quatre structures résidentielles, un garage privé et des réseaux de distribution d’eau et d’évacuation des eaux usées.
En outre, 20 hectares de terre ont été nivelés, environ 200 arbres déracinés et quelque 60 tonnes de fer auraient été confisquées.
De ce fait, sur les huit familles touchées, trois d’entre elles sont déclarées « réfugiées ».
Selon la municipalité, des inspecteurs en collaboration avec la police israélienne ont détruit dans la zone d’Al-Tur 11 structures et clôtures de fortune qui avaient été construites sans autorisation sur un terrain désigné comme parc national. Dans un rapport consulté par IRIN, la municipalité avait « posté des panneaux et affiches sollicitant le retrait des structures illicites, mais en vain. Résultat, la municipalité a décidé d’agir ».
IRIN s’est également rapproché de Nayeem Sbatan, un homme de 55 ans dont le garage à Al-Tur qui abritait 40 véhicules fut détruit sans préavis de la police ou des autorités municipales. La démolition qui a eu lieu le 29 décembre a entrainé des dommages avoisinant les $57.000. Les dommages ne concernent pas uniquement les chiffres puisque Naeem, qui est reconnu comme réfugié et qui détient une carte d’identité de Jérusalem vient de perdre son commerce établi sur une propriété possédée depuis 18 ans. Il précise : « Le secteur des ressources naturelles de la municipalité a déclaré qu’il avait besoin de nettoyer la zone ».
Surpeuplement et pauvreté
D’après l’Union Européenne, la Municipalité de Jérusalem adopte un système de panification où 13% des terrains se trouvant à l’Est occupé sont actuellement réservés à la construction palestinienne, tandis que 35% sont alloués aux colonies israéliennes. Ainsi, les Palestiniens ne sont autorisés à demander des permis de construire ou de réparer des maisons et toute autre structure liée aux moyens d’existence que dans les limites de cette superficie restreinte de 13%. Cette situation a donc provoqué une crise du logement et a créé des maisons délabrées bondées d’habitants.
Toujours selon l’Union Européenne, Jérusalem-Est compte 75% d’adultes et 83% d’enfants Palestiniens vivant en dessous du seuil de la pauvreté. Parmi ces familles celle de Sayed Abdullah. En effet, le sexagénaire, son épouse Muluk âgée de 52 ans et ses 10 enfants habitaient à côté de ce qui avait été le commerce de Naeem durant huit années. La démolition du 29 décembre dernier a détruit une partie de la maison de la famille Abdullah, une installation sanitaire et plusieurs réservoirs d’eau. Le père de famille raconte : « Les autorités de la municipalité sont venues me voir le 28 décembre et m’ont donné un mois pour évacuer ma propriété. Le lendemain, ils ont détruit celle de mon voisin ».
Reconnus comme « réfugiés » et détenteurs d’une carte d’identité de Jérusalem, les membres de la Famille de Sayed reçoivent une assistance de la part de l’UNRWA, l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient.
Dans ce contexte, les Nations Unies et ses partenaires sont en train de procurer des abris pour les réfugiés, alors que le CICR - Comité International de la Croix Rouge - fournit des tentes. Pour sa part l’UNRWA apporte aux réfugiés enregistrés une assistance en espèces et une indemnité de logement allant de trois à six mois. De leur côté, sept organisations internationales et non gouvernementales, à l’instar du Conseil Norvégien pour les Réfugiés, offrent une assistance en soutenant les réfugiés et les personnes à risques, ce qui facilite une représentation juridique pour les familles.
Intensification de l’activité des colons
Les quartiers palestiniens ont enregistré une intensification de l’activité des colons au cours des dernières années, souvent accompagnée de tentatives visant à expulser les résidents Palestiniens de force, souligne OCHA. De même, la démolition de maisons ouvre la voie à la construction de colonies israéliennes.
A ce titre, l’Union Européenne rapporte qu’entre 2001 et 2009, Jérusalem-Est comptait 37% de l’ensemble des colonies sur les territoires palestiniens occupés. La semaine dernière, Catherine Ashton, Chef de la Diplomatie Européenne, a tenu à réitérer que « l’Union Européenne ne reconnait pas » l’annexion de Jérusalem-Est à Israël, ce qui veut dire qu’en vertu de la loi internationale, les modifications apportées à la structure du territoire sont illégales.
Par ailleurs, IRIN a repris les propos de Elie Isaacson, porte-parole du bureau de Nir Barakat, Maire de Jérusalem où il souligne que la municipalité a introduit un nouveau plan de zonage pour la région de Silwan, située à Jérusalem-Est occupée. Ce plan permettra à la municipalité d’enregistrer les structures illégales et de collecter les impôts impayés.
Isaacson ajoute : « le nouveau plan de zonage [qui légaliserait 75% des structures dans la région] est en attente d’approbation de la part du Ministère de l’Intérieur. Et la question qui se pose est : pour quand ? ». Il espère que le plan finira par couvrir toute Jérusalem-Est, y compris Al-Tur.
Pendant ce temps, le bureau de Barakat a demandé aux tribunaux de surseoir tout ordre de démolition pour la zone de Silwan.
Le porte-parole poursuit en avançant des données relatives aux constructions illégales. Estimées à 20.000 à Jérusalem-Est occupée, la plupart de ces structures sont dangereuses et manquent de conduites d’eau et d’installations sanitaires appropriées. Ainsi, sur les 60.000 structures existantes, seulement 40.000 sont enregistrées à la municipalité.
D’autre part, OCHA insiste sur le risque encouru par 88.000 Palestiniens à Jérusalem-Est occupée à cause des structures n’ayant pas les permis nécessaires. La démolition des maisons est alors un autre aspect du quotidien rigoureux et de ses conséquences fâcheuses imminentes et à long terme sur les Palestiniens. Selon un constat dressé par Save the Children, une ONG basée en Grande-Bretagne, ces destructions ont de sérieux effets physiques, sociaux, économiques et émotionnels, y compris une pauvreté croissante et un accès limité aux services de base, notamment à l’eau, à l’éducation et aux services médicaux.
Quant aux enfants, l’impact s’avère particulièrement dévastateur, caractérisé par les troubles de stress post-traumatique, la dépression, l’anxiété et surtout un faible succès scolaire puisqu’ils sont souvent contraints de changer d’écoles.
20 janvier 2011 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Niha
Lien