Marwan Bishara - Al Jazeera
L’analyste politique chevronné d’Al Jazeeera, Marwan Bishara, répond à des questions clés après l’échec des Etats-Unis à bloquer les colonies israéliennes.
Alors que les USA renoncent à leurs tentatives d’assurer un moratoire temporaire sur la colonisation en Cisjordanie occupée, comme moyen de relance du « processus de paix », Marwan Bishara apporte quelques éclairages sur ce que cela implique pour les politiques palestinienne, israélienne et états-unienne au Moyen-Orient.
Compte tenu de l’interruption des négociations, quelles sont maintenant les options palestiniennes ?
Compte tenu de l’interruption des négociations, quelles sont maintenant les options palestiniennes ?
L’Autorité palestinienne est dans le pétrin. Elle a rejeté toutes négociations directes avec la nouvelle coalition de droite israélienne jusqu’à ce qu’Israël impose un moratoire sur les colonies illégales qui continuent de ronger ses perspectives pour un Etat incluant Jérusalem-Est, et ce, en espérant que l’administration Obama obtienne ce moratoire.
Aujourd’hui, elle est laissée dépendante d’une administration qui n’a plus le pouvoir d’assurer ce moratoire, et qui n’a guère, voire pas du tout, de possibilités d’arriver à faire pression sur Israël sur le terrain. Les Palestiniens maintenant se tournent vers l’espoir de pouvoir s’appuyer sur une nouvelle et modeste dynamique internationale qui a démarré en Amérique latine pour une reconnaissance d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967 et, en même temps, de construire les bases infrastructurelles, économiques et administratives pour un Etat de facto dans le futur. Que l’OLP doive déclarer unilatéralement un Etat palestinien cela reste à voir car après tout, elle a déjà déclaré un tel Etat en 1988, et cela n’a servi à rien.
Qu’est-ce que cela signifie pour Israël ?
L’échec des USA est humiliant.
Le gouvernement Netanyahu a exprimé son opposition à toute reconnaissance internationale d’un Etat palestinien laquelle créerait, selon lui, de « faux espoirs » chez les Palestiniens, par contre il soutient les tentatives du gouvernement palestinien de concentrer ses efforts sur une construction strictement économique et institutionnelle.
Netanyahu estime que la poursuite de la colonisation juive en Cisjordanie et à Jérusalem-Est assure la présence civile et militaire israélienne pour le futur, et détermine de facto les contours des frontières, de la souveraineté et de la (in)dépendance d’un Etat palestinien. Netanyahu espère que, si le moment vient, Israël pourra reconnaître une entité palestinienne avec tous les attributs de souveraineté, qu’on appellera Etat mais qui, en réalité, ne sera rien de plus qu’une autonomie dépendante, ou un bantoustan.
Quelles sont les options états-uniennes ?
L’échec des USA à faire pression sur Israël pour obtenir un moratoire temporaire sur la colonisation en échange de « généreux » avantages offerts est humiliant pour une administration déjà affaiblie. Même si certains officiels US parlent de revenir aux négociations indirectes ou à ce que l’on appelle les « pourparlers de proximité », il est clair que c’est trop peu et trop tard.
Si les USA s’en tiennent à un mode de « gestion de crise » au lieu de revenir à leurs engagements antérieurs pour résoudre le conflit sur la base de la justice et de la sécurité pour tous, leur politique continuera à en subir les conséquences, tel est à peu près ce que soutient un nombre croissant d’officiels et généraux US.
Incapables de relancer les « pourparlers de paix », les USA sont moralement et politiquement obligés d’en revenir au Quartet international (Nations unies, Union européenne, Russie et Etats-Unis) qui devra à son tour se pencher sérieusement sur la reconnaissance d’un Etat palestinien indépendant dans les frontières de 1967.
Israël peut relever de la responsabilité des Etats-Unis, mais la Palestine est de la responsabilité de la communauté internationale qui l’a longtemps abandonnée.
Marwan Bishara est le principal analyste politique sur le Moyen-Orient pour Al-Jazeera ; écrivain et journaliste palestinien, il est également chercheur à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS, Paris) et enseignant à l’université américaine de Paris. Il a écrit : Palestine/Israël : la paix ou l’apartheid ? paru aux Editions La Découverte.